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TISA, l’accord de libéralisation des services, pourrait entrer en vigueur dès 2015

Le Trade in Services Agreement (TISA), un accord sur la libéralisation du commerce des services, négocié secrètement dans le dos des peuples, pourrait être mis en application dès 2015.

Il s’agit d’un autre accord transatlantique, discuté dans l’opacité la plus totale, qui engagerait un chantier de libéralisation accrue, pour ne pas dire intégrale, du commerce mondial des services. En résumé : la fin du service public. En effet, tout est sur la table : santé, éducation, services financiers, transport, etc., dans ces négociations qui ont été engagées dans le plus grand secret, il y a deux ans, dans les locaux de l’ambassade d’Australie à Genève. Si le TISA devrait entrer en application en 2015, les propositions lors des négociations sont toutefois classées confidentielles pendant « cinq années à dater de l’entrée en vigueur du TISA ou, si aucun accord n’est trouvé, cinq années après la clôture des négociations ».

 

Une fuite Wikileaks

« Ce document doit être protégé contre toute divulgation non-autorisée, mais peut être envoyé par la poste ou transmis par courriel ou par télécopieur non-classés, discuté sur des lignes téléphoniques non-garanties, et stockées sur des systèmes informatiques non-classés. Il doit être stocké dans un bâtiment, une salle ou un conteneur verrouillé ou sécurisé. »

Ces quelques lignes que l’on croirait sorties d’un film d’espionnage introduisent un texte sur la libéralisation des services financier discuté à Genève le 14 avril 2014 dans le cadre des négociations d’un accord top secret, le Trade in Services Agreement (TISA) ou, en bon français, l’Accord sur le commerce des services. Le but ? Ouvrir encore davantage les services à la concurrence internationale et empêcher toute intervention publique. Bref, s’il voyait le jour, le TISA aboutirait à la fin des services publics dans tous les domaines : éducation, énergie, santé, eau, transports, assurances, télécommunication, banque, services financiers, etc. C’est Wikileaks qui rendait public le 19 juin ce document de travail qui ne concerne qu’un des chapitres du TISA, celui consacré aux services financiers (dans lesquels sont compris les régimes publics de sécurité sociale ou de retraites). On y apprend d’emblée que les populations ne doivent être informées de l’existence de l’accord que cinq ans après le début de sa mise en application. La lecture du document révèle un lobbying intense pour limiter le plus possible le pouvoir des gouvernements à légiférer sur les transactions financières internationales. Pour ce qui est des produits financiers dits « innovants », le texte plaide pour les autoriser et même les encourager. Ainsi le TISA propose-t-il tout simplement l’abandon des quelques velléités de régulation héritées de la crise de 2008. Comme le TAFTA, le TISA repose sur le principe de « coordination », qui interdit d’imposer une régulation qui porterait tort à l’un des signataires. En clair, une dérégulation systématique et généralisée.

 

Passer outre les pesanteurs de l’OMC

Tout commence à la mi-2011. Le cycle de Doha, lancé en 2001 sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce pour un Accord global sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre d’une « libéralisation du commerce international », bat sévèrement de l’aile. Comme les négociations de libéralisation multilatérales incluant tous les États se heurtent à l’opposition des pays du tiers-monde, la Coalition of Service Industries des États-Unis ainsi que l’Australie prennent l’initiative de relancer secrètement les négociations à quelques rues seulement de l’OMC, à l’ambassade d’Australie. Les participants sont l’Union européenne, les États-Unis et 21 autres états : l’Australie, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, Taïwan, Hong Kong, l’Islande, Israël, le Japon, la Corée, le Liechtenstein, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Pakistan, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la Suisse et la Turquie.

Les « très bons amis des services », comme ils se baptisent eux-mêmes, espèrent ainsi trouver leur propre consensus, pour ensuite revenir à la table des négociations de l’OMC et ainsi placer les autres pays devant le fait accompli. Début 2013, les négociations commencent. Le Congrès américain en est officiellement informé et le 4 juillet 2013, le Parlement européen accorde un mandat de négociation à la Commission par 526 voix pour et 111 contre. Depuis lors, peu d’éléments ont fuité sur le contenu des négociations et seuls quelques pays ont publié leurs propositions (Suisse, Norvège et Islande).

