Egalité et Réconciliation
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A la reconquête de l’étranger proche

H ier, six pays de l’ex-URSS ont signé des accords majeurs de coopération dans le domaine de la défense. Alors que Bichkek avait annoncé la veille la résiliation du bail de la base aérienne de Manas octroyé depuis 2001 aux Etats-Unis, pillier essentiel de la guerre menée en Afghanistan, l’influence de Moscou dans la région semble véritablement de retour aussi bien au niveau militaire qu’économique.

La Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Arménie et accessoirement l’Ouzbékistan se sont mis d’accord sur la création du groupe des Forces collectives de réaction opérationnelle (KSOR). Comme le note les Izvestia, il s’agit des pays qui constituaient « l’épine dorsale de l’ancienne URSS moins l’Ukraine. »

Moscou qui tente de se réapproprier ce qu’elle a stratégiquement défini depuis 1991 comme son « étranger proche » semble parvenir à ses fins. Cet accord est un des nombreux fruits que récolte le Président Medvedev cette semaine au cours des successives rencontres organisées dans la capitale russe.

Après les prêts octroyés à Cuba pour assurer les débouchés des secteurs de l’armement et de l’industrie automobile russes, ceux - qui ont plus que doublé par rapport à l’année dernière - accordés à la Biélorussie ainsi que la possible « roublisation » de l’économie biélorusse, Moscou poursuit son offensive diplomatique dans ce qu’il n’y a pas encore si longtemps constituait son « pré-carré. »

Le nouvel accord de sécurité collective prévoit la participation de 8000 soldats et officiers de l’armée de l’air russes et 4000 de l’armée de l’air kazakhe. Les autres membres participeraient à hauteur de quelques bataillons. L’Ouzbékistan n’a pas signé cet accord mais s’est déclaré intéressé par certaines des opérations menées par cette nouvelle force armée.

Cet accord intervient peu de jour après que Barack Obama a annoncé les grandes lignes de sa future politique dans la zone, à savoir le retrait progressif d’Irak contre un engagement renforcé en Afghanistan, pays défini comme un berceau de l’activité terroriste. Les Izvestia projettent que malgré ce renforcement de leur présence, les Etats-Unis ne restent pas indéfiniment dans la zone. Le quotidien moscovite explique le choix diplomatique des républiques d’Asie centrale de la façon suivante. Un jour ou l’autre, Bichkek et Douchanbé deviendront une périphérie lointaine dans la politique étrangère de Bruxelles et Washington, alors que pour Moscou et Astana ils resteront de fait leurs proches partenaires.

L’annonce de la fermeture de la base aérienne américaine de Manas a lieu quelques jours après l’octroi au Kirghizstan d’un prêt de 2 milliards de dollars par Moscou. Pourtant, Igor Choudinov, Premier ministre kirghize, assure que l’accord bilatéral signé avec le Kremlin est le résultat de deux ans de négociations. Depuis, d’âpres négociations sont en cours avec Washington, qui dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme tout comme dans le cadre de l’OTAN, se passerait douloureusement de cette base stratégique qui sert de plate-forme de soutien logistique aux troupes de la coalition internationale engagées en Afghanistan et qui abrite 1.200 militaires. Dmitri Kossyrev, journaliste sur le site de RIA Novosti, laisse entendre que le choix de Bichkek n’est que le résultat de la mauvaise politique américaine dans la région, qui a tenté sans succès d’y installer des gouvernements « pro-américains, faibles et incompétents. »

Parallèlement, la Russie a assuré l’augmentation de 25% de sa contribution financière à l’Organisation du traité de sécurité collective fondé en 1992 et formé par ces mêmes pays. Ensuite dans le cadre de la Communauté économique eurasienne, les partenaires se sont mis d’accord sur la création d’un fond commun anticrise de 10 milliards de dollars qui avait déjà été évoqué courant décembre au Kazakhstan. La Russie y placerait 7,5 milliards contre 1 milliard de la part d’Alma-Ata. La répartition du dernier milliard et demi entre les autres membres sera annoncée fin février. Mais Kommersant, note que ce « reste » pourrait finalement être sorti aussi du budget fédéral russe, les ressources financières de ces pays étant très faibles et dépendant principalement des prêts accordés par l’Etat russe.

Alors que tous les pays du monde semblent omnubilés par la crise économique, la diplomatie offensive du Kremlin se poursuit, manifestant chaque jour toujours plus son intérêt et sa générosité aux membres de son « étranger proche », attisant la lutte d’influence qui sévit dans la région.