Egalité et Réconciliation
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A propos d’Hervé Juvin et de sa vidéo sur la déconstruction européenne

L’un de nos lecteurs nous a interrogé sur la vidéo de M. Hervé Juvin, intitulée « la déconstruction européenne », mise en ligne le 18 juin 2010, et visible sur DailyMotion.

Cette question et cette vidéo nous offrent une très bonne occasion de préciser notre point de vue sur ce monsieur et sur ses analyses, qui représente, à notre sens, le nec plus ultra de la propagande européiste savamment rusée.

Nous nous livrons ci-dessous à un décryptage minutieux de cette vidéo, décryptage qui s’étale sur deux longs posts à la suite.


1°) Qui est M. Hervé Juvin ?

Diplômé de Sciences-Po, ancien collaborateur de Raymond Barre, M. Juvin a créé un cabinet de « conseil en organisation et management », dont il est le président, et qu’il a appelé "Eurogroup Institute".

Le choix de ce nom et le choix de la langue anglaise pour nommer la société qu’il a lui-même créée témoigne d’emblée de ses inclinations et de ses objectifs. Intégrée à l’ensemble Eurogroup Consulting, la société de M. Juvin, Eurogroup Institute, déclare avoir pour métier « d’intervenir auprès de sociétés françaises et européennes » pour « l’expression et la consolidation de leur identité et de leur positionnement sur leurs marchés notamment en période d’incertitude et de crise » (cf. détails sur http://www.eurogroup.fr/). La vidéo que vous nous citez et qui circule sur le web n’a donc pas seulement un objectif d’information du public mais des visées publicitaires et promotionnelles pour les activités marchandes que M. Juvin exerce par ailleurs.

Du reste, M. Juvin, qui est aussi un écrivain prolixe et touche à tout, produisant à cadence élevée des ouvrages européistes qui surfent sur l’air du temps, n’hésite pas à promouvoir commercialement ses ouvrages sur le site de Eurogroup Institute, même ceux qui n’ont aucun rapport avec le métier de la société. Il a ainsi écrit, entre autres :

- Stratégies pour l’Euro, à l’usage des entreprises et des gagnants de l’Europe unie [sic] (Éditions Les Djinns, 1998), ouvrage très favorable à la monnaie unique. Comme le présente son éditeur, « Stratégies pour l’euro répond à une préoccupation essentielle de tous les dirigeants d’entreprise : se préparer pour gagner ». http://www.amazon.fr/Strat%C3%A9gie...

- La France face à l’Europe sociale, regards sur une Constitution sans nom (Éditions Les Djinns, 1999), ouvrage qui appelle au démantèlement de nos acquis sociaux. Cet ouvrage a d’ailleurs logiquement valu à M. Juvin un satisfecit du magazine L’Expansion (où M. Juvin exerce par ailleurs ses talents de rédacteur) dans ces termes :

« Les syndicats français confrontés à l’Europe sociale. La nouvelle donne économique et l’émiettement syndical démontrent, selon [l’ouvrage d’Hervé Juvin] qu’il faut revoir notre modèle social. […] Dans une démonstration d’une grande clarté, ce consultant, spécialiste des questions sociales, explique comment le bouleversement des règles du jeu économique impose de bâtir d’urgence un nouveau contrat social. L’Europe s’est en effet dotée d’une nouvelle " Constitution ", la stabilité des prix, qui soumet les entreprises du secteur concurrentiel à une telle pression sur leurs tarifs qu’elles ne peuvent plus procéder à des hausses de salaires importantes et générales comme par le passé. Le salaire n’est plus qu’un élément parmi d’autres de la rémunération du travail. Certains salariés choisiront de négocier un aménagement de leurs horaires de travail, d’autres, des congés supplémentaires, des périodes de formation, des primes...Mais les intermédiaires sociaux n’ont absolument pas pris la mesure de ces évolutions. " Le champ du social s’est rétréci pour ne plus couvrir que ce qui reste de l’industrie, et pour se concentrer sur les plus protégés des salariés protégés ", accuse Hervé Juvin. Partout en Europe, les syndicats sont affaiblis, parce qu’ils se crispent sur la défense d’une société salariale qui n’est plus la réalité et qu’ils se montrent réticents à accompagner le changement de l’économie, de l’emploi et du travail ». – Commentaire de Laurence Ville pour l’Expansion http://www.amazon.fr/gp/aw/d.html?r...

