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Remise en cause dangereuse de la question prioritaire de constitutionnalité

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Article initialement publié dans l'atelier E&R

Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale veut revenir sur la question prioritaire de constitutionnalité. Pour comprendre l’enjeu, quelques explications sont utiles.

La loi est dans un système positiviste, le fruit d’une procédure. En France, cela passe par un vote du parlement, le plus souvent à la suite de l’initiative du gouvernement.

Historiquement, en France, la tendance est au légicentrisme, c’est à dire, à penser que la loi est la norme suprême, car issu de la volonté générale.

Or, il faut bien l’avouer, la loi n’est que symboliquement le fruit de la volonté générale, en réalité, elle n’est que le résultat de la volonté des législateurs, les députés et sénateurs, et, le fait majoritaire jouant, en réalité, c’est surtout la volonté du gouvernement qui s’impose.

Le système électoral permettant la désignation de ce gouvernement n’est pas des plus fidèle à la réalité. Des trois pratiqués en Europe, scrutin majoritaire à un tour en Grande-Bretagne, scrutin majoritaire à deux tours en France, et scrutin proportionnel partout ailleurs, le nôtre est sans doute le plus déformant par rapport au rapport de force réel entre les partis au sein de la population.

Il existe un barrière pour que le gouvernement n’abuse pas trop du chèque en blanc qui lui est fourni par ce système électoral, c’est le contrôle de constitutionnalité. Certes, et c’est là encore une exception française, le conseil constitutionnel est très critiquable quant à son mode de recrutement. Mais, il permet de limiter les excès.

Au Etats-Unis, n’importe quel juge peut contrôler la constitutionnalité d’une loi depuis l’arrêt Marbury contre Madison. Cela rend, pour les citoyens, la possibilité de s’opposer au gouvernement devenant autoritaire, relativement facile.

En Espagne, le contrôle de constitutionnalité dit Amparo, existe depuis le XVème siècle en ce qui concerne le royaume d’Aragon.

En Autriche, au début du XXème siècle, Hans Kelsen a théorisé le contrôle de constitutionnalité, a priori, centralisé, par voie d’action, de norme à norme.

Ce modèle a essaimé partout en Europe, sauf en Grande-Bretagne où il n’existe pas de constitution formelle et aux Pays-Bas, où lui est préféré le contrôle par rapport aux normes internationales, les traités signés par le Pays.

En France, il a fallu attendre 1958 pour que soit créé un timide conseil constitutionnel. Mais le contrôle dit a priori, s’il n’est pas opéré, peut laisser dans l’ordre juridique interne une loi inconstitutionnelle.

C’est enfin en 2008, qu’une réforme instaurant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a enfin permis à partir de 2010, de faire contrôler, via une procédure complexe par rapport à ce qui existe ailleurs, les lois déjà en vigueur, susceptibles d’être inconstitutionnelles. C’est juridiquement un des rares progrès de la présidence Sarkozy.

Il n’a pas fallu attendre trop longtemps pour que soit attaquée la question prioritaire de constitutionnalité.

Jean-Jacques Urvoas, en affirmant que certaines QPC pourraient n’être que des manœuvres dilatoires, oublie simplement que c’est le seul moyen pour le citoyen d’empêcher qu’un parti, en position hégémonique, tout en n’en ayant pas la légitimité démocratique puisse adopter n’importe quelle loi inconstitutionnelle.

 






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