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Bachar el-Assad est-il en train de gagner la guerre médiatique ?

Du bellicisme au doute, les grands médias européens, Italie en tête, ont opéré un virage dans la couverture de la guerre en Syrie. Assad est-il en train de gagner la bataille médiatique ?

Le 1er septembre dernier, le ministre de l’Information du gouvernement syrien, Omran al-Zohbi, recevait la délégation italo-syrienne du « Fronte Europeo per la Siria » à Damas et leur tenait ces propos :

« Ce qui est mené contre la Syrie c’est aussi, et peut-être surtout, une guerre médiatique. Notre système d’information subit une attaque sans précédent, on nous a notamment interdit la transmission d’images et d’informations à travers des satellites comme Arab Sat ; on ne peut plus désormais diffuser au reste du monde une vision des choses et de la situation différente de celle imposée par nos ennemis. Sans compter des millions de dollars de dégâts dans nos infrastructures d’information et l’assassinat d’un grand nombre de nos journalistes… »

Des paroles graves qui décrivaient bien alors l’état de siège et d’isolement vécu par les institutions du régime de Bachar el-Assad. Même si le « non » du Parlement anglais semblait éloigner une éventuelle intervention américaine, les images de l’attaque chimique présumée de Ghouta du 21 août remplissaient encore les pages des journaux et les écrans des principaux médias occidentaux.

« Il y a des stations qui jouent un rôle déterminant dans la crise syrienne – expliquait notamment al-Zohbi – comme Al-Jazeera, Al-Arabya, les chaînes musulmanes fondamentalistes et certaines stations en Turquie, ainsi bien sûr que les principaux réseaux occidentaux. Tout ce matraquage contribue à fournir une image distordue de la Syrie, diabolisée et éloignée de la réalité, qui cache ou minimise, par exemple, la présence de terroristes d’Al-Quaïda et du Front Al-Nosra parmi les soi-disant rebelles. De la même façon, ces canaux de propagande ne parlent pas des massacres et des égorgements massifs perpétrés sans distinction par ces dits ”rebelles”. »

Doutes croissants…

Avec un mois de distance et de recul, ces phrases, qui pouvaient sembler alors être des paroles de propagande tenus par le ministre d’une dictature acculée, semblent être validées par l’analyse et l’évolution de la situation. De la même façon que les scénarios diplomatiques et géopolitiques ont changé, avec l’hypothèse d’une guerre qui s’éloigne de plus en plus, l’information (surtout occidentale) semble elle aussi aujourd’hui fournir un tableau différent du discours manichéen produit jusque-là. Cette évolution est essentiellement due aux doutes croissants sur l’usage d’armes chimiques par le régime et au rôle de plus en plus évident joué par des formations fondamentalistes islamistes au sein de l’opposition à Bachar el-Assad. Ainsi, on entend désormais de plus en plus de voix du « monde des médias » tenir des propos assez proches de ceux du ministre al-Zohbi.

Une évolution presque inespérée, quand on repense que lors des chaudes journées de fin août, alors que les « raids ciblés » semblaient imminents, les seuls journalistes directement en contact avec les autorités syriennes en mesure de fournir une information alternative à l’internationale, hormis les médias étatiques syriens comme Sana Tv ou Al-Ikhbariyah, étaient les russes, bien isolés pour tenter de faire entendre une voix dissidente dans le concert international anti-Assad. Un travail cependant non-négligeable, l’interview au président syrien réalisée par Izvestija et les émissions de Russia Today, seule chaîne « all news » en mesure de défier les grands émetteurs occidentaux, avait permis de maintenir un faible mais réel contrepoids médiatique au déferlement belliciste occidental.

La contre-attaque médiatique de Bachar

À partir du mois de septembre, c’est Bachar el-Assad lui-même qui semble avoir changé de stratégie de communication. Conscient du fait qu’une grande partie de l’information en Europe et aux États-Unis était produite sans la présence d’envoyés spéciaux en Syrie ou, dans le « meilleur » des cas, avec des journalistes engagé du côté des rebelles (il suffit de penser qu’une agence comme France Presse dans les jours les plus critiques de la crise syrienne se fiait uniquement aux informations provenant du siège rebelle de Nicosia et à deux envoyés spéciaux à Alep, n’ayant, comme la majorité des médias, aucun homme à Damas), le président de la République arabe de Syrie a commencé à accorder de grandes interviews dans des médias occidentaux et a décidé de laisser aux journalistes étrangers une plus grande liberté de mouvement dans les territoires contrôlés par le régime.

Du Figaro, à CBS et Fox News en passant par Rai News 24, Assad a alors conduit une véritable « contre-attaque » médiatique, menée en même temps que l’action diplomatique.

