Egalité et Réconciliation
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L’Union européenne veut abolir le modèle Suisse

Plus de 80 membres de parlements cantonaux ainsi que des secrétaires parlemen taires de toute la Suisse ont pris connaissance le 11 septembre à Aarau des projets de bureaucrates bruxellois visant à abolir le mo dèle suisse.1 Ils ont appris que dans le régime des agglomérations et des espaces métropolitainsimposé d’en haut, ce sera l’exécutif qui tiendra la barre et que les parlements ne seront plus que des arènes de débats. Les exposés de Markus Notter, conseiller d’Etat zurichois (PS) et président de l’Association de l’espace métropolitain de Zurich et Daniel Kübler, historien à l’université de Zurich, ressemblaient fort à l’an nonce d’un coup d’Etat. En tant qu’invitée nous nous sommes d’autant plus étonnée que les représentants du peuple présents ne se soient aucunement opposés à leur destitution programmée. N’ont-ils pas compris le carac­tère monstrueux de ce qui a été dit ou n’ont-ils pas eu le courage d’aller à contre-courant ? Seul un ancien président de parlement cantonal a protesté, lors de la discussion, contre l’ « évolution de la Suisse vers une dictature de l’exécutif. On s’attaque là aux racines même de la démocratie. Des mesures préventives doivent être prises d’urgence. Nous devons exiger à nouveau que l’on respecte le Parlement. » Ses paroles courageuses auront, espérons-le, germé dans l’esprit de l’un au l’autre des participants.

Pour affermir les forces constructives de notre pays, nous rassemblons ici une série d’arguments contre la transformation de la Suisse en une grande région euro-compatible et dirigée de manière centraliste par l’exécutif.

Argumentaire contre les espaces métropolitains • Espaces métropolitains – Projet de l’UE pour le contrôle total de l’Europe

Comme le Conseiller d’Etat zurichois l’a noté de façon péremptoire dans son « Portrait de l’Espace métropolitain zurichois » du 6 mai 2008, l’agglomération zurichoise a été choisie par Bruxelles comme un des 16 « moteurs européens » ; mais ce ne sont à vrai dire que des serviteurs de seconde zone des deux « noeuds globaux » de Londres et de Paris. Les autres « moteurs » sont situés pour la plupart en Allemagne. En Europe de l’Est il n’y a que des « régions urbaines » de troisième zone. Le Conseiller d’Etats bâlois Heinrich Ueber wasser (UDC) se félicite de l’exis­tence de l’« agglomération trinationale de Bâle ». L’objectif de la nouvelle division de l’Europe par la bureaucratie de l’UE est de contrôler totalement un unique espace immense structuré de façon centraliste. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?

• Les espaces métropolitains font sauter les structures fédérales de la Suisse

Les thèses présentées par Daniel Kübler font dresser les cheveux sur la tête. (cf. encadré) La thèse 1 au sujet du développement territorial confirme le « renforcement des agglomérations » demandé par le Conseiller fédéral socialiste Moritz Leuenberger, c’est-à-dire la perte de pouvoir des cantons ruraux et de montagne et de leur population qui sont un soutien de l’Etat. La « forte fragmentation institutionnelle » des agglomérations, c’est-à-dire leur répartition en communes et en cantons devra, selon Kübler, être supprimée grâce à des « réformes territoriales », d’une part au moyen du « rattachement de communes » et d’autre part par des « gouvernements d’es pace métropolitain ».

Il s’agirait de rattacher le plus grand nombre de communes aux villes afin que celles-ci puissent gouverner toute l’agglomération. Kübler cite les exemples « partiellement réussis » de Lucerne et de Lugano. En ce qui concerne les « gouvernements d’espace métropolitain », il faut savoir qu’un espace métropolitain, avec son propre gouvernement, entraînerait la suppression pure et simple des cantons. Comme une fusion officielle de cantons par des votations populaires n’est pas possible parce que la population veut garder les cantons, il faudrait habituer petit à petit les citoyens récalcitrants aux grandes régions.

