Egalité et Réconciliation
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Bernard Tapie sait encore choisir ses arbitres

Les trois arbitres qui ont rendu un avis favorable à Bernard Tapie, dans l’affaire qui l’oppose au Crédit Lyonnais ne sont pas des perdreaux de l’année. Ni des hommes choisis au hasard. Mais "Nanar" a toujours eu la main heureuse avec les arbitres.


Que le ministère des Finances, sur recommandation de l’Elysée ait plus que pesé pour que le cas Tapie soit réglé via une procédure d’arbitrage – plutôt qu’à une cour judiciaire forcément aveugle- ne fait plus débat. Le site Mediapart, puis le Canard Enchaîné, dans leurs écrits des derniers jours ont balayé la plus petite once de doute à ce sujet. Soit.

Encore fallait-il dénicher « trois sages », en l’espèce MM. Mazeaud, Estoup, Bredin disposés à sacrifier un peu de leur temps précieux pour se charger d’une telle mission.

Le premier Pierre Mazeaud – fidèle chiraquien ne passe pas pour Sarkozyste et l’ancien Président du Conseil Constitutionnel s’est même offert le luxe de tacler spectaculairement le plan Hortefeux sur l’Immigration en le qualifiant « d’inefficace » et ses propositions d’« irréalisables ou sans intérêt ». Une manifestation d’indépendance qui est intervenue -à point nommé ?- une semaine avant que ne soit rendue publique la sentence arbitrale en faveur de Tapie.

Second arbitre, Pierre Estoup, un magistrat ex-président de la cour d’appel de Versailles. Ses collègues magistrats l’y avaient surnommé « le président minute » pour la célérité avec laquelle il rendait ses décisions.

Un atout de taille dans l’affaire Tapie alors que se profilait le scrutin si incertain sur la réforme des institutions lors du congrès de Versailles.

Un vote qui s’est, on le sait, joué à un fil et deux voix près, et si les médias se sont focalisés sur « la trahison » de Jack Lang, il apparaît que c’est le vote de la petite famille radicale qui s’est avéré décisif pour éviter que Sarkozy ne morde la poussière.

Bien sûr, les deux évènements, le pactole pour Tapie et le vote des radicaux, ne sauraient être liés. Pour s’en convaincre on regardera avec attention le reportage de Marion Gay sur le sujet.

« Il est des nôtres ! »

Le troisième homme, c’est Jean-Denis Bredin, avocat, écrivain (il est l’auteur d’une Comédie des apparences) et académicien. Bredin a aussi un peu tâté de politique, il fut même une éminente figure des Radicaux de gauche, pour en avoir occupé la vice-Présidence de 1976 à 1980. On ne sait s’il y a croisé Tapie.

Difficile en effet de ne pas observer les liens ténus de Bernard Tapie avec la famille radicale qu’il côtoie depuis 1981. S’agissant du Parti radical de gauche, même s’il en a été officiellement exclu en 2007 après son ralliement à Sarkozy, Tapie y conserve des liens puissants.

En septembre 2005, au lendemain de la décision de la Cour d’appel qui avait accordée 135 millions d’euros à Bernard Tapie dans l’affaire du Lyonnais, Jean-Michel Baylet, président du PRG ne tentait pas de masquer sa joie : « Après tant de souffrances et de calomnies, je me réjouis de voir un homme rétabli dans sa dignité et j’ai lu avec plaisir ses déclarations sur la politique » ( …) « Il a toujours été des nôtres, même dans les moments les plus difficiles, le lien ne s’est jamais rompu », rappelait Baylet à propos de Tapie qui en juin 1994, fut la tête de liste des radicaux de gauche aux élections européennes, avec la mission de torpiller la liste menée par Michel Rocard, pour le compte de François Mitterrand.

Tapie flirte en fait avec les radicaux depuis un quart de siècle et dès le début des années 80 nourrit des projets d’OPA sur les radicaux de gauche.

« Pilleurs d’épaves »

« Homme de gauche » s’il en est, le Zorro des affaires se garde aussi à droite. Toujours dans la famille Radicale mais cette fois chez les Valoisiens, Bernard peut compter sur l’indéfectible soutien de Jean-Louis Borloo, président de ce parti croupion mais aussi numéro trois du gouvernement Fillon. Un parti radical Valoisien dont l’un des membres du bureau national n’est autre que Noëlle Bellone une « femme d’influence » qui fut la principale collaboratrice de Tapie au sein de « Bernard Tapie finance » et à ce titre détentrice de bien des secrets.

Borloo-Tapie donc l’aventure d’une vie. Les deux hommes sont liés depuis 1980. Borloo devient l’avocat de Tapie et le conseille notamment dans la reprise des entreprises en faillites. Un art qui vaudra aux deux hommes une solide réputation de « pilleurs d’épaves ». Borloo et Tapie fonderont même une société commune « BTA » pour la gestion d’un avion.

Lors de son succès initial devant la Cour d’appel, Tapie confiait que « presque toute la gauche  » l’avait appelé pour le féliciter avant d’ajouter : « A droite, personne ne m’a téléphoné, sauf Jean-Louis Borloo, et je suis certain que lui était sincère ». Sincère il l’était. Jean Marc Sauvé, à l’époque, secrétaire général du gouvernement (SGG), se plaignait ainsi du lobbying incessant exercé par Jean-Louis Borloo dans l’affaire du Lyonnais « Il téléphonait tous les jours ».

Éric Laffitte

Source
 : http://www.bakchich.info