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Les Chemins de Damas : comment l’Élysée a manipulé les rapports sur les armes chimiques

Le livre français, Les Chemins de Damas, publié il y a quelques jours, provoque un scandale en révélant des éléments secrets sur la manière dont la présidence française a forcé le corps diplomatique et les services secrets français à se soumettre à la décision politique de renverser Assad, ainsi qu’à manipuler les rapports sur les armes chimiques et la réelle puissance du régime syrien.

Un livre publié à Paris il y a quelques jours [le 9 octobre 2014] intitulé Les Chemins de Damas, Le dossier noir de la relation franco-syrienne, écrit par les journalistes français Georges Malbrunot et Christian Chesnot, donne de précieuses informations sur les coulisses de la relation entre Paris et Damas au cours des quarante dernières années. Ce livre d’investigation contient des informations et des interviews avec des personnalités étroitement impliquées dans le dossier syrien, des années 1980 à nos jours.

En passant des sommets présidentiels aux confrontations politiques et meurtrières, ainsi que des tensions diplomatiques aux périodes de lune de miel et à la coordination secrète des deux capitales, le livre s’attaque aux dossiers noirs et autres événements cachés, qui caractérisent la relation décrite comme quasi-schizophrène entre les deux pays.

Selon le synopsis qu’en propose l’éditeur Robert Laffont, le livre, Les Chemins de Damas, montre que les présidents français successifs ont agi avec la Syrie « souvent de manière émotionnelle, avec précipitation ou avec improvisation, ce qui a conduit à l’impasse que nous observons aujourd’hui (dans les relations) ».

Les auteurs relatent un incident qui a suivi immédiatement l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafik Hariri : « Au moment même où Jacques Chirac, après l’assassinat de son ami Rafik Hariri, voulait « faire rendre gorge » à Bachar al-Assad, la France livrait deux hélicoptères Dauphin à Assad, dans le plus grand secret, et fournissait à son entourage un système pour sécuriser leurs communications ».

Quant aux présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, « ils ont fait tour à tour les mêmes erreurs par méconnaissance de la réelle capacité de survie du régime syrien », concluent les auteurs.

La presse française a publié quelques extraits du livre, notamment Le Point du 9 octobre. Le magazine a écrit que le livre était exceptionnel, et a publié des morceaux du livre qui contiennent des détails importants sur les discussions se tenant sur la crise syrienne dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, de l’Élysée, des services secrets et des services de sécurité français.

 

Une bagarre au ministère des Affaires étrangères

Un chapitre du livre intitulé Bagarre au Quai d’Orsay fait état d’une violente querelle sur la Syrie qui s’est produite dans un bureau du ministère des Affaires étrangères, à Paris au printemps 2011. À cette époque, Alain Juppé était le ministre des Affaires étrangères de la France. La bagarre a eu lieu dans le bureau d’Hervé Ladsous, le chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères, entre Éric Chevallier, l’ambassadeur de France à Damas, et Nicolas Galey, le conseiller du président (Nicolas Sarkozy à l’époque) pour le Moyen-Orient. Étaient aussi présents Patrice Paoli, directeur du département du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (aujourd’hui ambassadeur de France au Liban), et Joseph Maila, directeur de la prospective au ministère des Affaires étrangères, ainsi que des diplomates en charge des affaires syriennes.

La conviction de l’ambassadeur Chevallier était la suivante : « Le régime d’Assad ne tombera pas, Assad est fort » et il se maintiendra au pouvoir. C’est ce qu’il avait écrit dans ses dépêches diplomatiques, depuis Damas, raison pour laquelle il avait été rappelé à Paris. Chevallier a redit aux personnes présentes à cette réunion qu’il était « proche du terrain », qu’il avait « visité diverses régions de la Syrie et qu’il n’avait pas le sentiment que le régime en place était en train de s’effondrer ».