Après les hésitations des alliés historiques des Américains face à une intervention armée et l’isolement de plus en plus grand de Barack Obama et François Hollande, l’interposition russe après le G20 de Saint-Pétersbourg et la solution diplomatique de la livraison des armes chimiques de la part du régime, l’attaque semble désormais évitée et le président Assad tire ainsi les bénéfices d’une attitude plus ouverte au dialogue.

Parallèlement, le régime de Bachar el-Assad a également bénéficié du large effondrement de l’image des « rebelles ». Avec des vidéos comme celle de l’exécution sommaire de plusieurs soldats de l’armée syrienne, diffusée par le New York Times et relayée par des titres italiens pourtant alignés depuis toujours sur des positions philo-atlantistes comme le Corriere della Sera, ou avec des actions comme l’enlèvement du journaliste italien Domenico Quirico et de son collègue belge Pierre Piccinin, l’image de « combattants démocratiques » qu’on cherchait à leur donner jusque-là a été largement taillée en brèche.

« Les groupes radicaux islamistes veulent créer un califat »

Le drame vécu pendant 5 mois de détention par l’Italien et le Belge est d’ailleurs exemplaire. L’expérience « sur le terrain » peut en effet nettement faire évoluer la vision des choses idéologiquement prédéfinie, les deux journalistes ayant été originellement envoyés par des titres ayant une ligne éditoriale « anti-Assad » et interventionniste.

« Ça me coûte parce que, depuis des mois, je suis l’armée libre syrienne dans sa lutte pour la démocratie, mais dans une conversation entre les rebelles, on a clairement entendu que ce n’est pas Assad qui a utilisé des armes chimiques » : telles ont été les premières paroles de Piccinin après sa libération.

Certes, le Belge a ensuite été démenti par son camarade de détention, Quirico, envoyé spécial de La Stampa, quotidien aligné sur des positions pro-rebelles depuis la première heure, mais celui-ci n’a néanmoins pas pu s’empêcher de reconnaître que « la révolution laïque des débuts est devenue quelque chose d’autre. Les groupes radicaux islamistes veulent créer un califat et l’étendre à tout le Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord et je suis surpris de voir que les États-Unis envisagent d’intervenir pour aider ces groupes. »

Les principaux quotidiens conservateurs italiens contre l’intervention

Paroles fortes que celles de Quirico, qui, dans un pays comme l’Italie, ont eu un puissant écho et qui se sont ajoutées à une situation déjà par elle-même inédite sur le plan de l’information, avec les deux principaux quotidiens du champ conservateur que sont Libero et Il Giornale (ce dernier étant la propriété de Berlusconi), prenant clairement position contre une possible intervention militaire. Et ce sont bien les envoyés du quotidien de la famille Berlusconi qui ont été des plus actifs dans le relais des attaques subies par les communautés chrétiennes de Syrie de la part des rebelles, et notamment du « massacre de Maaloula » du 20 septembre dernier, véritable « nettoyage ethnique » opéré par les terroristes jihadistes. Une condition tragique que celle des chrétiens en Syrie, qui aura contribué probablement à la forte prise de position du pape, illustrée par de nombreux appels contre la guerre et des journées de jeun et de prière.

Dans son ensemble la crise syrienne représente sans doute un tableau à la lecture complexe sous l’angle politique et diplomatique mais également médiatique. Il semble pourtant indéniable que, malgré le déséquilibre des forces en présence, le gouvernement de Bachar el-Assad a, ces deux derniers mois, remporté d’importantes batailles sur le théâtre des combats de l’information.

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22 Commentaires

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  • #557557

    Peu après l´annulation de la guerre souhaitée, Liberation.fr a cessé de suralimenter son dossier sur la Syrie, a commencé á nous informer principalement de la présence de jihadistes....

     

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  • #557664

    on ne peut pas mentir eternellement aux peuples,SOURIA BASHAR !

     

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    • #557955

      à défaut de mentir au peuple,
      (puisque le vent semble tourner)
      ils taisent le sujet (trop infamant)
      pour parler des boat-people africains...
      Mais là aussi, top ou tard, faudra expliquer pourquoi...
      Les crimes contre l’humanité sont légion : Faut il rappeler que 1 million de morts civils en Irac, pour le fun US et le $ moribond.
      (Syrie, Libye et Irac : 3 violations du droit international en totale impunité / ONU qui n’a plus rien à dire)
      Le tribunal international de justice va devoir se refaire une virginité !

       
  • #557670

    Ou alors la stratégie occidental a changé vis-à-vis d’Assad, le plan n’a pas fonctionner comme prévu et à entrainé d’autres danger plus grand, qui sont aujourd’hui plus important aux yeux de l’occident que Bachar

     

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  • #557678
    Le 15 octobre 2013 à 08:12 par Heureux qui, comme Ulysse...
    Bachar el-Assad est-il en train de gagner la guerre médiatique (...)