 

Le rouleau compresseur impérial à l’assaut des services publics

Toutefois, une note de la Chambre de Commerce des États-Unis datée du 7 février 2014 donne une idée assez précise de ce qui se joue dans l’ombre :

« Le TISA devrait élargir l’accès aux marchés étrangers pour les industries de services des États-Unis […] Il devrait également lever les barrières sectorielles des gouvernements étrangers sur les investissements dans les services. En outre, le TISA devrait chercher à éliminer les incohérences réglementaires qui parfois s’avèrent être des barrières commerciales. Il faudrait encourager les partenaires commerciaux des États-Unis à suivre les principes qui sous-tendent le droit administratif des États-Unis […] Enfin, le TISA devrait comprendre des règles pour que les entreprises privées ne soient pas désavantagées quand elles sont en concurrence avec des entreprises publiques et d’autres champions nationaux. […] Les bénéfices du TISA pourraient être énormes. L’élimination des obstacles au commerce des services pourrait stimuler les exportations de services des États-Unis de plus de 860 milliards de dollars supplémentaires par rapport au record de 2012, 632 milliards de dollars, soit 1 400 milliards de dollars […] Alors que les négociations TISA basées à Genève sont menées par des ambassadeurs auprès de l’OMC, le TISA n’est pas un accord de l’OMC dont les bénéfices seront partagés avec les 159 membres de l’OMC. En fait, ses avantages ne seront étendus que pour les pays qui s’engagent à ouvrir leurs propres marchés, ce qui évite le problème du « passager clandestin » qui sévit dans les négociations à l’OMC. Le TISA ne devrait pas faire les gros titres de sitôt […]. La Chambre s’est engagée à travailler en étroite collaboration avec les négociateurs américains, les gouvernements étrangers, et le Congrès pour faire pression pour un accord solide […] Recommandations de chambre : le TISA représente une occasion unique pour faire tomber les barrières au commerce international des services, un secteur au fort potentiel pour l’économie américaine. […] Le TISA devrait promouvoir la coopération réglementaire, interdire les mesures de « localisation forcée », sauvegarder les flux transfrontalier de données data, et assurer les conditions de concurrence équitables pour les entreprises privées quand elles sont en concurrence avec des entreprises publiques. »

On comprend dés lors qu’il s’agit d’un accord de libre-échange cheval de Troie des industries de service étasuniennes, qui mettrait à bas toutes les formes de protectionnisme, toute préférence nationale sur les marchés publics réservés. Soit l’ouverture d’un marché mondial des services, totalement dérégulé, où les États n’ont plus leur mot à dire, marché sur lequel l’Oncle Sam compte se tailler la part du lion. D’ailleurs la Chine, qui pourrait être un concurrent sérieux dans le secteur, soutenue par la Commission européenne, a demandé à participer aux négociations. Une demande de participation que les États-Unis ont bloquée.

 

Un lobbying féroce

Le principal lobby étasunien dans cette affaire, la Coalition of Service Industries expliquait dés le 23 février 2013, dans une réponse à l’Office of the United States Trade Representative’s (USTR) à propos de l’accord TISA, que « la concurrence déloyale de la part d’entreprises subventionnées ou soutenues par les États, ou d’entreprises publiques ou contrôlées par les États, devient un obstacle de plus en plus important à la fourniture de service par des entreprises étasuniennes sur de nombreux marchés […] Aucun pays ne devrait être autorisé à […] introduire de nouvelles restrictions ou des exceptions, qui dérogent ou affaiblissent les engagements existants de l’AGCS. » Les grosses firmes étasuniennes comme Paypal et Visa, dont l’influence est essentielle sur la question des données des clients, exercent un lobbying très actif. Par ailleurs, un lobby américain, Team Tisa, s’est structuré, regroupant Citigroup, IBM, Liberty Mutual , MetLife, UPS et Walmart. Team Tisa dénonce « la compétition déloyale des entreprises publiques » et « la propriété locale obligatoire ». En France, ce sont Veolia Environnement et Orange qui accompagnent le Medef dans les négociations. Lors du Round de négociations d’avril 2014, la Global Services Coalition a envoyé une délégation et s’est félicitée dans un communiqué de n’avoir rien à redire au processus engagé par les négociateurs.

Illustration : Peter Allgeier, président de la Coalition of Services Industries.

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11 Commentaires

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  • #962696
    Le 11 septembre 2014 à 16:23 par Béret Vert Marius / Solidarité à Norbert Jacquet
    TISA, l’accord de libéralisation des services, pourrait entrer en vigueur dès (...)

    ( Sur le même ton - et l’attitude - de voix que Georges Marchais )
    Je suis navré de le dire, mais la... c’est nous qui allons la sentir passer la quenelle,

    Exemple tout simple, j’habite à Sarcelles, dans les barres d’HLM :

    Bref, s’il voyait le jour, le TISA aboutirait à la fin des services publics dans tous les domaines : éducation, énergie, santé, eau, transports, assurances, télécommunication, banque, services financiers, etc.

    Et si jamais ceci devait arriver - que Dieu nous en protège ! - , en moins de 1 semaine je ne sais pas ce qui risque de rester de la ville...

    Péril.

    Béret Vert Marius ( Pseudonyme Uniquement )
    Vous Perdez déjà du Temps !

