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Cristina Kirchner évoque l’attentat de l’AMIA à la tribune de l’ONU

Dans son discours à l’ONU, la Présidente [argentine] Cristina Kirchner a laissé clairement transparaître que la cause AMIA est devenue, ces dernières années, le terrain de manœuvres de services étrangers d’Intelligence. Et que plusieurs protagonistes locaux ont joué en faveur d’intérêts géopolitiques qui n’étaient pas argentins.

D’une manière directe, elle a remarqué qu’après la mort d’Alberto Nisman sont apparus ses liens avec les think tanks républicains et les services étrangers, principalement celui des États-Unis d’Amérique et d’Israël, avec une plus grande netteté. Ces liens étaient déjà visibles : ils étaient clairs dans les rapports du procureur dont l’accusation – comme l’a souligné plus d’une fois le juge Rodolfo Canicoba Corral – se basait davantage sur des rapports de la CIA et de la SIDE (ex-service d’intelligence argentin) que sur des preuves judiciaires. Cela se voyait aussi dans les visites humiliantes de Nisman à l’ambassade des États-Unis, demandant des instructions et plus d’une fois présentant des excuses. La Présidente a inclus, comme preuve de ces liens, la mention des comptes bancaires à New York, se référant tacitement aux quantités d’argent que le procureur déplaçait sans qu’en soit expliquée l’origine. Le témoignage de l’ex-directeur exécutif de la Délégation des associations israélites argentines (DAIA), Jorge Elbaum, qui a raconté que le procureur a offert des fonds étasuniens pour financer une campagne contre le Mémorandum d’Entente avec l’Iran, résonnait encore.

En parallèle avec cet alignement international, le coequiper de Nisman, Horacio Jaime Stiuso, a été protagoniste – sans le nommer – du discours devant les Nations unies. CFK a clairement dit qu’il a été relevé de son poste de directeur général des Operations de services d’intelligence argentins parce qu’il jouait en faveur des services étrangers et c’est ce qui explique son refuge virtuel à Portofino Island Resort, en Floride, aux États-Unis. Malgré les démarches du chancelier Héctor Timerman et de l’ambassadrice Cecilia Nahón, qui s’est rendue personnellement au Département d’État, Washington s’est refusé à dire où et en qualité de quoi – réfugié ? – se trouve Stiuso, qui réside dans ce pays. CFK a fait preuve d’autocritique : « Nous avons relevé de leurs fonctions ceux qui avaient un rôle central dans l’Intelligence argentine depuis 1972, passant par des dictatures et des gouvernements démocratiques, y compris le nôtre. » Les nouveaux procureurs ont déjà lancé un avis de recherche, qui est relayé par Interpol, mais l’ex-chef d’Opérations apparaît protégé par les services usaméricains, avec lesquels il a eu tant de relation.

La présidente ne s’est pas prononcée hier sur la mort de Nisman, mais dans l’enquête transparait un possible jeu de trahisons : il est clair que Nisman a appelé Stiuso de façon insistante au cours de ses dernières heures de vie et que celui-ci ne lui a pas répondu. De façon dérisoire son argument fut que son portable était en mode vibreur. Le désespoir de Nisman était du à ce que Stiuso -à ce qu’on suppose- devait lui apporter des écoutes et d’autres éléments pour soutenir sa plainte. L’ex-chef d’Opérations a déclaré ensuite à la Justice qu’il n’a ni promis, ni rien apporté. Aujourd’hui, la procureur Viviana Fein demande à Yahoo aux Etats-Unis de lui remettre la copie des derniers mails reçus et envoyés par Nisman : elle veut voir si quelqu’un a fait pression sur lui ou l’a incité. Ou si ce fut que le procureur est resté seul avec une plainte qui prenait l’eau par tous les côtés. Les juges et les juristes lui ont dit que sa plainte ne serait pas recevable, et il a été démenti par l’ex-secrétaire général d’Interpol.

CFK a parlé hier d’hypocrisie.

Pour la première fois, la présidente a raconté que Washington avait contacté Héctor Timerman [Ministre de Relations Extérieurs] en 2010 à la suite de la négociation que les États-Unis et l’Iran avaient déjà entamée. La donnée est inénarrable : Washington négociait avec Téhéran à l’époque de Mahmoud Ahmadinejad, non pas dans la période actuelle de Hassan Rohani. Et il y a même eu une commande de combustible nucléaire pour une centrale iranienne que l’Argentine avait aidée à construire à l’époque de Raúl Alfonsin. À ce moment là, en 2010, cette livraison a semblée déplacée à la présidente, alors que l’Iran apparaissait judiciairement comme le principal suspect ayant participé à l’attentat de l’AMIA. Cependant, elle a dit qu’elle était disposée si la commande était faite par écrit et si la démarche servait à un accord de limitation nucléaire. L’hypocrisie venait du fait qu’il y avait une négociation avec Ahmadinejad, alors qu’on a critiqué, comme si c’était la plus grande trahison du monde, la tentative faite à travers le mémorandum pour l’affaire de l’ AMIA.

La fin de cette histoire se profile : l’Iran a signé au milieu de l’année un accord de limitation nucléaire avec les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. C’est un Mémorandum qui va, le mois prochain, passer devant le congrès étasunien c’est-à-dire sur le terrain miné de la droite républicaine et du complexe de l’industrie de l’armement des États-Unis. Aujourd’hui, cet accord est considéré comme un pas en avant en termes de paix et c’est une réponse à ceux qui disaient que l’on ne pouvait pas avoir de dialogue avec Téhéran.

CFK a pris congé de l’Assemblée de Nations unies en consacrant, à nouveau, de nombreuses minutes à l’attentat à l’AMIA. Tous ceux qui la connaissent savent que cela fut toujours son obsession, même à l’époque où elle était parlementaire. Elle a lancé la critique de l’enquête, signé un rapport contre son propre bloc, fait pression pour que soit levé le secret des agents de la SIDE, agit pour la reconnaissance – demandée par les parents des victimes – compte tenu que l’État n’a ni déjoué ni enquêté sur l’attentat, elle a accompagné tout le processus pour juger les responsables d’avoir fait dévier l’enquête – ce qui est aujourd’hui un procès pour dissimulation – et elle a interpellé l’Iran lors de toutes les instances internationales, année après année. Avec des réussites et sûrement avec des erreurs, elle a cherché à faire avancer un dossier dans lequel on a essayé d’imposer largement plus les intérêts géopolitiques que la recherche de la vérité.

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