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Quand les banquiers rachètent l’Europe

Qui se cache derrière les privatisations ?

À la faveur de la crise de la dette et des politiques d’austérité, l’Europe est en train de connaître une nouvelle vague de privatisations. De la Grèce au Royaume-Uni, des entreprises et des services publics sont cédés au secteur privé, en dépit de l’opposition des citoyens et de bénéfices douteux pour les finances publiques. Un nouveau rapport du Transnational Institute jette la lumière sur le petit monde des banquiers, auditeurs et avocats qui profitent de ces politiques privatisatrices et les encouragent activement, à Bruxelles et partout sur le continent. Un monde où les conflits d’intérêts sont la norme.

 

La crise des finances publiques aura été le point de départ d’une nouvelle vague de privatisations en Europe. Le cas le plus connu est celui de la Grèce, qui s’est vue imposer par la Troïka un programme massif et sans précédent de privatisations, touchant aussi bien des entreprises que des propriétés foncières (lire notre enquête ici, ainsi qu’ici et sur le cas particulier des projets de privatisation de l’eau). Mais d’autres pays européens se sont trouvés soumis à une pression similaire : le Portugal, Chypre, l’Irlande, certes, mais aussi l’Espagne et l’Italie (qui s’apprête à privatiser partiellement sa poste et ses chemins de fer), ou encore le Royaume-Uni, qui a privatisé en octobre 2013 sa poste, le Royal Mail.

Ainsi, bien sûr, que la France, bien que la privatisation y progresse plutôt actuellement de manière insidieuse, à travers la cession progressive des participations de l’État dans les entreprises publiques, ou des opérations ponctuelles comme la privatisation de l’aéroport de Toulouse et, bientôt, de ceux de Nice et Lyon.

Pourtant, après des décennies d’expérience de la privatisation et de ses effets réels, on devrait savoir que celle-ci délivre rarement les bienfaits annoncés pour les États ou pour les usagers (voir notre dossier). Ni bien sûr pour les travailleurs des entreprises concernées, dont les « acquis sociaux » sont souvent les cibles implicites des programmes de privatisation. En fait, c’est la justification même de la privatisation dans un contexte d’austérité budgétaire qui apparaît intrinsèquement viciée : la privatisation ne contribue pas à renflouer les finances publiques, puisque ce sont généralement les entreprises les plus profitables, sources de revenus, qui sont cédées aux investisseurs, et souvent à un prix en deçà de leur valeur réelle.

On l’a à nouveau vérifié avec les récentes privatisations européennes. En Grèce, par exemple, seuls les quatorze aéroports régionaux les plus rentables (ceux des îles touristiques) ont été « empaquetés » et cédés à un consortium allemand, tandis que les autres restaient à la charge de l’État. Systématiquement, la valeur boursière des entreprises mises en vente a explosé dans les heures qui ont suivi leur introduction en bourse : celle d’AENA, l’entreprise aéroportuaire ibérique, a augmenté de 20% le premier jour de sa cotation, soit un milliard d’euros de manque-à-gagner pour l’État espagnol. Les actions de la loterie nationale grecque ont été vendues 30% moins cher que leur valeur boursière. Celles de Royal Mail ont augmenté de 50% en quelques jours après son introduction à la Bourse de Londres…

 

« Une petite coterie de firmes juridiques et financières »

L’acharnement de la Commission européenne et du Fonds monétaire international à promouvoir la privatisation, malgré le peu de preuves de ses bienfaits, s’explique sans doute en grande partie par l’aveuglement idéologique. Alors que les traités européens prévoient une neutralité de principe entre gestion publique et gestion privée, la Commission continue à défendre sans état d’âme les politiques privatisatrices partout sur le continent. Sans hésiter à passer outre la volonté des citoyens exprimée démocratiquement, comme on l’a vu en Grèce où le gouvernement Syriza avait été élu sur un programme explicite d’opposition aux privatisations, mais a été forcé par la Commission et les grands pays européens à revenir sur ses engagements (lire notre article).

Mais cet acharnement s’explique probablement aussi par l’influence du petit milieu de banques d’affaires, de conseillers financiers et juridiques et de cabinets d’audits qui joue un rôle central, quoique mal connu du public, dans les processus de privatisation. Et qui en profite immensément. Un nouveau rapport du Transnational Institute, intitulé The Privatisating Industry in Europe (« L’industrie de la privatisation en Europe »), lève le voile sur cette « petite coterie de firmes juridiques et financières [qui] tire des profits considérables de la nouvelle vague de privatisations induite par la crise », et dont une proportion substantielle est basée au Royaume-Uni. En plus de la rémunération directe de leurs services de conseil ou d’audit, ces firmes profitent souvent de leur position privilégiée pour générer des profits supplémentaires. Pas étonnant dans ces conditions que ces firmes soient aussi des promotrices infatigables de la privatisation auprès des gouvernements et autres institutions publiques.

La Deutsche Bank, par exemple, est « un acteur important des privatisations européennes et intervient comme conseiller financier ou"‘bookrunner" [teneur de livre] de nombreuses introductions en bourse d’entreprises publiques » ; elle publie parallèlement « un rapport annuel intitulé Privatisation in the Euro Area ("La privatisation dans la zone euro"), dans lequel elle promeut activement la privatisation ». Idem pour les « Big Four », les quatre géants de la comptabilité et de l’audit Deloitte, PriceWaterhouseCoopers, KPMG et Ernst & Young (lire notre enquête), rémunérés pour auditer les entreprises avant leur mise en vente. Côté juridique, les principaux acteurs de la privatisation sont les grands cabinets d’avocats mondiaux, pour la plupart britanniques, comme Freshfields Bruckhaus Deringer, Clifford Chance, Allen & Overy et quelques autres.

