Egalité et Réconciliation
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Un paysan français se suicide chaque jour

Plusieurs milliers d’agriculteurs, en majorité des céréaliers, arrivent ce mardi à Paris, juchés sur près de 1.300 tracteurs, pour manifester dans la capitale contre la baisse de leurs revenus.

Les premiers tracteurs sont entrés dans Paris, par la porte de Vincennes, dans l’est de la capitale. Plusieurs centaines d’agriculteurs se trouvaient par ailleurs place de la République, en majorité des céréaliers, sur le trajet prévu de la manifestation.

Ce mardi matin, les agriculteurs sont à nouveau dans la rue. Cette fois-ci, c’est au tour des céréaliers de manifester leur mécontentement. Cinq mille d’entre eux, venus de plus d’une dizaine de régions françaises, défilent accompagnés d’un millier de tracteurs depuis Nation, point de ralliement, jusqu’à Bastille. Même ceux qui ne sont pas, pourtant, les plus à plaindre au regard du revenu moyen ont du mal à boucler les fins de mois. Ce sont désormais toutes les productions qui broient du noir, surtout après ces deux dernières années où les revenus des paysans ont baissé de plus de la moitié.

Ne supportant plus la pression des fournisseurs ou celle de leur banquier, les paysans, pour échapper à leur enfer quotidien, commettent parfois l’irréparable. Comme ce producteur de céréales de 55 ans qui s’est donné la mort la semaine dernière en Dordogne. Rien qu’en Basse-Normandie, la MSA (Mutualité sociale agricole) a recensé neuf décès d’agriculteur par suicide sur les trois premiers mois de 2010.

Malheureusement le sujet reste tabou et la MSA dit ne pas consolider ces données au niveau national. Seul le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, le Cepidc, dépendant de l’Inserm, recense officiellement les statistiques dans ce domaine mais avec plus de trois ans de décalage et seulement dans la tranche d’âge 25-59 ans.

« Depuis les dernières données disponibles en 2005 auprès du Cepidc, où 150 hommes et 20 femmes se sont donné la mort, nous constatons dans les différentes régions une nette augmentation des suicides », explique Dominique Jacques-Jouvenot, professeur en sociologie rurale à l’université de Franche-Comté et co­auteur d’un ouvrage avec Jean-Jacques Laplante sur le malaise paysan, Les Maux de la terre.

Seule certitude : les agri­culteurs se suicident plus que les autres professions. « Le taux de suicide des agriculteurs exploitants est le plus élevé des catégories socio­professionnelles, à 32 pour 100 000, contre 28 pour 100 000 chez les ouvriers et 8 pour 100 000 pour les professions intellectuelles supérieures », indique un porte-parole du Cepidc. De son côté, l’Apli (Association des producteurs de lait indépendants) avance le chiffre de 800 suicidés en 2009 mais, d’après les recoupements et l’avis des spécialistes, le chiffre d’environ 400 suicidés, soit en moyenne plus d’un par jour, est plus proche de la réalité.

À chaque fois les raisons de ces actes désespérés sont multiples. « La difficulté de se projeter dans l’avenir, les questions de la transmission et la rupture de la tradition agricole familiale depuis plusieurs ­générations sont des facteurs très traumatisants pour les agriculteurs », explique Jean-Jacques Laplante, médecin conseiller à la MSA qui a effectué une étude en profondeur sur le malaise des paysans de 1999 à 2005, auprès de 600 exploitations. « Stress, charge de travail, absence de loisirs, paperasserie de plus en plus importante sans avoir la possibilité de dégager de revenus ni de loisirs » sont autant d’éléments à prendre en compte dans le malaise des paysans.

Pour enrayer ce phénomène, l’État a confié à la MSA la prévention du risque professionnel dans les exploitations agricoles. Les actions pour prévenir le suicide sont de plus en plus nombreuses dans les cantons avec la mise en place des groupes de prévention pour accueillir et écouter les personnes confrontées à ce problème ainsi qu’un numéro vert d’assistance, comme en Picardie.