Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Histoire du cinéma américain

2ème partie

La conjuration des financiers

Le temps du muet n’est plus, il faut se résoudre au "parlant", investir des sommes considérables. La lutte terrible qui opposa les magnats des firmes cinématographiques avait donc servi de centrifugeuse et la partie semblait jouée. Les combats tournaient en péripéties querelleuses et nos majestueux condors faillirent s’apaiser lorsqu’un événement inattendu décida d’autres oiseaux à s’intéresser plus sérieusement à cette industrie décidément bien prospère.

Au moment de la Grande Dépression de 1929, le public, qui n’achetait plus rien, continuait d’aller voir les films. Le cinéma était bien plus qu’un vulgaire outil de consommation, il était le formidable divertissement dont les foules avaient besoin. C’est ce qui décida les maitres de la finance, qui détenaient les brevets, à organiser ce qu’on pourrait appeler un hold-up ! Ils engagèrent des procédures et allèrent jusqu’à la Cour Suprême pour asservir les firmes pionnières, qui, rappelons-le, avaient pris tous les risques.

Warner dut s’incliner le premier et passer sous le contrôle du groupe Morgan. Fox céda lui aussi. Quant aux autres compagnies, elles passèrent sous le contrôle de Rockefeller et de la Chase Bank. En 1935, les huit grandes compagnies sont devenues des colonies des grands groupes financiers. Grassement entretenues, elles devenaient ainsi des protectorats heureux, mais sous le joug.

L’industrie du cinéma américain était une fois de plus réorganisée. Les huit grandes compagnies constituaient le trust dirigé, lui, par les grands noms du cartel bancaire : Morgan, Rockfeller, Mayer, Lasky… Le rêve du vieil Edison se réalisa enfin : le monopole était né.

Le rêve américain

Entre les mains de ces marchands, cette poule aux œufs d’or va se faire aussi grosse qu’un bœuf, et aussi puissante. On vend du film comme on vend des frigidaires ou des pickups. Les courbes commandent, les graphiques dominent, le box-office mesure et Wall Street veille. C’est une énorme usine où tout est compartimenté, tout est affaire de spécialisation, on invente des nouvelles formules commerciales, il faut aller vite, plus vite que les concurrents, on fait des pronostics, on se méfie, on encadre. C’est sérieux, efficace, précis, on élabore une syntaxe cinématographique, on codifie le marché. Les films qui se fabriquent à la chaîne, malgré leur réussite technique indiscutable, ressemblent à des catalogues animés de marchandises américaines. On fabrique des vedettes comme on fabrique un parfum, voire un dentifrice, on pousse les foules à admirer des êtres factices, conventionnels, à l’aide de publicités. Les films sont testés sur un public échantillon, "panélisé", on note ses réactions et on fera des changements en conséquence.

Toute cette machinerie rigoureuse est une leçon ! Le travail est bien fait, c’est ingénieux, les idées jaillissent, il y a plein de vitalité : on assiste au triomphe de la coordination méthodique.

L’éclosion d’un tempérament, d’une sensibilité particulière, se retrouve donc conjurée. C’est un business qui ne doit rien laisser au hasard. Un metteur en scène surgit quelquefois après un bon film puis sombre dans diverses besognes commandées. Toutefois, et c’est là le miracle d’Hollywood, une personnalité collective peut apparaitre, et même des individualités. Mais rares seront ceux qui se préserveront des servitudes de cette industrie. Très rares. Certains grands caractères deviendront la mécanique d’eux-mêmes, d’autres tenteront l’aventure en Europe, puis certains réussiront. Il faut bien des exceptions, celles dont on parle, celles qui sont mises en avant.

Epilogue

A la veille de la guerre, le prix de revient d’un film fit disparaitre toute l’avant-garde - les profits se marient mal à l’incertain - l’heure n’était plus aux erreurs fécondes mais à la rentabilité sèche.

L’Europe était sous les bombes, on remuait la foudre et l’Amérique vit son marché réduit à son territoire. Loin du conflit, son cinéma put progresser sans heurts, il trouva quelques innovations, fit un chef d’œuvre et continua sa distribution de statuettes dorées… La santé n’était pas mauvaise, mais tout de même, l’isolement se faisait sentir : l’Amérique encaissait moins ! Il fallut baisser le prix des billets ainsi que les cachets mirobolants des vedettes pour maintenir les bénéfices. On râla.