On notera ainsi que M. Juvin se prononce pour une remise en cause des acquis sociaux au nom du « bouleversement des règles du jeu économique » qu’il constate, mais son analyse ne s’interroge ni sur les origines politiques dudit bouleversement ni sur son bien-fondé.

- L’Avènement du corps (Gallimard, 2006), ouvrage fort éloigné de son métier, dans lequel il explique à ses lecteurs que « c’est à une nouvelle centralité sociale, économique et politique que renvoie l’avènement du corps. Il réinvente le pouvoir, la transmission, l’argent. Sans doute vivons-nous l’émergence d’une nouvelle condition humaine. Après l’avènement du corps, jamais plus être homme et femme, mère ou père, amant et amante n’auront le même sens ». (cf. la promotion commerciale qu’il en fait sur le site http://www.eurogroup.fr/ )

- Produire le Monde, pour une croissance écologique (Gallimard, 2008), ouvrage surfant sur la mode écologiste, également bien éloigné du métier de M. Juvin, dans lequel il explique à ses lecteurs qu’il « va falloir se mettre à produire, à brève échéance, l’ensemble des biens considérés comme "naturels", y compris l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. Mais cette contrainte représente un formidable levier de croissance. Nous sommes devant une "nouvelle révolution industrielle" dont l’enjeu n’est autre que de produire le monde ». http://www.decitre.fr/livres/Produi... Ainsi, derrière l’écologiste de façade pointe, là encore, l’homme d’affaires qui veut faire de l’argent.

M. Juvin ne limite pas ses activités à ses fonctions de président de Eurogoup Institute et à la rédaction de ses essais. Il est aussi vice-président du groupe Agipi - "Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Investissement" -, première association française d’épargne-retraite regroupant 445.000 épargnants et gérant plus de 12,3 Md € d’épargne, et partenaire du très grand groupe d’assurances AXA. http://www.agipi.com/wp-content/upl...

Il n’est pas inutile de rappeler ici que le groupe AXA est présidé par M. Henri de Castries, participant régulier aux réunions du Bilderberg (en 2008, et en 2010) http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_...

Si M. Juvin a été nommé vice-président de cette association d’épargne-retraite qui n’est que le faux nez d’AXA, il faut en déduire que ses prises de position politiques par ailleurs ne sont pas pour déplaire profondément, ni à M. de Castries, ni aux élites du Bilderberg.

Enfin, M. Juvin est chroniqueur régulier au journal Le Monde et rédacteur pour L’Expansion, l’AGEFI, AGIR et Enjeux/Les Echos. http://fr.wikipedia.org/wiki/Herv%C...

Ce qui signifie que M. Juvin a table ouverte dans ce que la France compte de médias les plus européistes et les plus atlantistes qui soient. Une nouvelle preuve que les analyses de M. Juvin ne doivent pas être considérées comme embarrassantes en haut lieu.

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En résumé, M. Juvin est un homme d’affaires européiste dont le premier souci est de faire de l’argent, à titre professionnel comme à titre personnel, et qui a colonnes ouvertes dans les plus grands medias français européistes.

Sa personnalité ayant ainsi été précisée, attachons-nous maintenant à examiner en détail son analyse de la situation européenne, telle qu’elle ressort de la vidéo sur laquelle vous avez attiré notre attention. De prime abord, un internaute qui écoute ce document rapidement peut avoir l’impression que l’analyse de M. Juvin est intéressante et novatrice et qu’il pointe de façon pertinente des ferments d’explosion de la construction européenne.

Mais la réalité est bien différente si l’on y regarde de plus près :


2°) M. Juvin prend un grand soin, dès les premières 75 secondes de l’entretien, à faire passer le message que les problèmes économiques et financiers seraient en voie de guérison, et cela sans avancer le moindre argument.

