Ce qui se passe en Syrie n’a rien à voir avec l’utilisation supposée d’armes chimiques, et tout à voir avec les ambitions impériales de l’État d’Israël qui brandit son pouvoir à travers son lobby infâme, afin d’utiliser la puissance américaine pour réaliser ses objectifs dans la région.
Parmi les principaux néoconservateurs de cette kabbale se trouve Michael Ledeen, titulaire de la chaire de la liberté à l’American Enterprise Institute et membre fondateur du JINSA. Comme Robert Lind l’a écrit dans un article de 2003 pour Salon :
« Le lien principal entre les groupe de réflexion conservateur et le lobby pro-israélien basé à Washington, est l’Institut Juif pour les Affaires de Sécurité Nationale (JINSA), lui-même soutien majeur du Likoud cooptant beaucoup d’experts de la défense non-juifs en les envoyant passer des séjours en Israël [1]. »
Déjà en 2002, Ledeen annonçait qu’une invasion de l’Irak suivrait, et que ce serait une bonne chose, parce que, cela « nous » donnera une chance de « veiller à l’accomplissement de la révolution démocratique ». Résumant ces motivations machiavéliques, Ledeen a précisé : « Paradoxalement, nous avons fait progresser la cause de la liberté par des moyens violemment non-démocratiques. » Ledeen a en outre expliqué :
« La destruction créatrice est notre signature, tant au sein de notre société qu’à l’étranger. Nous démolissons l’ordre ancien tous les jours, du monde des affaires à la science, en passant par la littérature, l’art, l’architecture et le cinéma ainsi que la politique et le droit. Nos ennemis ont toujours détesté ce tourbillon d’énergie et de créativité, qui menace leurs traditions (quelles qu’elles soient) en même temps qu’ils éprouvent de la honte pour leur incapacité à suivre le rythme… Nous devons les détruire pour faire avancer notre mission historique [2]. »
Évidemment, les pays du Moyen-Orient figurant sur la liste de Ledeen ne présentent aucun danger « déclaré ou immédiat » pour les États-Unis. Toutes ces articulations abstraites ont été conçues pour cacher la poursuite ignoble des objectifs de la politique étrangère israélienne, comme indiqué dans Une rupture franche : une nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume (communément appelé le rapport « Clean Break »), un document de stratégie politique qui a été préparé en 1996 par un groupe d’étude dirigé par Richard Perle pour Benjamin Netanyahu, alors Premier ministre d’Israël.
Le rapport expose une nouvelle approche pour résoudre les problèmes de sécurité d’Israël au Moyen-Orient par un appel aux « valeurs occidentales ». Parmi les politiques proposées figurait l’option suivante :
« Plutôt que de poursuivre l’objectif d’une “paix globale” avec l’ensemble du monde arabe, Israël doit travailler conjointement avec la Jordanie et la Turquie à “contenir, déstabiliser, et retourner” les entités qui constituent des menaces pour les trois pays. »
Sur la façon de répondre à ces menaces, il recommande :
« Le nouveau programme d’Israël peut signaler une rupture nette par l’abandon d’une politique qui suppose l’épuisement et permet d’opérer une retraite stratégique tout en rétablissant le principe de préemption, au lieu des seules représailles et en cessant d’absorber les coups portés à la nation en les laissant sans réponse. »
L’action préventive y était considérée comme nécessaire au Liban, en raison d’un accord entre Israël et les États-Unis stipulant que les centrales nucléaires iraniennes devraient éventuellement être bombardées. Si cela devait arriver, l’Iran utiliserait le Hezbollah au Liban pour attaquer Israël. Ainsi, le Hezbollah devrait être désarmé et Israël utiliserait la force dès qu’un prétexte serait devenu disponible [3].
De même, comme l’Irak « pourrait profondément affecter l’équilibre stratégique au Moyen-Orient », Israël doit soutenir la Jordanie dans ses efforts visant à redéfinir l’Irak, et en « soutenant le roi Hussein en lui fournissant des mesures de sécurité concrètes pour protéger son régime contre la subversion syrienne, en encourageant – grâce à l’influence au sein du monde des affaires aux États-Unis – les investissements en Jordanie, afin de désolidariser structurellement l’économie jordanienne de sa dépendance envers l’Irak, puis enfin Israël doit détourner l’attention de la Syrie en utilisant des éléments de l’opposition libanaise pour déstabiliser le contrôle syrien du Liban ».