Opposons-nous, citoyennes et citoyens, de toutes nos forces à ce genre de projets. Nous n’avons pas besoin d’espaces métropolitains planifiés à l’étranger et qui devraient être imposés aux cantons et aux communes par l’Office fédéral du développement territorial (ARE) et l’Office fédéral de la statistique) afin de préparer la Suisse à une adhésion à long terme à l’UE.

• Les exécutifs doivent se limiter à leurs missions constitutionnelles

Les exécutifs ont des missions, des devoirs et des fonctions clairement définis par la Constitution. Ils possèdent avant tout le pouvoir exécutif, ils doivent exécuter les décisions du législatif (Parlement et peuple). Dans sa deuxième thèse, Daniel Kübler écrit : « Pour la direction politique des agglomérations et des espaces métropolitains suisses, les or ganes exécutifs gagneront en importance. » Or en Suisse, rien ne se décide sans l’accord du peuple, monsieur Kübler. On n’a pas demandé au peuple des huit cantons et des quelque 200 communes prétendument membres de l’Association de l’espace métropolitain de Zurich s’ils voulaient y adhérer. Même les parlements n’ont été informés qu’après l’adhésion, pour autant qu’ils l’aient été. Le président du Parlement des cantons mentionnés ci-dessus s’est donc demandé à juste titre : « Qui me dira si mon canton est membre de l’es pace métropolitain de Zurich ? On n’a pas posé la question à notre Grand Conseil, personne n’en sait rien. »

Les conseillers d’Etat et les conseillers communaux qui siègent à l’Assemblée métropolitaine n’ont pas été habilités à le faire par leurs électeurs car ils doivent uniquement remplir leurs missions constitutionnelles dans leur canton et leur commune. Comment Markus Notter, élu conseiller d’Etat, peut-il annoncer que « les structures constitutionnelles actuelles et avec elles les frontières politiques entre les cantons et les communes perdent leur importance » ? (Neue Zürcher Zeitung du 2 juillet 2009). S’il ne veut pas tenir sa promesse de servir le canton et sa population, qu’il démissionne au lieu de mettre sur pied des structures paraétatiques.

L’idée qu’à l’avenir les « organes exécutifs gagneront en importance » n’est évidemment pas issue d’un think tank suisse. L’UE est bien connue pour se moquer du principe de la séparation des pouvoirs. A Bruxelles, ce sont les exécutifs qui prennent les décisions alors que le prétendu Parlement européen ne détient qu’un pouvoir législatif très restreint et que – c’est bien connu – les parlements des pays membres et de leurs régions n’ont presque plus de pouvoir législatif.

Ceux qui, en Suisse, aspirent à l’adhésion à l’UE s’efforceront tout d’abord de réunir les petites structures puis de donner plus de pouvoir aux exécutifs. Nous autres citoyens devons nous méfier, car nous sommes le souverain et nous avons le droit et le devoir de mettre un terme à ces agissements.

• Le Parlement, sparring partner de l’exécutif ?

La conséquence logique de la primauté projetée de l’exécutif est que les parlements se voient privés de leur pouvoir. Les monstruosités que les participants à la manifestation d’Aarau ont entendues sur cette question sont indignes d’une démocratie et à plus forte raison de la démocratie directe de la Suisse.

Les parlementaires cantonaux présents ont été invités par Kübler et Notter à s’adapter à la « démocratie post-parlementaire » dans laquelle l’exécutif s’arroge le pouvoir de décision et où le Parlement peut encore un peu s’ébattre sur le terrain de jeu (selon Kübler, « dans l’arène en tant que sparring partner de l’exécutif »). D’après Notter, le Parlement devra se limiter à la détermination des ordres du jour et aux débats tandis que, à la Conférence métropolitaine, les conseillers d’Etat et les conseillers municipaux, « s’entendront d’avance sur les grandes lignes » ; finalement le Parlement ne pourra plus qu’approuver. (et le peuple ?) « Les décisions concrètes pourront alors très bien être prises et exécutées dans les structures politiques actuelles. » (Notter, NZZ) Pourront, Monsieur Notter ? Et si le Parlement et le peuple disent non ?