Tout en lisant un papier du coin de l’œil, M. Juvin souligne, dès la 20ème seconde, que « la dégradation de la situation bancaire semble s’améliorer en ce début de semaine du 15 juin ». À la 52ème seconde, il affirme qu’on « peut voir que toutes les maisons sans exception, banques, sociétés d’assurances, sociétés de gestion de portefeuille, travaillent actuellement sur des scénario de sortie de l’euro », - affirmation sensationnelle et d’ailleurs dénuée de preuves - mais c’est aussitôt pour conclure sans autre forme de procès, à 1min 08s, que « la déconstruction européenne est en route, elle est violente, elle est rapide, mais le pire n’est-il pas déjà derrière nous ? »

Cette entrée en matière appelle trois commentaires de notre part :

a) le vocabulaire employé par M. Juvin révèle sa pensée profonde : il juge que sortir de l’euro et la « déconstruction européenne » ne sont pas des choses désirables, bien au contraire, puisqu’il se veut rassurant en affirmant sur ces sujets que « le pire » est peut-être déjà « derrière nous ». D’un point de vue politique et économique, M. Juvin se positionne donc à l’inverse exact de l’UPR.

b) par ailleurs, lorsque M. Juvin s’exprime de la sorte (la vidéo a été mise en ligne le 18 juin), l’indice des actions françaises à la Bourse de Paris (CAC40) s’établissait autour de 3700 points. Or cet indice s’est effondré de façon spectaculaire pour tomber à 3340 points au 6 juillet, soit une chute de l’ordre de -10% en 3 semaines. Depuis lors, cet indice fait du yo-yo, montant et descendant, et la cotation de clôture du vendredi 16 juillet s’est établie à 3500, soit -6,4% par rapport à la date où s’exprime M. Juvin. http://www.abcbourse.com/graphes/eo...

Depuis un mois que la vidéo est en ligne, les événements se sont donc chargés de démentir de façon cinglante l’affirmation de M. Juvin, qui ne reposait d’ailleurs sur aucun argument, selon laquelle la situation économique et financière s’améliorerait.

c) Il est étonnant de voir à quel point M. Juvin élude toute réflexion de fond sur les problèmes de l’euro et de l’économie européenne. Pour un homme qui se pique d’inviter ses concitoyens à examiner les événements sur long terme, le moins que l’on puisse dire est que ses prophéties rassurantes sur l’économie sont d’ultra court terme et ultra fausses.

Nos lecteurs compareront avec profit la pseudo analyse de M. Juvin à celle de François Asselineau dans sa conférence sur la sortie de l’euro, prononcée le même jour 18 juin à Vitry (dont la captation fait actuellement l’objet d’un montage et sera mise en ligne à la rentrée de septembre).

M. Juvin ne corrèle les problèmes de l’euro qu’aux seuls trucages statistiques des comptes publics grecs, alors que ceux-ci ne sont qu’un épiphénomène.

M. Asselineau, quant à lui, souligne que TOUTES les monnaies plurinationales de l’histoire ont TOUJOURS explosé, et explique que l’euro est condamné de façon certaine à exploser pour deux motifs structurels :

- d’une part la zone euro sera incapable durablement de résister à des « chocs asymétriques » (cf. la théorie des zones monétaires optimales de Robert Mundell, Prix Nobel d’économie)

- d’autre part l’euro provoque une migration continuelle et croissante des créances des pays en quasi faillite de la zone euro vers la Bundesbsank

La comparaison des deux analyses sur l’euro montre que celle de M. Juvin se situe dans la droite ligne de celles des élites politico-financières du monde occidental : il refuse de voir dans les problèmes de l’euro autre chose qu’un petit accident conjoncturel ayant trait à la situation financière de quelques États et il affirme sans aucune preuve que « le pire est derrière nous ».

Même si M. Juvin a la rouerie de piquer la curiosité des internautes en formulant des mises en garde peu courantes, ses conclusions sont exactement conformes à ce qu’attend le système qui pilote l’euro et la construction européenne. Il apparaît ainsi comme un leurre qui « roule » en réalité pour la sphère économique, dont il est d’ailleurs l’employé (par le groupe AXA)


3°) - M. Juvin pointe ensuite la « dépression démographique » et l’immigration en provenance des pays du sud comme des facteurs externes de déstabilisation de l’Europe, sans évoquer le rôle central joué depuis des années par la construction européenne elle-même dans ces domaines.

- Tout d’abord M. Juvin ne tire aucune conclusion pratique de la faiblesse démographique de l’Europe qu’il décrit, certes avec justesse, mais avec une sorte de joie maligne. Il ne s’interroge pas sur les raisons de cette faiblesse (la crainte de l’avenir et la dictature rampante que la construction européenne a instaurées partout n’y seraient-elles pas par hasard pour quelque chose, M. Juvin ?) et il ne propose aucun remède. Son assertion ne vise donc qu’à faire peur à son auditoire.