Phyllis Bennis, un commentateur politique, a souligné les similitudes évidentes entre les stratégies décrites dans le Clean Break et le conflit Israël-Liban de 2006 [4]. Déjà en septembre 2006, Taki, un journaliste du The American Conservative, a rapporté :
« Récemment, Netanyahu a suggéré que le président Bush lui avait assuré que l’Iran serait empêché de devenir une puissance nucléaire. Je le prends au mot. Netanyahu semble être le moteur principal de l’adoption officielle par l’Amérique du Livre blanc de 1996, A Clean Break, rédigé par lui et ses collègues néo-conservateurs américains, lequel visait à remodeler agressivement les environnements stratégiques de l’Irak, de la Palestine, du Liban, de la Syrie et de l’Iran. Comme on dit dans le milieu de la boxe, trois de KO, plus que deux à tomber. »
Juste avant l’invasion américaine de l’Irak, Brian Whitaker avait déclaré dans The Guardian en 2002 « qu’avec plusieurs des auteurs du Clean Break occupant aujourd’hui des postes clés à Washington, le plan d’Israël pour subjuguer ses ennemis par le remodelage du Moyen-Orient, est bien plus réalisable aujourd’hui qu’en 1996. Les Américains peuvent même être amenés à sacrifier leur vie pour y parvenir [5]. » En référence aux ambitions grandioses des néoconservateurs comme Michael Ledeen, il soulignait :
« Notre rapide victoire inattendue et impressionnante en Afghanistan est un prélude à une guerre beaucoup plus large, qui parviendra selon toute vraisemblance à transformer le Moyen-Orient pendant au moins une génération, et à remodeler la politique de nombreux autres pays à travers le monde [6]. »
De même, le livre de Richard Perle (2004) Une fin au Mal : comment gagner la guerre contre le terrorisme (An End to Evil : How to Win the War on Terror), coécrit avec son compatriote néo-conservateur David Frum, défend l’invasion de l’Irak et décrit les aspirations importantes des néo-conservateurs, y compris les moyens d’abandonner tous les processus de paix israélo-palestinien, d’envahir la Syrie, l’allié stratégique de l’Iran dans la région. Perle et Frum concluent sans vergogne :
« Pour nous, le terrorisme reste le grand mal de notre temps, et la guerre contre ce fléau est la grande cause de notre génération… Il n’y a pas de voie médiane pour les Américains : c’est la victoire ou l’holocauste [7]. »
[...] Les bouleversements du Printemps arabe rentrent dans le cadre du projet du Grand Moyen-Orient de George W. Bush, proclamée après 2001 pour apporter la « démocratie » et le « libéralisme marchand » à travers la réforme économique des pays islamiques de l’Afghanistan au Maroc [8]. Comme William Engdahl le rapportait en avril 2011 :
« Contrairement à l’impression soigneusement entretenue que l’administration Obama tente de conserver le régime actuel de Moubarak, Washington orchestre en fait les changements de régime régionaux, non seulement de l’Égypte, mais de la Syrie au Yémen en passant par la Jordanie et bien au-delà, au travers d’un processus que certains appellent la “destruction créatrice” [9]. »
Anticipant sur les nombreuses révolutions du Printemps arabe, le Wall Street Journal rapportait déjà en 2007 que le service de renseignement du département d’État avait organisé une conférence d’experts du Moyen-Orient pour examiner le bien-fondé de l’engagement, en particulier en Égypte et en Syrie, avec les Frères musulmans, principal outil de déstabilisation de la CIA au Moyen-Orient. Selon des fonctionnaires, les diplomates et les politiciens américains ont également rencontré des législateurs des partis liés aux Frères musulmans en Jordanie, en Égypte et en Irak, afin d’entendre leurs points de vue sur les réformes démocratiques au Moyen-Orient [10].
