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Auto-entrepreneur : la nouvelle arnaque libérale

Il est temps de dresser le bilan de ce néo-statut lancé le 1er janvier 2009 et intégré dans la fumeuse loi de modernisation de l’économie. La naissance de ce cadre juridique simplifié faisait office de mini-révolution censée palier la crise de l’emploi et relancer la croissance, amputée depuis la faillite des banques.

Sa vocation : permettre aux chômeurs de devenir entrepreneurs grâce à une procédure simplifiée défiant toute concurrence. En effet, avec des charges sociales et fiscales allégées à hauteur de 23% du chiffre d’affaire contre 46% pour une entreprise normale, une exonération totale du paiement de la TVA et le financement de formations sur les fonds sectoriels auxquels les entreprises cotisent, le succès est sans précédent : 430 000 créations de cette nouvelle bombe à retardement depuis son lancement, dont 54 000 dans la bâtiment. Fort de cette réussite, Hervé Novelli, le secrétaire d’Etat chargé au commerce et à l’industrie, a affirmé le 21 Avril qu’il comptait « élargir les avantages du statut auto-entrepreneur ».

La réalité économique et sociale de ce juteux procédé est cependant tout autre et participe, dans une stratégie bien rodée, à la thatchérisation du Droit du travail et à l’avènement d’une concurrence déloyale envers les petites et moyennes entreprises. Il doit d’abord être précisé que sur les 430 000 auto-entrepreneurs, seulement 59 000 ont déclaré avoir encaissé un chiffre d’affaire. Le revenu moyen mensuel chez ces derniers s’élève à peine à 775 euros pour une activité à titre exclusif dans 39% des cas. Enfin, ces activités n’ont généré que 200 millions d’euros de recettes fiscales contre un milliard prévus initialement, soit une participation nette au creusement des déficits publics. Le bilan est, au regard des chiffres, fort mitigé.

Mais le plus grave concerne la déstabilisation des secteurs du bâtiment et de l’artisanat, déjà fortement englués dans la crise. Aux dires d’un artisan de la Loire : « Quand je facture un salarié 35 euros/heure, les auto-entrepreneurs vont le facturer 15 Euros en se présentant également comme des artisans ». Pire, la qualité du service fourni s’est dégradée et aucune garantie des travaux n’est assurée au client.

En clair, un travail bâclé pour un salaire de misère ; nos artisans libéraux se seraient-ils bridé les yeux ? Avec une baisse du chiffre d’affaire de 6% et la perte de près de 20 000 emplois pour les TPE du bâtiment, cette nouvelle armada juridique a déjà pour effet d’obliger les petits patrons à détourner ce statut afin d’externaliser certains pans de leur activité ! La concurrence insoutenable infligée par ces nouveaux « journaliers » conduit dès lors ces TPE à convertir des CDI en prestations de service pour faire baisser le coût du travail. Ainsi, des dizaines de chômeurs se retrouvent dans l’obligation de se constituer en auto-entrepreneur pour travailler auprès d’entreprises ayant détourné cette procédure dans l’unique but de détricoter le Droit du travail.

Car se mettre à son compte se traduit par une absence de couverture maladie et d’assurance chômage, soit l’équivalent d’un statut de profession libérale, mais avec une paye de smicard soumise à la pression de grands groupes capables d’imposer les prix à la baisse. Hervé Novelli reconnaît lui-même les dérives et « les cas abusifs où des salariés ont été remplacés par des auto-entrepreneurs ».

En clair, ce dispositif s’apparente à un subtil maquillage d’une politique de déréglementation ultra-libérale ayant vocation à pressurer un peu plus la protection sociale et les conditions de vie précaires des travailleurs français. L’agriculture, terrassée par un déclin structurel aux causes européistes, préfère vanter les mérites de ce statut plutôt que de s’attaquer au parasitisme des centrales d’achat de la grande distribution.

La crise et ces innovations sociales avariées accentuent le détournement de regard des petits entrepreneurs qui, au lieu de s’unir avec les salariés pour s’opposer au pillage systématique orchestré par les multinationales, préfèrent alléger la facture en les précarisant un peu plus. Sur le même principe que la politique criminelle d’immigration massive avec un taux de chômage dépassant les 10% de la population active, cet oukase gouvernemental tente finalement avec véhémence de réduire le peuple de France à une masse d’immigrés serviles.