- M. Juvin « oublie » ensuite de préciser que les grandes orientations de la politique migratoire sont du ressort de l’Union européenne depuis de nombreuses années (Convention Schengen de 1985 et traité d’Amsterdam de 1997). Puisqu’il pointe du doigt l’immigration incontrôlée, il devrait aussi pointer du doigt la responsabilité de l’Europe en la matière et il devrait donc logiquement proposer de rétablir des frontières nationales à l’intérieur de l’Europe, ce qui reviendrait à dénoncer le traité d’Amsterdam. Le propose-t-il ? Non.

M. Juvin « oublie » également de préciser que la politique OFFICIELLE de l’Union européenne consiste à favoriser une immigration dite « choisie ». La Commission européenne a par exemple créé une « carte bleue » – copie conforme de la « carte verte » américaine - pour accroître l’immigration de gens qualifiés venus des pays du sud, façon spécialement scandaleuse d’aller piller la richesse humaine dans les pays en développement. Pourquoi M. Juvin ne s’émeut-il pas de ce marché aux esclaves « new look » ?

- En lançant que « l’Europe est en train de devenir la colonie de ses colonies », M. Juvin reprend par ailleurs à son compte une phraséologie d’extrême droite, qui porte en elle un climat de guerre civile potentiel.

D’une part, M. Juvin présente les immigrés comme une masse indifférenciée et menaçante alors que la réalité est d’abord une immigration très diverse et une intégration rapide, quoi qu’on en dise, de la très grande majorité des immigrés dans les sociétés d’accueil. M. Juvin réfléchit-il un instant à ce que peuvent penser les jeunes (et les moins jeunes) Français d’origine immigrée, nos concitoyens dont d’ailleurs certains ont déjà rejoint l’UPR, devant un discours qui tend à les stigmatiser comme un ensemble de « colonisateurs » ?

D’autre part, M. Juvin voit dans la présence massive d’immigrés parmi le prolétariat des pays occidentaux une volonté de « colonisation », mais il ne s’interroge pas sur qui détient le pouvoir dans l’Union européenne et dans les pays d’Europe. Or, si « colonisation » de la France il y a – c’est-à-dire prise de pouvoir et asservissement à un système de valeurs étranger -, il faut être de parti pris pour ne pas voir que c’est bien plus une colonisation américaine que nous subissons  : alignement complet de notre politique étrangère et militaire sur celle des Etats-Unis, vente à l’encan de tout notre patrimoine public à des fonds de pension américains, promotion permanente dans tous les médias du « rêve américain » (films, musique, chanson, mœurs, habillement, mode, etc.), invasion/submersion de la langue anglo américaine. Comme l’a dit le philosophe Michel Serres, « il y a plus d’enseignes en anglais dans les rues de Paris qu’il n’y en avait en allemand sous l’Occupation ». Que pense M. Juvin de cette « colonisation »-là ? Rien ?

Enfin, si M. Juvin regrette, comme nous, la montée en puissance du communautarisme dans la société française, il ferait mieux de s’en prendre d’abord à la construction européenne qui ne cesse de saper les États Nations et de pousser aux regroupements communautaires. Car telle est l’essence même de la Charte dite « des droits fondamentaux » adoptée le 7 décembre 2000 par l’Union européenne et officialisée par le traité de Lisbonne de 2007.

Que pense M. Juvin de la Charte des droits fondamentaux ? Encore rien ?

- en définitive, M. Juvin inscrit pile-poil son discours dans la vision du monde hautement pernicieuse et dangereuse des tenants du « Choc des civilisations ». Singeant les nouvelles élites euro-atlantistes, M. Juvin promeut et dénonce EN MEME TEMPS les deux faces de la même médaille :

a) il critique un peu, mais il soutient néanmoins, une construction européenne dont la politique a constamment consisté à favoriser une immigration massive en provenance des pays du sud, et qui entend poursuivre dans cette voie en étant simplement plus exigeante sur les niveaux de formation des immigrants, et qui pousse par ailleurs au développement du communautarisme.

b) mais dans le même temps il crie casse-cou et dénonce un projet présumé de « colonisation » en provenance des pays du sud.

En promouvant l’immigration en Europe tout en la dénonçant, ce discours délibérément ambivalent et contradictoire est exactement celui des élites actuelles : il permet d’embrouiller les esprits et de focaliser l’attention des électeurs sur des débats polémiques, évitant ainsi que le débat public ne se porte sur le vol de souveraineté et la dictature qui se met en place sous couvert de « construction européenne ».