Comme le révèle Engdahl, le modèle d’un tel changement de régime secret a été développé par le Pentagone, les services de renseignement américains et divers think tanks tels que l’omniprésente RAND Corporation, Freedom House et les ONG financées par le gouvernement américain, ainsi que la National Endowment for Democracy (NED). La NED est active dans tous les pays qui ont connu des soulèvements populaires « spontanés » : la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït, la Libye, la Syrie, le Yémen et le Soudan. Comme maitre d’œuvre et premier dirigeant de la NED, Allen Weinstein, a déclaré au Washington Post en 1991 : « Beaucoup de ce que nous faisons aujourd’hui a été accompli secrètement il y a 25 ans par la CIA [11]. »
De même, pour le compte des Américains, les salafistes armés et financés par l’Arabie Saoudite ont été amenés pour aider à la déstabilisation du gouvernement syrien [12]. Les activités subversives américaines en Syrie ont été coordonnées par une organisation liée aux Frères musulmans, le Front de salut national (NSF), qui réunit des libéraux démocrates, des Kurdes, des marxistes et des anciens responsables syriens, dans un effort visant à transformer le régime du président Assad. Les fondateurs du NSF étaient Ali Al Bayanouni Sadreddin qui a occupé le poste de président de la branche syrienne des Frères musulmans en 1979, et Abdul Halim Khaddam, vice-président de la Syrie jusqu’en 2005, qui a critiqué le régime d’Assad et s’est enfuit à Paris.
Le premier contact entre la Maison Blanche et le NSF a été établi par Najib Ghadbian, un politologue à l’université de l’Arkansas, ayant suggéré aux États-Unis de travailler avec son groupe et ses contacts, y compris les Frères musulmans. Ghadbian a commencé à rencontrer l’éminent député néoconservateur et ancien agent de l’opération Iran-Contra Elliot Abrams, le conseiller en chef au Moyen-Orient pour la Maison Blanche en 2006. Grâce à ces intermédiaires, comme l’a rapporté le Wall Street Journal, « la Maison Blanche a exhorté le NSF à construire une large coalition de groupes d’opposition et de les organiser d’une manière transparente et démocratique [13] ».
Comme l’a noté Charlie Skelton dans The Guardian :
« En effet, un certain nombre de figures clés du mouvement d’opposition syriens sont des exilés de longue date, qui recevaient des fonds du gouvernement américain pour saper le gouvernement Assad bien avant que le printemps arabe n’éclate [14]. »
Le Conseil national syrien (CNS) est généralement reconnu comme « la principale coalition d’opposition ». Également membre du groupe NSF, le Washington Times a décrit le CNS comme « un groupe de coordination des factions rivales basées hors de la Syrie [15] ».
Le plus ancien des porte-parole officiel du CNS basé à Paris est l’universitaire syrienne Bassma Kodmani, qui en 2012 a assisté à sa deuxième conférence Bilderberg. En 2005, Kodmani travaillait au Caire pour la Fondation Ford, une couverture traditionnelle de la CIA, et en septembre de cette année, a été nommée directrice générale de l’Arab Reform Initiative (ARI), un programme de recherche du Council on Foreign Relations (CFR).
Plus précisément, l’ARI a été lancé par un groupe au sein du CFR appelé le « Projet US/Moyen-Orient », présidé par le général (à la retraite) Brent Scowcroft, ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain, qui siège également au sein de la « Galerie privilégiée des secrets d’États » de Sibel Edmond. À côté de Scowcroft se tenait Zbigniew Brzezinski, le fondateur de la Commission Trilatérale, et le conseiller à la sécurité nationale de Carter, qui a initié l’invasion soviétique de l’Afghanistan.
Plus tôt en 2005, le CFR avait assuré le « contrôle financier » du projet du Centre pour la réforme européenne (CER). Le CER est supervisé par Lord Kerr, le vice-président de la Royal Dutch Shell, l’ancien chef du service diplomatique et un conseiller principal au sein de l’influent think-tank britannique, Chatham House [16] [...].
Dans l’idéal, les musulmans se réveilleront bientôt et s’apercevront de cette supercherie, car la prochaine cible sur la liste des néo-conservateurs est l’Iran. Tout comme il avait crié au loup à propos du parrainage soviétique du terrorisme international, Ledeen en fait de même contre le terrorisme iranien dans son récent livre Les Maitres de la Terreur. Pourquoi c’est arrivé. Où nous en sommes à présent. Comment nous allons gagner (The Terror Masters : Why It Happened. Where We Are Now. How We’ll Win). Selon le Pacific News Service du 19 mai, Ledeen a prononcé un discours lors d’un forum politique au JINSA le 30 avril 2011, intitulé : « Voici venu le temps de se concentrer sur l’Iran – La mère patrie du terrorisme moderne. »
David Livingstone
Traduction : henrymakow.wordpress.com