Kübler veut abolir le contrôle de l’exécutif par le Parlement car la capacité d’agir de la Conférence métropolitaine en serait « trop restreinte ». Mais c’est justement pour restreindre le pouvoir de l’exécutif que le Parlement existe dans une démocratie.

Si vous préparez le terrain pour une adhésion prochaine à l’UE et que vous vouliez abolir dans ce but la séparation des pouvoirs, dites-le ouvertement, messieurs. Les électeurs vous feront savoir ce qu’ils en pensent lors des prochaines élections.

On ne comprend pas que les nombreux parlementaires présents à Aarau aient écouté cela sans broncher. Nous exigeons de nos élus à la Confédération, dans les cantons et dans les villes qu’ils défendent en leur âme et conscience l’intérêt du pays et de ses habitants, qu’ils s’associent à la population, comme c’est la coutume en Suisse, et qu’ils s’engagent en faveur du maintien de la Suisse fédéraliste.

• Nous réglerons beaucoup mieux nos affaires sans les espaces métropolitains

Les intervenants d’Aarau n’ont pas voulu expliquer ce que la Suisse avait à faire avec ces super-régions centralisées et antidémocratiques imposées par Bruxelles. Ils se sont défendus en disant que l’espace métropolitain de Zurich n’avait rien à voir avec l’UE. La « justification » de Notter selon laquelle l’espace vital et économique commun autour de Zurich s’étendait au-delà des frontières des communes et des cantons et qu’il fallait créer une « plate-forme » pour développer des projets en commun et « prendre de l’influence » n’est pas convaincant. Comme chacun sait, depuis toujours les communes et les cantons suisses coopèrent étroitement et cherchent à résoudre leurs problèmes en commun. Ainsi, plusieurs communes s’associent pour exploiter une station d’épuration ou construire une école secon daire. Les villes obtiennent aujourd’hui des communes et des cantons voisins des contributions financières pour leurs charges de centres urbains, par exemple pour les écoles, les institutions culturelles ou les transports. Entre les cantons, il existe divers accords sur la collaboration dans divers domaines. Ils sont tous décidés par les législatifs communaux, municipaux ou cantonaux ou par le peuple lors de votations. Répétons-le : la grande majorité du peuple veut maintenir le modèle suisse.

• C’est le peuple qui a le dernier mot, à juste titre

A Aarau, pendant tout le débat public de la Société suisse pour les questions parlementaires, le peuple n’a pas été mentionné une seule fois. A la question de savoir que devenait le peuple dans tout cela, le parlementaire UDC Ueberwasser a répondu avec arrogance que le peuple pouvait encore s’ébattre sur son terrain de jeux, qu’il ne se rendrait pas compte du changement. C’est également un signe qui montre que les espaces métropolitains sont des constructions de l’UE incompatibles avec la structure de l’Etat suisse. Contrairement à Bruxelles, en Suisse ce sont les législatifs et le peuple qui ont le dernier mot. Les procédures décisionnelles sont-elles complexes et parfois trop longues ? C’est égal : la démocratie directe a peut-être besoin d’un peu plus de temps. Mais beaucoup de bonnes idées viennent du peuple, les gens se sentent responsables et veulent participer à la réflexion. Et savoir qu’un référendum des citoyens est toujours possible force les autorités à bien réfléchir à leurs projets. Et les solutions sanctionnées par le peuple reviennent toujours moins cher : Chacun sait qu’en comparaison d’autres Etats, la dette publique est chez nous bien moins élevée aux trois niveaux politiques et que cela tient à notre modèle décisionnel. Conservons notre manière unique au monde de gérer nos affaires dans des petites structures selon les principes du fédéralisme et de la démocratie directe.

Marianne Wüthrich, pour Horizons et Débats

1. Assemblée annuelle de la « Société suisse pour les questions parlementaires » sous le titre « Régions métropolitaines : un nouveau défi pour les parlements »