Ce discours permet en outre de désigner un « ennemi de l’intérieur » aux contours indéfinis, d’affirmer l’existence d’une « menace terroriste » omniprésente, et sert ainsi de justification à l’alignement diplomatique et militaire complet de la France et de l’Europe sur les Etats-Unis d’Amérique via l’OTAN, de même que la mise en place d’un système de surveillance sociétal jamais atteint auparavant dans les sociétés occidentales.

Derrière le propos pseudo-iconoclaste de M. Juvin se profilent les milliers de soldats français actuellement présents sans aucune raison valable en Afghanistan, et les dizaines de milliers de caméras de surveillance qui envahissent chaque année un peu plus notre espace public.


4°) Poursuivant son propos, M. Juvin en vient ensuite à parler du « réveil des régionalismes » comme menace contre l’Europe, en occultant, comme précédemment pour l’immigration, le rôle essentiel joué par la construction européenne dans ce « réveil ».

M. Juvin attribue ainsi la « déconstruction politique de l’Europe » au réveil de « ce que l’on avait cru oublier depuis au moins un demi-siècle, la revendication régionaliste » et cite ce risque comme étant « beaucoup plus important que les risques économiques ».

Cette affirmation, encore une fois péremptoire, est doublement contestable :

- d’une part, s’il est exact que la revendication régionaliste met en péril la survie même de la Belgique, il est non moins vrai que ce risque est bien moindre que le risque économique pour un pays comme la France. Les politiques ultra-libérales imposées par la construction européenne, en parfaite connivence avec les Américains depuis des décennies (cf. là encore les conférences de M. Asselineau), sont en train de ruiner notre pays, du fait d’une désindustrialisation galopante. La France perd actuellement plusieurs milliers d’emplois industriels chaque mois, ce qui représente une perte continue de savoir-faire et d’outils de production de richesse collective. En bon employé d’un groupe financier qu’il est, M. Juvin semble considérer comme rien cette euthanasie silencieuse de la puissance française.

- d’autre part, M. Juvin fait semblant de ne pas voir que le « réveil des régionalismes » ne tombe pas du ciel mais qu’il est le fruit de la construction européenne elle-même. On renverra ici aux analyses de M. Pierre Hillard sur la politique dite « d’Europe des régions », ainsi qu’à la conférence de François Asselineau intitulée « les 12 impasses de la construction européenne ». Le morcellement des États-Nations préexistants en sub-entités bien plus faciles à manipuler depuis Washington et Bruxelles est l’un des axes constants de la politique pernicieuse des concepteurs de l’Union européenne. Il faut toute l’ignorance – à moins que ce ne soit une ruse – de M. Juvin pour ne pas le savoir.

5°) Enfin, M. Juvin affirme que la « déconstruction européenne » remonterait à l’Acte Unique de 1986 et incrimine « ce choix de la City et des Etats-Unis » qui se serait fait, selon lui, « contre une Europe puissance soutenue par l’Allemagne et soutenue par la France ».

Ces affirmations de M. Juvin sont triplement fausses.

a)- d’une part, l’Acte Unique européen de 1986, établissant un grand marché européen sans frontière, ne fut que l’accélération des principes de libre circulation et de « marché commun ». Ceux-ci avaient été posés noir sur blanc dans le traité de Rome du 25 mars 1957, et ils reprenaient à l’époque les mêmes principes qui avaient été posés dès la Déclaration dite « Schuman » du 9 mai 1950, secrètement rédigée par les Américains (cf. à ce propos le dossier de François Asselineau http://u-p-r.fr/wp-content/uploads/... ) Lorsque M. Juvin stigmatise l’Acte Unique de 1986 comme un tournant inattendu qui aurait trahi les objectifs de la construction européenne d’origine, il ment tout simplement.

b)- d’autre part incriminer la City et les Etats-Unis dans ce choix de « grand marché » est exact si l’on étend cette influence anglo-saxonne à l’idée de construction européenne dès l’origine. Mais c’est trompeur si on veut y voir la raison du seul Acte Unique de 1986, qui a été poussé par tout ce que l’Europe et la France comptait d’européistes. L’Acte Unique de 1986 a résulté au premier chef de la volonté constante du Français Jacques Delors, Président de la Commission de 1985 à 1994, qui fit de l’adoption de ce texte son cheval de bataille dès son entrée en fonction en janvier 1985.

