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Le sergent Bergdahl, ancien prisonnier des talibans, risque la prison à vie

Le sergent Bowe Bergdahl (photo ci-contre) va-t-il finir sa vie en prison ? Cet Américain de 28 ans, qui a été détenu pendant près de cinq ans par les talibans puis par le réseau terroriste Haqqani avant d’être libéré le 31 mai 2014 dans le cadre d’un échange controversé de prisonniers, pourrait être victime des rivalités politiques de Washington. Mercredi, l’ex-membre du 501e régiment d’infanterie de l’armée américaine en Afghanistan a été inculpé pour désertion et mauvaise conduite face à l’ennemi.

La nouvelle a rallumé les braises de la controverse. Fallait-il libérer de la prison de Guantanamo cinq hauts responsables talibans en échange d’un militaire américain désabusé par la guerre, qui a quitté son poste durant la nuit du 30 juin 2009 avant de se faire capturer ? Pour les faucons républicains, la sécurité nationale ne peut être bradée. Les cinq ex-détenus n’auraient, à leux yeux, jamais dû être transférés au Qatar qui se charge de leur surveillance. Aux yeux des plus sceptiques, les ex-détenus vont retourner sur le champ de bataille pour combattre l’Amérique. L’affaire Bergdahl est pour les faucons de Washington l’occasion de fustiger la politique étrangère de la Maison-Blanche qui vient d’ailleurs de décider de maintenir près de 10 000 soldats en Afghanistan.

L’administration de Barack Obama réaffirme son credo, même si son attitude pour libérer le sergent Bergdahl fut beaucoup plus conciliante que celle adoptée lors de prises d’otages américains, où Washington refuse de payer la moindre rançon. Les États-Unis n’abandonnent pas, martèle la Maison-Blanche, un membre de leurs forces armées. Les républicains ne désarment pas pour autant, estimant que le président aurait dû demander l’aval du Congrès pour procéder à l’échange de prisonniers. Ils continuent aussi de juger déplacée la conférence de presse qu’avait tenue le président, en compagnie des parents Bergdahl, au moment de la libération.

Bowe Bergdahl, dont le cas devrait être examiné par une sorte de grand jury à la base de Fort Sam Houston, au Texas, avant d’être éventuellement soumis à une cour martiale, a commis, aux yeux de ses détracteurs, un crime impardonnable : il doutait du bien-fondé de la présence américaine en Afghanistan. Ayant grandi dans les paysages montagneux de l’Idaho et élevé par des parents croyants et d’origine modeste, il « n’a pas rejoint l’armée parce qu’il avait perdu un ami lors des attentats du 11 septembre 2001 ou pour la sécurité nationale. Il l’a fait par compassion », un peu avec l’idée de rejoindre un Corps de la paix (Peace Corps) armé, « une mission clairement impossible », souligne son père Bob, dans un reportage réalisé en 2009 par le Guardian.

Dans les collines de la province Paktika, le sergent n’avait pas l’allure d’un Rambo. Pipe à la bouche, il était rongé par le doute. Un courriel envoyé au magazine Rolling Stone le 27 juin 2009, trois jours avant son enlèvement, est explicite : « J’ai honte d’être Américain. » Plusieurs membres de son unité ne semblaient pas davantage convaincus. D’autres en revanche se sont vite exprimés dans les médias après la libération pour qualifier leur camarade de « déserteur » et de « lâche ».

Les réflexions du sergent Bergdahl, qui aimait étudier les cartes de la région et converser avec les autochtones, font écho à celles de son père. Filmé dans sa maison de l’Idaho, Bob Bergdahl se dit inspiré par un discours de Martin Luther King de 1967 contre la guerre du Vietnam et s’interroge :

« Comment peut-on enseigner à deux générations d’enfants que nous appliquons la tolérance zéro envers la violence, mais que nous occupons deux pays d’Asie depuis plus d’une décennie. C’est schizophrénique. »

Pour l’inculpé, le chemin de croix n’est pas terminé. Mais il a déjà été marqué par des stations traumatisantes. L’avocat de Bowe Bergdahl, Eugene Fidell, en rend compte à travers un document qu’il a remis à la presse. On y apprend que le sergent a tenté de s’échapper à douze reprises, réussissant une fois à rester neuf jours en liberté. En détention, il fut enchaîné à un lit, les yeux bandés, sans possibilité de bouger. Ayant perdu beaucoup de poids, ses côtes étaient devenues très visibles. Il fut gardé dans l’obscurité pendant de longues périodes, isolé. On le menaçait d’exécution.

Eugene Fidell garde espoir, précisant que son client bénéficie toujours de la présomption d’innocence. Il dit préférer éviter la cour martiale pour son client, estimant que celle-ci serait incapable d’être impartiale vu la forte politisation du cas. Un accord amiable n’est pas exclu. Dans un document remis au New York Times, l’avocat de la défense se bat contre l’intox :

« Non, il n’avait pas l’intention de se rendre en Chine ou en Inde. Non, il n’y a pas de preuves selon lesquelles des soldats à sa recherche auraient été tués. Non, il n’y a pas de preuves de mauvaise conduite durant sa captivité. »

À l’image de son père, qui a appris le pachto et qui étudiait quatre heures par jour la géographie et l’histoire de l’Afghanistan durant la captivité de son fils, Bowe Bergdahl espère pouvoir bénéficier d’une relative clémence, dont ont bénéficié, par le passé, des dizaines de milliers de déserteurs américains.

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