 

Conflits d’intérêts systématiques

Mais les deux acteurs majeurs de l’industrie de la privatisation en Europe sont deux banques d’affaires, Rothschild et Lazard. Cette dernière, en particulier, s’est fait une spécialité du conseil aux États en difficulté financière, confrontés à un niveau d’endettement insoutenable. Un domaine d’activité qu’un ancien banquier de Lazard a décrit ainsi : « C’est un marché qui offre des taux de profit très importants… Toutes les dépenses sont payées, et il n’y a pas de capital propre en jeu. On ne peut pas faire plus avantageux ». D’autant que la banque d’affaires peut jouer sur deux tableaux : d’un côté, sa branche de conseil financier se fait rémunérer pour le suivi des processus de privatisation (moyennant une rémunération, par exemple, de 1,5 million de livres sterling dans le cas de Royal Mail) ; de l’autre, sa branche de gestion d’actifs se retrouve souvent en position privilégiée lors des introductions en bourse. Lors de la mise en vente de Royal Mail, elle figurait parmi 16 investisseurs institutionnels prioritaires, sélectionnés afin d’assurer une base d’actionnariat de long terme à l’entreprise. Ce qui ne l’a pas empêché de revendre une bonne partie de ses actions dans Royal Mail une semaine plus tard, en empochant au passage un profit de 8 millions de livres… Dans ce cas comme dans celui d’AENA en Espagne, Lazard a même été accusée d’avoir délibérément fait sous-évaluer la valeur des entreprises mises en vente pour mieux en profiter de l’autre côté – ce que la banque, bien entendu, nie, en assurant maintenir une barrière étanche entre ses deux branches.

Lire la suite de l’article sur mondialisation.ca

Affaiblir pour racheter, voir sur E&R :

 






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8 Commentaires

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  • #1421923
    Le 17 mars 2016 à 09:57 par vigile
    Quand les banquiers rachètent l’europe

    La raison inavouable de toutes ces privatisations-braderies, ce sont les retro-commissions versées dans les paradis fiscaux .

     

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    • #1422030
      Le Mars 2016 à 11:54 par calal
      Quand les banquiers rachètent l’europe

      surtout amha transformer tous ces credits virtuels en titres de propriete un peu plus reels.Ce qui explique aussi la mise a mort des paysans (dettes, faillites dues a manipulation des cours puis rachat des biens reels tels que terrains,animaux,materiels) ainsi que les difficultes de lindustrie du petrole de schiste aux usa ( dettes, faillite dues a manipulation des cours puis rachat des puits).
      Apres evidemment les cours vont remonter....

      Tjs controler les banquiers sinon comme dirait je sais plus qui,un pere fondateur americain je crois, nous finirons ruines par l’inflation puis par la deflation, sur la terre recues de nos ancetres.

       
  • #1421941
    Le 17 mars 2016 à 10:25 par la sableuse
    Quand les banquiers rachètent l’europe

    et ils mettent en place des baltringues qui nous font perdre du temps sur des discussions du type "travailler 35 ou 50 H pour ramasser une miettes ?".

    et les français gobent en se tirant la bourre les uns les autres pour ressembler au stereotype imposé par ces mémes banquiers .

    stereoptypes compatibles avec la servitude et la division perpetuelle =l’illusion de liberté.
    https://www.youtube.com/watch?v=SKI...

     

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  • #1421970
    Le 17 mars 2016 à 10:53 par dixi
    Quand les banquiers rachètent l’europe

    De toutes façons ,rien est fait pour agrémenter la vie du contribuable ,mais tout est mis en œuvre pour lui pourrir la vie et lui prendre son pognon .Que ce soit dans tous les domaines .
    Les règles sont simples ,il suffit de les créer .

     

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    • #1422096
      Le Mars 2016 à 13:07 par roiwik
      Quand les banquiers rachètent l’europe

      La braderie du patrimoine de la France va continuer , les nantis ont mis leur pognon dans les paradis fiscaux , reste la petite bourgeoisie et les prolos à plumer jusqu’au bout , ce qui se fait aujourd’hui avec efficacité par des fonctionnaires du fisc frustrés et haineux , pauvre France !

       
  • #1422038
    Le 17 mars 2016 à 12:01 par Voui voui Valls
    Quand les banquiers rachètent l’Europe

    Dieudo s’est trompé !

    Ce n’est pas "ce pays" ( la France ) "qu’ils sont en train de piller".

    C’est le monde !

     

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  • #1422050
    Le 17 mars 2016 à 12:14 par amejidonc
    Quand les banquiers rachètent l’Europe

    je me rappelle mon cours d’histoire-geo sur l’amerique en 4eme comme si c’etait hier, "mais qu’est-ce que ces theories de concentrations verticale et horizontale viennent foutre dans mon cours d’histoire"... c’est plus clair aujourd’hui

     

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  • #1423656
    Le 19 mars 2016 à 10:38 par anonyme
    Quand les banquiers rachètent l’Europe

    L’hélico de Draghi s’apprête a déverser des flots de cash !
    http://www.latribune.fr/economie/un...

     

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