« Arrêtez de dire des bêtises ! », l’a interrompu Galey, le représentant de Sarkozy. « Il ne faut pas s’en tenir aux faits, il faut voir plus loin que le bout de son nez », a-t-il ajouté. La remarque de Galey était d’une « hostilité sans précédent », selon une des personnes présentes. Même Ladsous « a été choqué de la détermination de Galey », quand il est apparu que Galey « n’était pas venu pour prendre part aux délibérations, mais pour remplir une mission spécifique : imposer l’idée que la chute d’Assad était inévitable », et faire comprendre à tout le monde qu’aucune opinion divergente ne serait tolérée dans le corps diplomatique français.

Mais Chevallier a défendu sa position, qui différait de celle que l’Élysée voulait imposer. Il a dit qu’il avait rencontré l’opposition syrienne régulièrement, « mais qu’il continuait à penser que le régime avait la capacité de survivre et qu’il avait des soutiens étrangers ». « On se moque de vos informations ! », a réitéré Galey, ce à quoi l’ambassadeur a répondu : « Vous voulez que j’écrive autre chose, mais mon travail comme ambassadeur est de continuer à dire ce que j’ai écrit, c’est-à-dire ce qui est réellement arrivé ». « Vos informations ne nous intéressent pas. Bachar al-Assad doit tomber et il tombera », a rétorqué Galey d’une voix coupante. La querelle s’est alors envenimée, ce qui a forcé Ladsous à intervenir plusieurs fois pour mettre fin à cette bataille verbale.

 

Un rapport étrange sur les attaques aux armes chimiques en Syrie

Une autre section du livre traite des actions du président François Hollande, en août 2013, quand il a ordonné la déclassification du document de synthèse des rapports de la Sécurité extérieure et du Renseignement militaire sur les attaques aux armes chimiques dans la région de Ghouta, près de Damas, au moment où il tentait de rallier un soutien international en faveur d’une frappe pour punir ceux qui empoisonnaient des innocents. Le livre révèle que la conclusion du rapport conjoint avait été élaguée par le conseiller spécial du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, d’une manière qui, d’une certaine façon, faisait du tort aux informateurs.

Dans leurs rapports, les informateurs avaient soulevé plusieurs questions concernant des événements qu’ils n’avaient pas pu vérifier, comme l’utilisation de gaz sarin. Une des hypothèses faite par les informateurs dans leurs rapports était la suivante : « Il est possible que des bombardements classiques de l’armée syrienne sur un laboratoire clandestin des rebelles aient provoqué une fuite de gaz ». Mais cette conclusion a été purement et simplement coupée du texte du rapport final.

 

Nous avons fait des erreurs en ce qui concerne la Russie

Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur et Secrétaire général sous Sarkozy, dit que la manière dont Juppé a traité la Russie est une grave erreur. Il souligne que la Russie n’aurait pas dû être marginalisée, mais qu’au contraire, on aurait dû en tirer partie. Il a ajouté : « Si nous avions mis de côté notre égoïsme, notre prestige et notre amour du pouvoir, et dit aux Russes qu’ils étaient les plus à même de concourir à trouver une solution en Syrie, ils auraient été heureux d’apporter un soutien positif. Ils étaient les seuls à pouvoir faire quelque chose ».

Le livre traite aussi de la fragile relation entre les diplomates français et les services secrets et du conflit entre le Renseignement Intérieur et le Renseignement extérieur, sur la question syrienne. L’antipathie entre les deux agences a commencé au début de la crise syrienne et s’est prolongée même après que les deux agences se sont installées à Amman. Les rapports venant des deux agences semblaient contradictoires en 2011. Un diplomate qui était en contact avec les deux agences a expliqué que toutes les deux étaient convaincues qu’Assad ne tomberait pas rapidement, mais que le Renseignement intérieur a vite noté le rôle des salafistes et des djihadistes dans la rébellion, tandis que le Renseignement extérieur continuait d’envoyer des rapports diabolisant le régime de Assad.

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Sur l’obstination du duo Sarkozy/BHL à faire chuter Mouammar Kadhafi chez Kontre Kulture :

 






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