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Qui dit mieux : les enchères kirghizes

Déchiré par ses violences intérieures, le Kirghizistan se retrouve également au centre de rivalités qui le dépassent. Mercredi, la Russie a ouvert le bal des aides financières. Le petit pays d’Asie centrale s’apprête donc à recevoir beaucoup de cadeaux... empoisonnés ?

Mercredi 7 avril, de violentes manifestations ont éclaté dans l’ensemble du Kirghizistan pour protester contre la brutalité et la corruption de l’Etat. A la fin de la journée, le gouvernement était renversé et la police avait fait 84 victimes parmi les manifestants. L’opposition a congédié le Parlement, investi le pouvoir et constitué un gouvernement provisoire avec à sa tête l’ancienne ministre des Affaires Etrangères Rosa Otounbaïeva. Le président déchu Bakiev (photo) a quitté le pays jeudi 15 avril avec sa femme et ses deux fils pour Taraz au Kazakhstan, il laisse derrière lui une lettre de démission donnant toute sa légitimité au gouvernement provisoire et écartant la menace d’une guerre civile. La communauté internationale peut désormais entamer le bal des aides financières.

Mercredi 14 avril, la Russie a annoncé son aide au Kirghizistan. Elle est le premier pays à le faire : 30 millions de dollars prêtés à un taux privilégié et 20 millions de dollars « gratis », qui doivent être employés pour l’aide à la population. Poutine a même déclaré que le volume de l’aide pourrait être encore plus important. La Russie propose également de l’aide « en nature » : 25 000 tonnes de produits pétroliers et dérivés seront dirigés vers le Kirghizistan. La ministre de l’agriculture a également ajouté que le pays pourrait recevoir jusqu’à 1 500 tonnes de céréales.

Le même jour, la présidente, alors informelle, Rosa Otounbaïeva a rencontré l’assistant du secrétaire d’Etat américain Robert Blake pour négocier la prolongation du contrat d’utilisation de la base aérienne militaire expirant à la fin du mois de juillet 2010. A la base de Manas, vont et viennent depuis et vers l’Afghanistan quelques 15 000 militaires américains et 500 tonnes de biens par mois ; en échange, l’Etat américain verse 63 millions de dollars par an au gouvernement kirghize. En réalité, la rencontre de mercredi, selon les dires de Rosa Otounbaïeva, n’a pas concerné le renouvellement du contrat mais le montant de l’aide financière qu’accorderont les Américains. La présidente a ainsi laissé entendre que le contrat serait automatiquement renouvelé, au grand dam de la Russie, irritée par le déploiement militaire américain si près de ses frontières.

La Russie, soutenant officiellement l’OTAN en Afghanistan et permettant même le transit de militaires par son territoire, peut toutefois difficilement s’opposer à ce que son voisin fasse la même chose. Mais si elle était contrariée, serait-elle être capable de diminuer le montant de son aide ? L’an dernier, alors que Bakiev évoquait une éventuelle fermeture de la base de Manas, le Kremlin s’était précipité les bras chargés de cadeaux : 450 millions de dollars et un abaissement de 180 millions de dollars de la dette kirghize envers la Russie. Lorsque Bakiev est revenu sur ses projets, la Russie a cessé d’envoyer l’argent. Cette année, le ’’chantage’’ russe perd sa force de persuasion à mesure que d’autres pays proposent leur aide financière. En effet, les Américains et les Chinois se sont déjà engagés à verser de l’argent au nouveau gouvernement pour le soutenir. Enfin, la fuite du président, organisée par la Russie, les Etats-Unis et le Kazakhstan, laisse penser que l’heure est aujourd’hui à la concertation et la coopération.