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Prendre aux pauvres en France pour donner aux banques françaises exposées en Grèce ?

Mercredi dernier, le très « social » nouveau Secrétaire d’Etat au budget, François Baroin, a présenté en Conseil des ministres, la loi rectificative des finances qui permettra à la France, dont le budget est déjà en cours, de verser très rapidement une partie de sa contribution au plan « d’aide » de l’Union Européenne à la Grèce.

Il s’agit d’une première tranche de 3,9 milliards d’euros sur les 6,3 milliards que représente la quote-part française à ce plan d’aide qui accordera à la Grèce, sur trois ans, 90 milliards d’euros de prêts bilatéraux à un taux d’intérêt de 5%.

Et alors que partout ce plan est présenté comme l’expression d’un élan de solidarité européen envers la Grèce, peu sont ceux qui se laissent encore abuser par ces discours. Même Le Parisien du 22 avril rapportait que la nouvelle chute de la Bourse provoquée par la révision à la hausse du déficit de la Grèce pour 2009, exprimait les craintes des investisseurs « d’une crise de solvabilité pour les banques grecques, et de ses retombées sur les établissements étrangers, notamment les Français, qui sont les plus exposés en Grèce. » En effet, les banques françaises ont environ 80 milliards d’euros d’exposition dans ce pays contre près de 40 milliards d’euros pour les banques allemandes.

Mais la France est-elle en état de se lancer dans une telle politique ? Pour Christine Lagarde, c’est oui : « Ce n’est pas parce que nous aidons la Grèce, que nous pénaliserons la France » a-t-elle clamée, soulignant, comme Angela Merkel avant elle, qu’en empruntant à 1,5% sur les marchés et en reprêtant à la Grèce à 5%, la France engrangerait des profits certains. Outre que la pratique du « carry trade » — gagner de l’argent en empruntant moins cher auprès d’un Etat, pour le reprêter plus cher à un autre Etat – est contestable, il n’en reste pas moins que les 3,9 milliards iront gonfler les statistiques du déficit français qui est déjà à 8% du PIB.

Le bilan de la situation sociale dans notre pays, publié en mars dernier par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, montre que nous ne sommes pas du tout en état de mener de telles politiques. Ces milliards « d’aide » destinés aux banques françaises, via le renflouement de la Grèce, sont dégagés au prix d’une cannibalisation du niveau de vie des populations et des infrastructures.

Que dit le rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale pour l’année 2009 ? Entre le premier trimestre 2008 et la même période en 2009, la France a perdu 480 000 emplois marchands, « soit le plus fort repli enregistré depuis 1970. » Il s’agit surtout d’une chute dramatique du travail « intérimaire », déjà par essence précaire, qui a baissé de 25% entre le premier trimestre 2008 et celui de 2009. Ce sont les jeunes de 15 à 24 ans qui ont été les premiers à subir les conséquences de cette crise : « le nombre des demandeurs d’emploi de moins de 25 ans en recherche d’emploi a augmenté de 19,8% en 2008 et de 24,7% au premier semestre 2009 ». Les jeunes sont particulièrement frappés par l’effondrement du travail intérimaire.

Dans ce contexte aggravé de crise, la précarité a fait un bond considérable. Une enquête réalisée par la Fédération bancaire française en avril 2009 montrait qu’en 2007, 3.4 % des ménages déclaraient que l’ensemble des dépenses habituelles auxquelles ils devaient faire face, « étaient très difficilement supportables ». En mars 2009, ce chiffre était passé à 8.6%. Aussi, selon la Banque de France, sur l’année 2009, les dossiers de surendettement ont bondi de 15%, pour atteindre 744 000 en septembre 2009.

Le rapport note également une augmentation importante des demandes d’aide alimentaire et financière depuis l’automne 2008. C’est surtout à partir de 2009 que les associations et organismes actifs dans la lutte conte la pauvreté se font l’écho d’une augmentation des demandes d’aides alimentaires et financières : « le bilan de la campagne 2008-2009 des Restos du cœur, a fait apparaître une hausse de 12,5% du nombre de bénéficiaires, qualifiée de "sans précédent" ». Les départements ruraux et semi-ruraux du Sud de la France étaient particulièrement concernés, avec des hausses supérieures à 20%. Une enquête pour la période mai-juin 2009, par l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCCAS), montre une forte augmentation de demandes d’aides depuis le début de la crise économique. 36,2% de ces demandes concernaient les aides alimentaires et 29,6%, les aides financières. « Par ailleurs », continue le rapport, « 20% de ces demandeurs n’auraient jamais sollicité des aides auparavant ».

Enfin, les banques alimentaires ont aussi déclaré avoir aidé 16% de personnes supplémentaires entre juin 2008 et juin 2009, des personnes définies comme « fragilisées dans leur budget qui recourent à l’aide alimentaire pour conserver leur logement ou leur voiture ».

Une petite élite de physiocrates a accaparé les richesses de la nation et préside à l’avènement d’une nouvelle féodalité de l’argent. Ne leur donnons pas un chèque en blanc !