Lisons ce qu’en dit à ce propos la bio de Jacques Delors sur Wikipédia : « En janvier 1985 alors qu’il entre en fonction à Bruxelles, [Jacques Delors] reprend nombre de thématiques que le président de l’European Round Table (et de Philips) -Wisse Decker- avait publié dans : « Europe 1990 : un agenda pour l’action ». Parmi elles : faire tomber les barrières commerciales et les frontières fiscales. En 1991, lors de l’émission « la Marche du siècle » sur France 3 il parle de cette aide qui dynamisa l’Union européenne : « Lorsque j’ai lancé en 1984-1985, le projet de grand marché, la Table Ronde des Industriels a soutenu ce projet. Et aujourd’hui, les industriels invitent les gouvernements à aller plus vite encore, et ce n’est pas moi qui leur dirais le contraire : nous avons bien besoin de cette poussée salutaire, sinon nous aurions tendance à ne pas aller au rythme où les évènements vont ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacque...

c)- enfin, M. Juvin reprend à son compte l’inépuisable mythe du « moteur franco-allemand », qui s’ingénie à vouloir faire croire à nos compatriotes que l’Allemagne aurait les mêmes objectifs que la France et souhaiterait une « Europe puissance » sachant tenir la dragée haute aux Américains.

Comme le démontre François Asselineau dans sa conférence « Qui gouverne l’Europe ? », cette présentation des choses est totalement fausse et découle de la présentation mensongère du fameux traité de l’Élysée du 22 janvier 1963.

Comme l’explique le président de l’UPR, Charles de Gaulle avait dénoncé, dès sa conférence de presse du 15 mai 1962, le « fédérateur extérieur » à l’Europe qui avait conçu et qui poussait à la création d’une Europe supranationale. Cependant, le fondateur de la Ve République, qui devait tabler sur le soutien du MRP pour avoir une majorité à l’Assemblée Nationale et qui ne pouvait pas, de ce fait, sortir facilement la France du traité de Rome, avait eu l’idée de subvertir de l’intérieur le projet de domination anglo-saxon. Il avait caressé l’idée de transformer ce projet américain en une Europe sous domination française, une Europe des Six qui serait pilotée par la France en n°1 et par l’Allemagne en n°1 bis (cf. notre dossier http://upr63.fr/wp-content/uploads/...)

Le traité de l’Elysée, qui répondait à cette vision géostratégique gaullienne, visait à parvenir au « découplage géostratégique » de l’Allemagne vis-à-vis des Etats-Unis. Ce document, d’ailleurs très bref, n’évoquait nulle part ni les Etats-Unis d’Amérique, ni les prétendues nécessités de faire entrer le Royaume-Uni dans la construction européenne, de s’intégrer dans l’OTAN et de développer une immense zone de libre échange nord-atlantique dans le cadre du GATT.

Mais ce que l’histoire officielle, en France, a toujours savamment occulté, c’est que cette tentative gaullienne de bâtir une « Europe indépendante des deux blocs », et spécialement des Etats-Unis, fut sabotée par les Allemands. Au moment de la ratification du fameux traité de l’Élysée, le Bundestag réuni à Bonn le 15 juin 1963 vota d’abord un « Préambule à la loi portant ratification du traité franco-allemand ». Et ce « préambule interprétatif » insista ainsi sur tous les éléments que Charles de Gaulle avait justement exclus du traité : la subordination de la construction européenne à l’intégration militaire atlantique et la coopération avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. http://www.ena.lu/preambule-loi-por...

En votant ce document, le Bundestag vida donc de substance, dès juin 1963, la philosophie du traité de l’Élysée lui-même, se comporta comme un vassal de Washington et ruina toute possibilité de bâtir une « Europe européenne ». L’objectif stratégique que poursuivait Charles de Gaulle avec le traité franco-allemand de l’Élysée fut donc anéanti six mois après sa signature.

