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Le long parcours : entretien avec Alexandre Douguine

1. Le grand public ne vous connaît pas, donc pouvez-vous parler un peu de votre parcours intellectuel en Russie ?

Sincèrement, c’est un long parcours. Avant tout, dans ma jeunesse j’ai été profondément inspiré par le Traditionalisme de René Guénon et Julius Evola. J’ai alors clairement choisi un camp – celui de la Tradition sacrée, contre le monde moderne (et postmoderne). Ce choix et toutes ses conséquences sont encore là dans le présent. Je défends fermement les valeurs spirituelles et religieuses contre l’actuelle culture matérialiste, pervertie et décadente. Le Traditionalisme était et reste le centre philosophique de tous mes développements ultérieurs.

Dans le même esprit, j’ai découvert un peu plus tard la tendance idéologique de la Révolution conservatrice et son renouveau dans la Nouvelle Droite française d’Alain de Benoist, qui est devenu personnellement mon ami et qui m’a influencé directement. En même temps j’étais intéressé par le domaine de la géopolitique, découvrant les travaux classiques de Mackinder, Mahan, Spickman et Haushofer. J’ai identifié des idées très similaires dans les textes des eurasistes russes des années 1920-1930 qui dans l’émigration tentèrent de créer une idéologie originale combinant tradition, conservatisme et concepts slavophiles avec quelques notions contemporaines dans le domaine de la géopolitique (Savitsky), de la linguistique structurelle (Troubetskoï), du droit (Alexeev), de la science historique (G. Vernadsky), etc. Ce fut donc le point de départ du néo-eurasisme, développé par moi à partir du milieu des années 80 quand les principaux traits d’une nouvelle vision-du-monde m’apparurent clairement.

Plus tard au début des années 90, j’ai commencé à appliquer cela à l’analyse politique des événements actuels dans les domaines intérieur et international, élargissant et détaillant le cadre général du néo-eurasisme. Donc j’ai fondé l’école russe de géopolitique, présentant les principaux textes et auteurs tout en développant des concepts nouveaux et originaux. En même temps j’ai posé les bases de la pensée traditionaliste en tentant d’appliquer les idées de Guénon et d’Evola à la tradition chrétienne orthodoxe russe. J’ai aussi exploré le domaine de la Révolution conservatrice Russe en me basant sur les valeurs historiques russes.

Après avoir été anticommuniste durant l’ère soviétique, j’ai changé d’avis en 1991 devant la révolte libérale que j’ai jugée pire que le socialisme. Le résultat de cette analyse fut le premier changement sérieux dans ma vision du monde : j’ai rompu avec l’anticommunisme et je me suis concentré sur l’antilibéralisme, le libéralisme étant vu comme l’ennemi principal et l’incarnation finale de l’esprit de la Modernité que j’ai toujours considéré comme le mal absolu (au sens de Guénon et d’Evola). La victoire du libéralisme sur le communisme fut la preuve à mes yeux de sa nature eschatologique. Je suis donc passé du traditionalisme de droite plus classique au traditionalisme de gauche, parfois appelé national-bolchevisme. En fait ce n’était pas vraiment du communisme ou du bolchevisme. C’était et c’est toujours un refus total du libéralisme identifié comme l’idéologie qui durant son combat contre les communistes et les fascistes s’est révélée être la plus implacablement moderne et identique à la nature même, à l’essence même de la modernité.

Le tournant décisif de l’histoire politique qui se produisit en 1991 me confirma que le fascisme et le communisme étaient moins modernes et possédaient certains traits antimodernes.

C’était presque évident pour le fascisme, mais beaucoup moins évident pour le communisme. J’ai donc proposé une lecture de droite du marxisme et du socialisme, et une lecture de gauche du Traditionalisme (« Evola vu de gauche » – tel fut le titre de ma conférence à Rome en 1994 durant le congrès à l’occasion du vingtième anniversaire de la mort d’Evola).

Les années 90 se passèrent donc dans cette recherche d’une synthèse antilibérale gauche-droite. Dans le contexte politique de l’époque, cela signifiait le refus total de la politique de Boris Eltsine et ma participation personnelle à divers groupes d’opposition patriotique de droite et de gauche.

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