L’entrée en guerre des Etats Unis était imminente. Les hommes politiques, résolus et décidés, confièrent deux taches aux producteurs : distraire et exalter ! Ainsi, le septième art devenait didactique : il appuyait les exploits, dramatisait les événements, désignait l’ennemi. On repartait comme en 14, Roosevelt et Rockefeller coordonnant leurs efforts afin d’expliquer pourquoi il fallait mourir. Le cinéma est un formidable instrument de suggestion, il permet de substituer l’image (programmée) à la raison. Il fut un outil privilégié pour gouverner la pensée, jusqu’à l’apparition de la télévision exploitée dès 1950 par Truman.

Une nouveauté fit son apparition. Une fantaisie qui, vu son prix d’exploitation sera remise à plus tard. La couleur !

Du cinéma, bien français, chez Kontre Kulture :

 






Alerter

12 Commentaires

AVERTISSEMENT !

Eu égard au climat délétère actuel, nous ne validerons plus aucun commentaire ne respectant pas de manière stricte la charte E&R :

- Aucun message à caractère raciste ou contrevenant à la loi
- Aucun appel à la violence ou à la haine, ni d'insultes
- Commentaire rédigé en bon français et sans fautes d'orthographe

Quoi qu'il advienne, les modérateurs n'auront en aucune manière à justifier leurs décisions.

Tous les commentaires appartiennent à leurs auteurs respectifs et ne sauraient engager la responsabilité de l'association Egalité & Réconciliation ou ses représentants.

Suivre les commentaires sur cet article

  • #467698
    Le 19 juillet 2013 à 19:17 par junglass
    Histoire du cinéma américain

    Pourquoi ne pas parler de mafias avec leur argent. D’où les méthodes musclées du néo capitalisme neo colonialiste d’aujourd’hui.

     

    Répondre à ce message

  • #467854
    Le 19 juillet 2013 à 21:22 par kurt tucholsky
    Histoire du cinéma américain

    Bon article synthétique.

    « What’s Wrong With Hollywood ?! »
    Je me permets de glisser ce lien.
    Où Dave Chapelle explique comment, à Hollywood, il est passé du nègre des champs,au nègre de maison, pour finalement revenir aux champs.

    http://www.youtube.com/watch?v=QOWi...

     

    Répondre à ce message

    • #468587
      Le Juillet 2013 à 13:39 par mehdilandru
      Histoire du cinéma américain

      Reportage Comment Hollywood créé l’Islamophobie et la haine des Arabo Musulmans (Documentaire Islam)

      http://www.youtube.com/watch?v=YTLM...

       
    • #470517
      Le Juillet 2013 à 20:19 par kurt tucholsky
      Histoire du cinéma américain

      A l’attention de mehdilandru

      As-tu visionné l’infâme et indigeste « We Are Four Lions » ?

      Sponsorisé par la sainte trinité française de la Presse papier d’Arménie à l’époque.
      Intrigué par la bande-annonce, j’en visionne le contenu.
      J’ai pu tenir une petite vingtaine de minutes.
      Une espèce de resucée alakbarique londonienne de Baron Cohen, là où Max Pécas en aurait tiré un chef-d’oeuvre.
      Cela reste tout de même étonnant qu’il ne soit pas autant rediffusé que « Rabbi Jacob ».
      En cette période de sérénité laïque.

       
    • #472329
      Le Juillet 2013 à 10:33 par mehdilandru
      Histoire du cinéma américain

      We Are Four Lions, non je connais pas, c’est surement encore un film, qui nous fais passé pour des méchants, pas très intelligent...

       
  • #468646
    Le 20 juillet 2013 à 14:23 par seber
    Histoire du cinéma américain