Cette politique allemande de subordination aux Etats-Unis d’Amérique et de refus absolu de former un tandem franco-allemand qui prendrait ses distances d’avec l’hégémonie américaine est l’un des grands tabous de l’histoire contemporaine et l’un des secrets les moins divulgués auprès de l’opinion publique française. Ce tabou explique d’ailleurs la raison pour laquelle les Français ont été tenus dans l’ignorance la plus complète d’un événement géopolitique d’une très grande importance : la signature, le 27 février 2004, par le président américain George W. Bush et le chancelier d’Allemagne Gerhard Schröder, de l’Alliance Germano-Américaine pour le XXIe siècle (Das deutsch-amerikanische Bündnis für das 21. Jahrhundert), alliance stratégique confirmée le 13 janvier 2006 par le président américain George W. Bush et la nouvelle chancelière d’Allemagne, Mme Angela Merkel, confirmant ainsi que ce choix stratégique fait l’objet d’un consensus CDU-SPD en Allemagne. (cf. par exemple http://www.spiegel.de/politik/deuts... et http://www.diploweb.com/forum/hilla... )

Que pense M. Juvin de cette alliance stratégique ? La vérité est qu’une telle alliance, conforme à toute la politique allemande depuis 65 ans, et conforme au refus de bâtir avec Charles de Gaulle une « Europe indépendante », rend tout simplement ridicule les vaticinations de M. Juvin sur une prétendue volonté allemande de bâtir une « Europe puissance » contre la City et les Etats-Unis.

Soit M. Juvin est un ignorant, soit c’est un comparse.


6°) M. Juvin, en définitive, ne propose rien de concret. Son discours est un énième discours « alter-européiste », qui nous fait miroiter une « Europe puissance » et qui a pour vocation ultime de pousser les Français à rester apathiques

La fin de la vidéo est à citer ici in extenso. Voici le verbatim exact de M. Juvin : « Ça va remettre sur le chantier, sur la table très vite l’entité politique européenne. La question n’est pas de savoir s’il faut sauver le soldat euro, la question est très vite de savoir si l’actualité brûlante du moment, ça n’est pas que les nations européennes sachent que l’union est un moyen de leur puissance, un moyen de leur rayonnement dans le monde mais avant tout un moyen de la protection de leurs citoyens, de leur capacité à agir et de leur initiative, en d’autres termes l’Europe puissance revient plus que jamais au premier rang de l’actualité ».

Concrètement, que signifie ce charabia ?

D’une part que M. Juvin n’a rien compris – ou ne veut rien comprendre - au « stratagème des chaînes » qu’explique François Asselineau dans ses conférences : si les Etats-Unis poussent à ce point à la construction européenne et poussent à ce qu’un nombre croissant d’États y entrent, c’est parce qu’ils ont bien compris dès l’origine que cela aboutirait à une Tour de Babel ingérable : l’Europe est un système autobloquant par nature, sous l’effet de l’irréductible opposition des intérêts nationaux.

D’autre part, le propos de M. Juvin se termine sur une envolée aussi grandiloquente que creuse. Concrètement que propose-t-il ? Rien.


CONCLUSION GENERALE

Si vous lisez attentivement notre analyse et que vous revisionnez maintenant la vidéo de M. Juvin en l’étudiant, point par point, à la lumière de notre décryptage, vous réaliserez :

- que M. Juvin FAIT SEMBLANT d’avoir un discours sans langue de bois et s’attaquant aux vrais problèmes.

- mais qu’il reprend savamment la campagne de désinformation constante des élites économiques et financières vis-à-vis de la crise actuelle, désinformation qui consiste à faire croire aux populations que « le pire est derrière nous » et qu’il s’agit simplement maintenant de réfléchir à la « sortie de crise ». M. Juvin ne fait aucune analyse de long terme, ni sur la mondialisation et ses effets dévastateurs sur le niveau de vie des peuples occidentaux, ni sur le rôle des banques privées dans le gonflement exponentiel des dettes publiques à travers le monde.

- qu’il passe sous silence la responsabilité écrasante de la construction européenne dans les problèmes mêmes qu’il dénonce : l’immigration, le communautarisme, le réveil des régionalismes, la soumission « aux Etats-Unis et à la City »

- qu’il entonne un énième discours « alter-européiste », en nous faisant miroiter une « Europe puissance » qui naîtrait d’un accord franco-allemand, passant ainsi sous silence à la fois la stratégie allemande et les raisons structurelles du système autobloquant européen.

En définitive, M. Juvin est un leurre. Son discours pseudo-iconoclaste est une ruse qui a pour vocation ultime de pousser les Français à rester apathiques. M. Juvin représente le nec plus ultra de la propagande européiste, qui fait semblant de critiquer rudement la construction européenne pour tenter d’empêcher les Français de s’en détourner pour de bon.

 






Alerter

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