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L’empire contre la Corée du Nord : l’histoire de la poule et de l’œuf ?

Qui est à l’origine de l’escalade militaire ?

Après l’essai nucléaire du 6 janvier 2016 - que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté comme étant pour la première fois celui d’une bombe H – le Conseil de sécurité des Nations unies a envisagé le soir même, à l’unanimité, l’adoption de nouvelles sanctions contre la RPD de Corée – dont l’élaboration pourrait prendre à nouveau plusieurs semaines.

Par ailleurs, de nombreux commentateurs ont repris l’analyse des armées américaine et sud-coréenne, selon lesquelles il ne s’agissait pas de l’explosion d’une bombe à hydrogène. Mais il y a plus significatif que la réaction, attendue, du Conseil de sécurité des Nations unies, et le débat (pas non plus nouveau s’agissant de l’arsenal balistique et nucléaire de la RPDC) sur la nature de l’essai nord-coréen, qui tend à occulter le fait que le programme nucléaire de la RPDC continue de se développer bien qu’elle soit déjà le pays le plus sanctionné au monde – ce qui, du reste, met en question l’efficacité de cette politique de sanctions. En revanche, ce qui est nouveau est la décision très rapide, dès le lendemain, de Washington et de Séoul de s’engager dans une escalade militaire, faisant ainsi peser de graves risques d’affrontements dans la péninsule coréenne.

 

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A été annoncé le déploiement en Corée de bombardiers américains B52, qui ont largué de nombreuses bombes au napalm pendant la guerre du Vietnam.

 

Pour justifier la poursuite de son programme nucléaire avec l’essai réalisé le 6 janvier 2016, les autorités nord-coréennes avaient dénoncé la politique hostile des États-Unis et de leurs alliés. Elles invoquent aussi fréquemment le précédent des guerres d’Irak en 2003 et de Libye en 2011, qui les ont convaincues que seule une force de dissuasion crédible les protègera d’une attaque américaine. La réaction de Washington valide manifestement l’absence de volonté américaine de s’engager sur la voie de la paix, du dialogue et du désarmement : sans même attendre l’adoption de sanctions nouvelles par le Conseil de sécurité, les États-Unis ont annoncé unilatéralement le renforcement de leur dispositif militaire dans la péninsule coréenne, en laissant le soin de cette annonce à l’armée sud-coréenne, subordonnée au commandement militaire américain en cas de conflit.

Selon la Défense sud-coréenne, les moyens supplémentaires déployés par Washington consisteraient en un sous-marin nucléaire, un chasseur F22 et un bombardier B52 - alors que se poursuit par ailleurs la construction de la base navale dans l’île de Jeju, qui pourra accueillir un porte-avions que ne possède pas la Corée du Sud - contrairement à la flotte américaine.

Enfin, le gouvernement sud-coréen a annoncé qu’il reprendrait ses émissions de propagande par les hauts-parleurs disposés le long du trente-huitième parallèle qui sépare les deux parties divisées de la péninsule. En août 2015, la propagande sud-coréenne par haut-parleur avait entraîné une flamblée de tensions, heureusement conclue par un accord Nord-Sud : Séoul saisit ainsi l’opportunité de l’essai nucléaire nord-coréen pour remettre en cause cet accord, et relancer sa propagande.

Après avoir condamné une nouvelle fois le programme nucléaire nord-coréen, la Chine a encore appelé l’ensemble des parties à la retenue – tout en sachant pertinemment que la base militaire de Jeju et le renforcement du dispositif américain en Corée la visent directement, au-delà de l’argument du programme nucléaire et balistique nord-coréen. Elle a ainsi réitéré son souhait d’une reprise du dialogue à six (les deux Corée, les États-Unis, le Russie, le Japon et elle-même) sur le dossier nucléaire en Corée, interrompu depuis 2009 – mais comment pourrait-elle être entendue alors que l’armée américaine annonce qu’elle-même déploiera de nouveaux vecteurs nucléaires au large de la Corée ?

Un des meilleurs connaisseurs américains de la Corée du Nord, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson a observé, au lendemain de l’essai nucléaire du 6 janvier 2016, que la RPD de Corée voulait probablement un accord de sécurité avec les États-Unis couvrant les armes nucléaires, comme récemment l’Iran – sa démarche s’inscrivant dans une volonté d’être en position de force à la table des négociations. Une telle prise de position est rationnelle : face à l’échec des politiques de sanctions pour atteindre l’objectif d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, il serait temps de prendre sérieusement en considération la voie alternative du dialogue, en tenant compte des attentes de Pyongyang dont les exigences de sécurité sont rationnelles. À l’opposé de la voie de l’escalade où a choisi de s’engager Washington, les négociations apparaissent bien comme la seule option viable pour tous ceux qui souhaitent sincèrement la paix et le désarmement, dans une Asie du Nord-Est qui serait enfin libérée des armes nucléaires.

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