    Bien que quelques magnats aient fait fortune, il faut préciser que la majorité de ceux et celles qui travaillaient dans ce secteur étaient des prolétaires exploités. Le Star-système a été ainsi conçu pour faire rêver le public.
    Toutes les starlettes, de Norma Jean Baker à Julia Roberts, étaient des serveuses à qui on promettait monts et merveilles et auxquelles pouvaient s’identifier le spectateur.
    L’expansion exponentielle du cinéma a été consubstantielle à l’explosion des coûts et des budgets. Les salaires des stars s’envolaient déjà car elles ont vite compris qu’elles pouvaient faire jouer la concurrence et les studios s’arrachaient les acteurs et actrices qui avaient conquis le coeur du public. Conjugés aux innovations cinématographiques ce phénomène a rendu l’amortissement des films de plus en plus incertain malgré les techniques et recettes marketing pour appater le public. La guerre entre les réseaux de distribution (les salles) et les producteurs (studios) qui cherchaient à avoir la maitrise de toute la chaîne n’a rien arrangé.
    Là où je veux en venir est qu’en fin de compte, peu de films rentraient dans leurs frais, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Néanmoins, les studios, bien que parfois en difficulté, ont toujours su trouver l’argent pour produire des films. Pourquoi et comment reste la grande question rarement abordée, et pour cause. C’est ce que l’article tente d’expliquer. Pourquoi financer un secteur qui par définition est peu rentable, sinon à cause de son influence et de ses propriétés idéologiques ? Par amour de l’art ? Mouais, je veux bien concéder qu’il y ait quelques esthètes et amateurs de divertissements pour pauvres à Wall Street.
    Il faut noter que le prix des places à l’époque était assez dérisoire. Il fallait attirer les spectateurs en masse et la cible étaient clairement les classes populaires, j’insiste là-dessus. D’où ces problèmes de rentabilité. L’argent investi dans le cinéma cachait donc des arrières-pensées différentes de ce qu’on voudrait nous faire croire, surtout en France, étant donné que le cinéma y est un art entièrement subventionné, donc essentiellement un outil de propagande. Simplement, entre l’Amérique et la France seul change le style et le point de vue pour s’adapter à l’histoire de chaque pays. Mais vous l’aviez remarqué.

     

    Répondre à ce message

    • #468937
      Le Juillet 2013 à 20:06 par leon
      Histoire du cinéma américain

      Ce n’est pas un secret .. la culture,le divertissement (l’art en general) sont plus efficaces pour modeler les consciences que la politique !!
      L’emotion l emporte bien souvent sur la raison.

      Suffit de regarder les années de 1930-jusqu’a nos jours pour voir le pouvoir réel de "l art" .... il a transformé plusieurs fois la société en profondeur, et sur une periode ultra courte !!

       
  • #469261
    Le 21 juillet 2013 à 09:33 par Gare au gorille
    Histoire du cinéma américain

    Juste pour dire qu’avec le cinéma américain d’aujourd’hui 2 maladies nous guettent :

    1) L’optimisme débile. Vous remarquerez par exemple que dans tous les films, et je dis bien tous les films hollywoodiens, il y a toujours à un moment donné la phrase "ça va aller" (je suis sûr que vous ne pouvez pas vous imaginez à quel point cette putain de phrase débile m’exaspère). A ce moment précis le héro est, généralement, au chevet d’un pote à lui qui vient de perdre un bras ou une jambe, dix litres de sang et qui a douze balles dans le buffet. Mais c’est pas grave car, avec le rêve américain, "ça va quand même le faire". Si c’est pas nous prendre pour des nœuds-nœuds ça y ressemble drôlement.

    2) L’Epilepsie. Car en effet, je ne sais quel est le gros con qui a un jour, décrété qu’en faisant gesticuler sa caméra dans tous les sens cela donnerait du mouvement à un scénario généralement de merde. Parfois, à force d’essayer de supporter visuellement une suite d’images et de plans aussi instables j’en viens à me demander si je ne risque pas une épilepsie hollywoodienne.

    Voilà, c’était juste un coupe de gueule, à propose du cinéma d’aujourd’hui.

    PS ; ça serait sympa et amusant qu’E&R ouvre une rubrique dédiée aux "coups de gueules du citoyen lambda".

     

    Répondre à ce message

  • #469376
    Le 21 juillet 2013 à 13:11 par Hamed
    Histoire du cinéma américain

    Bien vu de faire valoir que la lutte de classe existe aussi chez les juifs : « Ils [les banquiers] engagèrent des procédures et allèrent jusqu’à la Cour Suprême pour asservir les firmes pionnières, qui, rappelons-le, avaient pris tous les risques. »

     

    Répondre à ce message

  • #469401
    Le 21 juillet 2013 à 14:11 par Stanley Kubrick
    Histoire du cinéma américain

    Hollywood is dead et c’est tant mieux. Merci pour tout mais maintenant on en a marre de toute ces merdes... Vive la mort du cinéma !!! L’éternel retour du réel comme le dit l’autre... Et si vous êtes pas content revoyez quelques classiques et faites pas chier !!!!! .........

     

    Répondre à ce message

  • #469882
    Le 22 juillet 2013 à 00:41 par NIKKJAM
    Histoire du cinéma américain

    Où est la première partie ?

     

    Répondre à ce message

  • #471470
    Le 23 juillet 2013 à 18:43 par MaxdeCannes
    Histoire du cinéma américain

    Pour la première partie c’est http://www.egaliteetreconciliation....

    Le cinéma mondial et les services secrets dans leurs oeuvres tantôt subversives tantôt conservatrices ça vous tente pas comme sujet ?

     

    Répondre à ce message