     

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  • Une puissance dominante (aujourd’hui les USA) cherche toujours a imposer le libre-échange, parbleu, pour coloniser économiquement les "petits" . Au 19 ème, le grand pays libre-échangiste c’était l’Angleterre, et les USA n’ont pu construire leur puissante industrie qu’à l’abri de très hautes barrières douanières .

     

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  • Dans une démocratie rien ne peut être décidé secrètement donc sans débat publique et donc sans vote ! Dés lors tout accord secret ne peut être considéré comme existant puisque non entériné par le parlement ni par aucun pouvoir législatif ou encore par référendum . On pourrait croire que ce sont des "parrains" de diverses mafias qui gèrent "à l’insu de notre plein gré"notre vie et avenir ! Je me trompe !? Ou encore est ce que des Barroso, Van Rompuy ou Junckers seraient mandatés par des richissimes lobbys pour tirer dans le dos de nos démocraties ?

     

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  • le tisa, le tafta etc... un jour aux infos de 20h on nous dira que tout a été adopté alors que personne n’y connaît quoique ce soit ni comprend rien non plus , on nous expliquera les 3/4 mesures censées améliorer les échanges commerciaux, puis voilà terminé et ensuite on en ressentira les effets partout et tout le temps pendant très très longtemps mais ça sera trop tard

     

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  • Si MLP, n’accède pas au pouvoir en 2017 ou en 2022 et comme elle le propose , mettre un frein à toute ces saloperies , alors il faudra se bouger ,ou bien assister tristement à ce carnage,ce qui me déprime rien qu’a y penser .

     

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    • MLP ne fera rien de plus que les autres, dans le cas où elle accèderait au pouvoir en France.
      Les directives européennes prenant le pas sur les gouvernements nationaux dans 3/4 des décisions environ, il faut l’unanimité pour les changer, autant dire mission impossible.
      La seule solution consiste à sortir la France de l’Europe (article 50), ainsi que de l’OTAN, dirigé pratiquement par les USA, auxquels nous avons remis notre force nucléaire, qui reste un argument important, associé à un courage et à un amour du pays, qui ont disparu chez les dirigeants.

       
    • Le Front National est le seul parti, avec l’UPR bien évidemment (mais qui lui n’a pas la moindre chance d’accéder un jour au pouvoir), à avoir soulevé l’éventualité d’une saisie de l’article 50 et d’une sortie du commandement de l’OTAN.
      Ce dont on peut être certain, c’est qu’on ne peut pas compter sur l’UMPS, ni sur les verts, ni sur le centre, ni sur les partis d’extrême-gauche qui sont farouchement attachés à l’UE et à l’euro.

      Ceux qui disent "oui mais il y a un risque que le FN ne change rien une fois arrivé au pouvoir", je leur réponds oui il y a un risque, mais avec l’UMPS, c’est pas un risque, c’est une certitude.
      Les choses s’accélèrent, il nous reste peu de temps devant nous avant que tout soit verrouillé, le coup de frein, il va falloir le donner à brève échéance.
      Le FN est notre seule chance. Notre dernière chance.
      Se résigner d’avance, c’est capituler.
      En 2022 il sera déjà trop tard.

       
    • Tout à fait d’accord avec le commentaire précedent : arrêtons de dire que peut être Marine ne fera rien une fois élue ! Il faut essayer et ne plus se cacher car ça devient du sérieux, vous n’avez pas vu ce que l’UMPS a fait ? Et vous voudriez continuer sans rien tenter d’autre ? Pas moi désolé ... Je suis peut être faible/naïf mais je crois que ce que je vois et EUX je les ai déjà trop vu !

       
  • L’enfer pour tous, le paradis pour une minorité d’enculés !
    Si on ne veux pas revenir au 19ème siècle (conditions de vie très dure pour le plus grand nombre), il va falloir que les peuples se reveillent.

     

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  • Bon sang mais, quand allons-nous tous nous lever d’une seule voix et empêcher tous ces crevards de nuire ? Nos politiciens, surtout ceux qui ont pu "gouverner" (remarquez bien les guillemets !), ne vont pas me faire croire qu’ils ne sont pas au courant.
    Comment appelle t-on ces gens-là déjà ? Ah oui, des traîtres ! Alors, je ne mesure peut-être pas l’ampleur du désastre et de la trahison, en revanche j’ai une haute idée comment les traîtres sont mis hors d’état de nuire !

    Je dis ça mais, moi-même ne connais pas la solution efficace afin que nous ayons le poids nécessaire pour les neutraliser, sinon colporter ces informations à qui semble réceptif. Pour les autres, j’ai déjà testé, ils me prennent et me rangent définitivement dans la catégorie des allumés avec certaines idées trop alarmistes ou complètement faussées alors, autant ne rien leur dire pour avoir la chance, un jour, de les convaincre...

    Tout ça me navre tant c’est une évidence...

     

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