En novembre dernier, dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative une rallonge de près de 280 millions d’euros avait été consentie au ministère de la Défense pour que ce dernier puisse notamment payer les soldes (salaires) de ses personnels. Des annulations de crédits et des dépenses inférieures à ce qui avait été prévues dans le budget de l’État devaient compenser cette somme.
Mais, visiblement, cette rallonge de crédits ne suffira pas, au point qu’une nouvelle, d’un montant de 204 millions d’euros, a été votée le 18 décembre par les députés afin de payer les soldes des militaires pour le mois de décembre. Au total, la masse salariale des armées aura été supérieure de plus de 470 millions d’euros par rapport aux prévisions.
En cause : le Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (LOUVOIS), dont le raccordement au système de gestion des ressources humaines de l’armée de Terre (mais aussi à ceux du Service de santé des armées et de la Marine nationale), a causé des dysfonctionnements dans le paiement des soldes des militaires, certains ayant reçu des sommes indues pendant que d’autres attendent de recevoir l’intégralité de leurs traitements.
Lors des débats, le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, a ainsi avancé que ce « besoin, complémentaire (…) s’explique par des difficultés d’estimation et des dysfonctionnements considérables du système LOUVOIS sur les conditions de l’élaboration, de la validation et de la mise en œuvre duquel il faudra peut-être s’interroger. De telles erreurs paraissent considérables en valeur absolue, même si ces quelque 200 millions d’ouvertures de crédits supplémentaires représentent un pourcentage très faible des 20 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement du ministère de la défense. »
Auparavant, le ministre a pointé le manque de fiabilité de LOUVOIS. « J’ignore dans quelles conditions il fut décidé de créer, d’instaurer puis de mettre en œuvre ce logiciel – peut-être les parlementaires pourraient-ils d’ailleurs s’en inquiéter. Objectivement, en tout cas, de tels errements posent un très gros problème dans la gestion des affaires de l’État », a-t-il ajouté.
Rapporteur général de la commission des finances, le député Christian Eckert a fait part de sa surprise, au même titre que ces collègues, de « ce besoin soudain de 204 millions » alors que 272 millions avaient déjà été consentis. « Cela fait au total 476 millions, soit 2,5 % de la masse salariale du ministère de la défense, ce qui est tout de même critiquable, d’autant que nous nous interrogeons (…) sur le fait que ce besoin est apparu, au moins pour une part, très récemment. Nous avons déjà examiné d’autres textes financiers, et sommes donc assez surpris de n’en trouver mention que maintenant », a-t-il affirmé.
« On a ouvert, à votre demande, 272 millions dans le cadre du collectif de juillet : comment se fait-il que vous vous soyez trompé de près de 200 millions ? Si ce que vous dites est exact, cela signifierait que les services de la défense ne vous ont pas fait remonter les bonnes informations, y compris lors de l’audit de la Cour des comptes », a demandé le secrétaire de la commission des finances, Charles de Courson (UDI). « Si vous défendez, monsieur le ministre, la thèse selon laquelle l’ancien gouvernement aurait inscrit 487 millions de moins que nécessaire, comment se fait-il que vous l’ayez découvert en deux temps, c’est-à-dire que vous ayez découvert seulement en décembre qu’il vous manquait encore 200 millions en plus des 272 que vous nous aviez demandés ? Je ne comprends toujours pas ! », a-t-il insisté.
En attendant, pour financer cette nouvelle rallonge de crédits, Bercy doit trouver des économies. La Défense devra prendre 100 millions d’euros sur ses dépenses d’équipements et d’autres ministères seront mis à contribution, dont ceux de l’Education nationale (45,8 millions) et de l’Agriculture (18 millions).
Enfin, selon Les Echos, une mission IGAS-IGF (Inspection générale des affaires sociales – Inspection générale des finances) devrait être menée à la demande du gouvernement pour tirer au clair les dysfonctionnements liés à LOUVOIS. Une mission d’information parlementaire est également envisagée par la commission des Finances.