    Ce n’est que partie remise, Damas tombera parcequ’elle doit tomber, c’est gravé dans le marbre du projet global, il faudra du temps pour chacun comprenne pourquoi, rien de plus.
    Nous sommes sursitaires depuis 2000 ans, à moins qu’une prise de conscience collective ne vienne nous accorder le répit, la situation ne saurait s’éterniser.

     

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  • #557683

    je vais encore voter pour viré de la merde mais la ! beaucoup plus grosse, j’espère simplement ne pas être cocu comme je le suis actuellement

     

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  • #557704
    Le 15 octobre 2013 à 09:33 par Quenelle épaulé
    Bachar el-Assad est-il en train de gagner la guerre médiatique (...)

    Son principal allié - Ali Khamenei - a révélé la semaine dernière, sur son compte twitter, son amour de la littérature française, en particulier des Thibault, de Roger Martin du Gard !!!!!!

     

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  • #557744

    Ce ne sont pas les "interventions" médiatiques de Bachar qui l’ont - provisoirement - sauvé, c’est "l’intervention" des missiles russes .

     

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  • #557767

    Le président syrien Bachar AL-Assad a une parfaite maîtrise de l’art de la communication contrairement à l’incompétence de Hollande qui lui est affaibli. En effet, 76% des français ont sanctionnés sa politique belliciste envers un Etat souverain et son lamentable échec sur le plan social et économique. Il est grotesque, inculte et n’a pas du tout la stature d’un vrai chef d’Etat comme Bachar AL-Assad, c’est presque une insulte de faire la comparaison...

     

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  • #557824

    Article extrèmement vicieux et dangereux, qui, sous couvert d’objectivité et de raison, cache mal un antisionsime rempant, qui lui même cache un antisémitisme nous rappelant les heures les plus sombres du ventre de la bête immonde nauséabonde flirtant avec mon cul sur la commode...

     

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    • #557935

      Un commentaire digne de nos médias occidentaux influencés et abrutis par des dirigeants malhonnêtes. Je ne sais pas si c’est une mauvaise blague, ou un commentaire franc de la part de son auteur, mais on voit bien là comment à la réalité des faits certains opposent des fantasmes idéologiques.

       
    • "le ventre est encore fécond d’où à surgit la bête immonde"

       
    • #558073

      Commentaire extrêmement (lapsus, j’ai failli écrire "excrément") vicieux, et qui rappelle une autre bête immonde : le CRIF. Violemment diffamant, votre commentaire, Pudding, ne respecte pas le code pénal, qui condamne ce genre de pratique (sauf à démontrer ce que vous fustigez, et je vous mets au défi de le faire). Pas plus que vous ne respectez l’orthographe et la grammaire de notre belle nation. Le participe présent du verbe ramper s’écrit : "rAmpant", avec un "A". L’adverbe formé par l’adjectif extrême prend également un accent circonflexe.

      Vous vous contentez de jeter quelques poncifs, quelques idées (j’ai un doute quant à qualifier d’idées des propos aussi ineptes que les vôtres) haineuses et nauséabondes sans rien démontrer, sans rien expliquer. Que diriez-vous si j’en faisais autant ? Je vais donc m’y essayer : Pudding cache mal une pédophilie rampante et un goût douteux pour les sévices infligés aux animaux. C’est exactement ce que vous faites.

      Vous comprenez que votre démarche, en plus d’être absolument pathétique tant sur le plan dialectique que sur le fond, ne trompe personne et vous passez ici pour ce que vous êtes probablement : une ordure et un simplet. Je vous suggère donc d’apprendre à maîtriser notre langue et, une fois ceci fait, je vous invite à construire une pensée argumentée plutôt que de vous faire passer pour le crétin que vous êtes en tenant des propos très graves et pas démontrés. E&R est un lieu d’idées et de débat public. Merci d’être passé.

       
    • #558160

      @giogru : désolé j’ai fait le maximum, c’est difficile de caricaturer des caricatures. Je pousserait jusqu’a Hitler le prochain coup. Et encore si faut ça va passer...

       
    • #558409

      @giogru & @Abbadon : J’avais quand même conclu par "mon cul sur la commode", indice pas suffisamment ironique apparemment. Désolé pour l’orthographe, y’a plus de budget pour école républicaine, faut payer la dette, zyva.

       
  • #559620
    Le 17 octobre 2013 à 12:04 par Curtis Newton
    Bachar el-Assad est-il en train de gagner la guerre médiatique (...)

    J’ai beau regarder sur toutes les chaînes, je n’entends plus le responsable mais pas coupable de l’affaire du sang contaminé, devenu ministre des Affaires Étranges... Sans doute sa modestie légendaire...

     

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