Egalité et Réconciliation
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Economie US, un avant-goût de ce qui attend la France ?

Eugène dresse un constat amer de l’Amérique actuelle, superpuissance qui a, selon lui, « massacré ses classes moyennes ». Doit-on y voir un avant-goût de ce que vont vivre les Français dans les années qui viennent ?

La situation des États Unis est très instructive de ce qui va nous arriver assez rapidement. Les États-Unis sont passés de l’état de superpuissance qui domine le monde à pratiquement l’état d’un pays du tiers-monde. Du moins pour la majorité des Américains, car, ce pays demeure encore le pays qui possède le plus de milliardaires. La France n’est d’ailleurs pas mal placée sur ce point non plus. En revanche pour tous les autres, c’est l’hécatombe.

LE MASSACRE DES CLASSES MOYENNES.

Le pays au cours des 20 dernières années a massacré ses classes moyennes. Créant, après la crise de 2008 qui a fortement accéléré le processus, un pays bipolaire : les riches d’un côté et les pauvres de l’autre. Actuellement aux USA, la peur de perdre son travail est plus grande que tout. Cela pousse à l’individualisme alors qu’il faudrait s’unir. Si Georges Bush avait réussi à faire peur à ses concitoyens par le biais du terrorisme, le gouvernement Obama, lui, a fait plus fort : la peur du chômage. Pourtant, le président Américain avait été élu sur un discours rassurant, mais ce n’était qu’un discours. Il a partiellement échoué. Le « socialisme » dont l’accusait ses adversaires et qui l’a fait gagné n’a pas eu lieu.

Ce n’est pas forcement la faute d’Obama bien sûr, mais disons qu’il n’a pas fait grand-chose pour limiter la tendance. Son projet de réforme de la Santé était nécessaire, mais il était jugé d’une gravité moindre que les problèmes d’emploi par les Américains. Ce fut un combat juste, mais anachronique. Il aurait fallu faire cette réforme 20 ans avant.

LE MYTHE DE LA FLEXIBILITÉ ET DU SELF-MADE-MAN VERSUS LA RÉALITÉ DU CHÔMAGE

Le résultat est là : l’Amérique, si sure d’elle et du dynamisme de son marché du travail, découvre après la crise que cela fait presque vingt ans que ce n’est plus le cas. Mais ce qui est triste c’est que cette peur basique et fondamentale ne peut maintenant que s’accélérer. La peur contraint les Américains à accepter toutes les missions même idiotes ou ingrates sous peine de perdre leur emploi. Quant aux chômeurs ils acceptent toujours moins pour un même travail. Cela pousse le marché du travail vers la précarité, les salaires faibles, le temps partiel et modulable et aucune couverture sociale. Le temps de transport entre les différents temps partiels devient considérable. L’Américain moyen qui travaille n’a plus de temps libre. C’est très pratique : il n’a plus le temps de penser, de lire, de protester même. Il n’a même plus le temps de s’occuper de sa famille. Impossible pour un employé de se projeter dans l’avenir, de faire des projets professionnels. La baisse de qualité des emplois aux USA est le signe annonciateur d’une précarité généralisée et d’une insécurité galopante. Les riches ont déjà trouvé la parade : ils vivent dans des « parcs » de luxe dont l’entrée est réglementée et la sécurité renforcée. Cela coûte certes, mais lorsqu’on est beaucoup plus riche qu’avant ce n’est pas du tout un problème.

Il faut se rendre à l’évidence : les licenciements continueront, car les employés actuels seront toujours plus chers que ceux qui frappent à la porte et les salaires vont chuter jusqu’à ceux de la Chine d’avant leur révolution économique. La flexibilité vantée par de nombreux hommes politiques européens et français n’était plus qu’un mythe depuis plus de vingt ans ! L’ascenseur social est en panne et l’autre mythe du self-made-man (l’homme qui ne part de rien pour arriver à tout) est tout aussi obsolète.

UN RETOUR EN ARRIÈRE N’EST PAS POSSIBLE

Autre point, les entreprises américaines ont délocalisé fortement et personne ne les en a dissuadé. Pis, aujourd’hui la situation aux USA est pire qu’en France. La part de l’industrie représente 19,7 % du PIB aux USA tandis qu’en France nous en sommes à 24,3 % (Allemagne : 31 %) ! Or, nous savons aujourd’hui que les délocalisations ne peuvent être relocalisées avec le même taux d’emploi. Ce qui veut dire que ce qui est perdu est définitivement perdu. La désindustrialisation est donc comme une sorte de pillage du pays, rendue possible par la mondialisation. Terrible aussi, ceux qui se croyaient à l’abri, le sont peut-être moins que les autres : il est facile (je n’ai pas dit rentable !) de délocaliser un bureau de recherche et développement en Inde ou en Chine, mais le plombier, lui sera toujours localisé dans une région proche de son intervention. Ainsi aux USA, de nombreux cols blancs se réveillent avec une gueule de bois : s’ils se moquaient du sort des ouvriers il y a dix ans, car, eux, semblaient protégés, ils s’aperçoivent maintenant (c’était pourtant prévisible) qu’ils ne sont pas mieux protégés !

DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DU TRAVAIL

Tous les Américains en conviennent, les classes moyennes américaines doivent s’habituer à un train de vie plus modeste. Le rêve de tout parent de voir ses enfants vivre mieux qu’ils n’ont vécu est définitivement rompu. En même temps ceux qui ont gardé leur emploi doivent faire face à la dégradation hallucinante de la qualité du travail : maintenant, un pilote de ligne doit cumuler son emploi avec d’autres petits boulots, car sinon il n’arrive pas a vivre. Regardez l’enseignement aux Etats-Unis : cher et inefficace car les professeurs sont devenu de simples vacataires. C’est bien connu : si la qualité du travail diminue, la précarité augmente. L’intérêt du travail diminue, le morcèlement des tâches et leur codification à travers des processus standardisés permet la reproductibilité, mais au coût d’un abêtissement général. Si cette tendance a commencé avec les ouvriers et Taylor, elle continue avec les petits cadres et les ingénieurs. Ainsi, peu à peu toute la main d’œuvre est considérée de la même manière : ce sont des tâcherons.

NOSTALGIE OU RAGE ?

Comme en Angleterre (mais pour d’autres raisons), les syndicats ont capitulé et personne n’a plus le courage de se battre pour ses droits. La situation n’est donc pas prête de s’améliorer. Si la nostalgie l’emporte souvent, elle peut finir par basculer vers de la rage… Les gouvernements américains successifs le savaient bien et ont investi massivement depuis des années dans des armes de « Crowd control » : armes pour contrôler la foule en cas d’émeutes (arme à micro-onde, à flash thermique, à laser éblouissants…).

La responsabilité d’Obama ? Il n’a pas assez lutté contre la désindustrialisation et s’il n’a pas mis à genoux Wall Street comme il le proclamait, il a au contraire bien soutenu financièrement le secteur à coup de milliards de dollars, pendant que les Américains étaient mis au chômage massivement. Il n’a, par exemple, pas du tout défendu les PME américaines seules porteuses d’emploi. Toutes les grandes entreprises ne peuvent que faire décroitre leurs effectifs sur le sol américain.

USA : UNE VISION DE NOTRE FUTUR

Lorsque l’on regarde la situation de ce pays nous ne pouvons pas ne pas croire que ce sera bientôt la nôtre, nous suivons discrètement le même chemin. Nous pouvons nous demander si ce nouvel équilibre est un pur fait du hasard ou une stratégie sciemment menée par ceux qui en ont profité ? Évidemment, il n’est pas question de parler de complot, mais tout simplement d’actions menées par des personnes qui y voyaient leurs intérêts personnels. Pour comprendre qui décide, regardez à qui profite le crime. Les classes moyennes ne sont pas devenues pauvres par magie. Il n’y a aucune fatalité ici. L’ouverture peu réciproque des frontières, la restriction des prérogatives de l’Etat, les privatisations, l’avantage donné aux grandes entreprises par rapport aux PME, le manque de soutien des PME, le morcellement du travail, les attaques répétées sur l’Etat providence (le « faux » droit au chômage ou à la santé comme disent les ultralibéraux), la raréfaction du travail et sa dégradation, les liens forts entre la politique et la finance : tout cela ne tient en rien du hasard. Un système s’est mis en place avec ses dogmes, ses vérités « prêtent à porter », ses évidences à deux sous, ses formateurs (oui ils pensent qu’il faut former le peuple), ses médias officiels. Ouvrez une radio financière, ouvrez bien vos oreilles et vous comprendrez ce dont il est question ici. Les libéraux ne nous ont pas manipulés par intérêt financier (pas toujours, du moins), mais surtout par soif du pouvoir. Ils ont dans l’idée que les puissants qu’ils sont, savent mieux que tout le monde ce qui est bon pour le peuple, l’humanité et la planète, il faut donc que nous nous pliions à leur volonté. Il y a bien sûr du mépris dans cette façon de voir le monde, mais pour être honnête, elle est assez imparable tant que nous laisserons faire.