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Le Burundi s’enfonce dans la violence

"Attaques ciblées" à motivation politique, "arrestations arbitraires" et "torture" : le Burundi, plongé dans une grave crise politique, continue de s’enfoncer dans une violence sourde, deux semaines après la réélection contestée du président Pierre Nkurunziza.

Quatre personnes ont été tuées durant la nuit dans deux quartiers de Bujumbura. Deux hommes non identifiés ont été découverts à Buterere, les mains liées derrière le dos et portant des traces de torture, et deux personnes tuées lors d’un affrontement avec une patrouille mixte police/armée, cible d’une attaque à la grenade dans la soirée à Cibitoke, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la police burundaise, Pierre Nkurikiye.

Des proches, cités par des médias burundais, ont affirmé que les deux victimes de Cibitoke - un adolescent et son oncle - avaient été arrêtées et exécutées par la police, ce qu’a démenti le porte-parole.

M. Nkurikiye a fait état "ces derniers jours" d’une vague "d’attaques ciblées contre des personnalités et membres de certaines formations politiques", citant notamment l’assassinat dimanche soir du général Adolphe Nshimirimana, homme fort du système sécuritaire burundais et la tentative de meurtre de Pierre-Claver Mbonimpa, figure réputée de la défense des droits de l’Homme.

Il a également cité les cas de quatre personnes, sans les nommer, tuées en province et dans la capitale, ainsi que "quelques corps retrouvés sans vie".

Il a appelé les forces de l’ordre à la vigilance, notamment vis-à-vis d’hommes en uniformes, "car le groupe de criminels qui font ces attaques ciblées portent souvent des uniformes des forces de l’ordre", a-t-il expliqué dans un communiqué télévisé.

M. Nkurikiye n’a pas précisé si ces "criminels" étaient de véritables policiers et militaires incontrôlés ou échappant à la hiérarchie officielle, ou des mutins.

Forces de sécurité divisées

Le Burundi a plongé fin avril dans une grave crise politique, émaillée de violences meurtrières, après la candidature du président Pierre Nkurunziza à un 3e mandat, que ses adversaires jugent inconstitutionnel.

Les autorités ont maté en mai une tentative de coup d’État militaire et une brutale répression a fini par étouffer mi-juin un mois et demi de manifestations quasi-quotidiennes contre ce 3e mandat à Bujumbura, et plus épisodiquement en province.

Bujumbura a retrouvé depuis un semblant de normalité dans la journée, mais se cloitre à la nuit tombée, avec des tirs qui résonnent désormais presque quotidiennement dans de nombreux quartiers. En outre, d’anciens putschistes ont annoncé en juillet avoir pris le maquis et des combats ont opposé l’armée à des rebelles dans le nord du pays.

Les observateurs s’inquiètent de l’existence d’un possible commandement parallèle au sein des forces de sécurité, aujourd’hui profondément divisées, et de l’infiltration de rebelles ou de mutins armés dans les quartiers contestataires.

L’assassinat du général Nshimirimana et la tentative d’assassinat de M. Mbonimpa le lendemain, ont laissé craindre que le pays s’enfonce dans un cycle incontrôlable de représailles et contre-représailles.

Jeudi, la Belgique, ancienne puissance coloniale, a offert d’accueillir M. Mbonimpa "pour se faire soigner".

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, "très inquiet de l’impact de ses événements sur la sécurité" du pays, a exhorté mercredi le président burundais, dans une conversation téléphonique, à renouer le dialogue avec l’opposition, a indiqué jeudi l’ONU.

De son côté, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé des arrestations arbitraires de présumés opposants et des mauvais traitements de la part de membres des services de renseignement (SNR), de policiers et de membres de la Ligue de jeunesse du CNDD-FDD au pouvoir, les Imbonerakure.

"Les Imbonerakure n’ont aucun pouvoir légal d’arrêter qui que ce soit, pourtant ils arrêtent des gens arbitrairement, les battent et les remettent aux services de renseignement, qui torturent certains", a dénoncé jeudi Daniel Bekele, directeur Afrique de l’organisation.

Dimanche, le correspondant de l’AFP et de RFI au Burundi, Esdras Ndikumana, journaliste respecté dans le pays, avait été arrêté par le SNR et violemment passé à tabac pendant deux heures avant d’être libéré.Â

La crise actuelle, dans un climat de peur diffuse et d’intimidation, laisse craindre une reprise des violences à grande échelle dans ce petit pays d’Afrique des Grands-Lacs, à l’histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutu (85% de la population) et Tutsi, et qui se remet difficilement d’une guerre civile qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006.

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