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LIVRE - Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie

Marketing politique, sondages, coups médiatiques, arnaques, détournements, nous vivons sous les règles, la conduite, la culture dominante de communicants, de conseillers en image et des faiseurs d’opinion. La manipulation de l’opinion a toujours existé sous diverses formes de la part des gouvernants. De nombreux ouvrages ont traité de la question de la manipulation des foules sous l’angle totalitaire et fasciste. En s’appuyant sur la théorie des réflexes conditionnés de Pavlov, ainsi que sur une classification des pulsions humaines, Tchakotine avait analysé les mécanismes de la manipulation propagandiste. D’une manière générale, le succès de la propagande fasciste dépendait de l’habileté du propagandiste à associer un des thèmes qu’elle développe aux pulsions majeures de l’être humain, comme l’agressivité, satisfaction matérielle, désir sexuel, amour parental. L’individu soumis à ces pulsions agissait de façon inconsciente conformément à ce qui lui a été dicté. De même que les expériences de Milgram, de Asch mesuraient le niveau d’obéissance à un ordre même contraire à la morale de celui qui l’exécute par le biais de la persuasion, du consensus ou de la torture.

Or, la propagande politique au XXe siècle ne serait pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine. Edward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud émigré aux Etats-Unis, un des pères fondateurs des "relations publiques", explique que la démocratie moderne implique une nouvelle forme de gouvernement : la propagande. Celle-ci a pris un tour nouveau avec l’avènement de ce qu’il baptise « la nouvelle propagande », qu’il décèle, exemples à l’appui, dans la moindre coupure de presse. C’est paradoxalement l’élévation du niveau d’instruction qui a permis, non pas au peuple de s’émanciper, mais à une minorité d’influencer la majorité bien plus efficacement que ne pouvaient le faire les monarques absolutistes des époques antérieures.

Propaganda, véritable petit guide pratique écrit en 1928, devenu classique aux Etats-Unis, expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse. Un document qui révèle les grandes ficelles de la fabrique d’opinion. Conseiller pour de grandes compagnies américaines, Bernays a mis au point les techniques publicitaires modernes. Au début des années 1950, il a orchestré des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala, main dans la main avec la CIA.

Le texte de Bernays constitue ainsi un véritable manuel de « relations publiques » destiné tout à la fois à transmettre un certain nombre de techniques de propagande, mais aussi à convaincre les incrédules des vertus. Paradoxalement, le texte n’est pas faire écho aux écrits postérieures de Noam Chomsky, qui eux, dénoncent pourtant radicalement cette « fabrique du consentement ».

Ainsi, le texte de Bernays commence par ces mots très clairs : « la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays ». Pour Bernays, la propagande peut être utilisée à mauvais escients et cette organisation et cette polarisation de l’opinion publique sont nécessaires à une vie bien réglée.

La propagande touche différentes sphères d’activité. La mise en œuvre des techniques de propagande ne constitue pas une manipulation du grand public, mais au contraire favorise la rencontre entre l’entreprise et ses clients potentiels. Un discours de légitimation qui est encore au fondement des cours de marketing dispensés dans les formations de gestion. Et Bernays d’appeler même à une rationalisation et une systématisation toujours plus grande de ces techniques : notamment dans les champs où elles sont encore délaissées : « de nos jours, le directeur de la publicité d’une agence théâtrale ou d’une compagnie de cinéma est un homme d’affaires, responsable d’un capital qui se chiffre en dizaines voire en centaines de millions de dollars. Il ne peut pas se permettre de jouer les acrobates ou les cavaliers seuls, en matière de publicité. Il doit connaître à fond le public auquel il s’adresse, influencer les pensées et les actions des spectateurs potentiels à l’aide des méthodes inculquées aux milieux du spectacle par ses anciens élèves, l’industrie et le commerce ».
Cette remarque s’applique aux campagnes électorales. On ne peut terminer sans relever la conception particulière de la démocratie en Amérique de Bernays, résumée en une seule phrase : « notre démocratie ayant pour vocation de tracer la voie, elle doit être pilotée par la minorité intelligente qui sait enrégimenter les masses pour mieux les guider ».

D’un point de vue communautaire, en régime démocratique et libéral, la technique est claire. Bernays, visionnaire, suppose que des groupes minoritaires auraient tout à gagner à mettre en œuvre les techniques de la propagande : les « activités féminines », l’éducation, les œuvres sociales ou les institutions artistiques et scientifiques. Il clôt enfin son essai en listant l’ensemble des moyens de propagande disponibles à son époque, et vante tout particulièrement ces nouveaux outils que représentent alors la radio ou le cinéma. Et il conclut en répétant une énième fois ce qui s’apparente bel et bien à son credo : « la propagande ne cessera jamais d’exister. Les esprits intelligents doivent comprendre qu’elle leur offre l’outil moderne dont ils doivent se saisir à des fins productives, pour créer de l’ordre à partir du chaos ».


Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie (Broché)
de Normand Baillargeon (Préface), Edward Bernays (Auteur)
 






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