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Aide économique russe & initiative politique iranienne

La Russie continuera sa coopération économique avec la Syrie et n’exclut pas la possibilité d’une coopération financière. C’est le message qu’a adressé jeudi 23 août à la communauté internationale, via un communiqué, le ministère russe des Affaires étrangères. Une déclaration qui tire en quelque sorte les conséquences de la toute récente visite à Moscou d’une délégation syrienne conduite par le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie Qadri Jamil.

Le communiqué russe fait allusion aux mesures de rétorsion occidentales : « Les sanctions unilatérales décrétées par certains pays contre la Syrie, mesures que la Russie dénonce ouvertement, ne sont pas une raison pour renoncer aux projets et programmes conjoints ou autres (entre Russie et Syrie) ». Parmi ces projets, la coopération dans le secteur du pétrole et du gaz, l’énergie, les transports et l’agriculture. Le communiqué du ministère russe des Affaires étrangères rappelle que ces sujets ont été abordés au cours de plusieurs rencontres russo-syriennes ces derniers mois. Et lors des entretiens Lavrov/Jamil d’il y a quelques jours, c’était la vente à la Russie d’une partie de la production pétrolière syrienne qui était au coeur des discussions (voir notre article « Ce qu’a dit Qadri Jamil et ce qu’ont voulu lui faire dire les médias anti-syriens… », mis en ligne le 22 août 2012).

Mais cette fois, la déclaration russe intervient après que Damas a, selon un certain nombre de médias, demandé un prêt financier à Moscou. Et justement, la déclaration dit que la « coopération financière et d’investissement, dont l’octroi de crédits » fait partie de cette coopération bilatérale.

Donc, la Russie va poursuivre et même amplifier son aide économique et financière à la Syrie. C’est, serait-on tenté de dire, la suite logique de son appui diplomatique constant. C’est encore une façon de s’opposer aux manoeuvres occidentales, qui misent ouvertement sur l’effondrement économique du pays pour trouver une « solution finale » à la question Bachar. On a entendu tout récemment un Laurent Fabius faire ce pari cynique et quasi-officiel.

S’exprimant le 21 août dans une conférence de presse à l’issue de sa rencontre avec Sergueï Lavrov, Qadri Jamil avait résumé l’esprit et les conséquences concrètes de ces négociations par une phrase très simple et signifiante : « Nos amis russes sont disposés à satisfaire nos besoins« . Ce n’était pas un effet d’annonce.

Les non alignés – et les Syriens des deux bords – à Téhéran

Un autre allé important de la Syrie « telle qu’elle est », l’Iran, annonce une nouvelle initiative diplomatique, à l’occasion de la tenue à Téhéran, la semaine prochaine, du 16e sommet des pays non alignés. Le chef de la diplomatie iranienne, Ali Akbar Salehi, n’est pas entré dans le détail de ce projet, mais a indiqué que cette proposition de règlement de la crise syrienne était « réaliste » et il a même été jusqu’à dire qu’il serait « très difficile de la rejeter » !

Dans le même temps, Ali Akbar Salhi a réaffirmé sans ambigüité le soutien iranien à Bachar al-Assad. Mais, évidemment, cette proposition « réaliste » s’adresse à l’opposition autant qu’au gouvernement : Salehi a confirmé l’intention de son gouvernement d’inviter les deux parties syriennes à venir s’asseoir à a même table de négociations à Téhéran. Un rêve poursuivi par Kofi Annan, entre autres, mais qui s’est toujours brisé sur certaines réalités, à commencer par le refus absolu du CNS et d’autres de prendre langue avec des représentants de Bachar. Mais cette fois, assure le chef de la diplomatie iranienne, c’est différent : « Une grande partie des forces de l’opposition syrienne est prête à participer à une telle rencontre« . En juillet dernier, cependant, une précédente proposition iranienne en ce sens s’était heurtée à une fin de non recevoir des diverses oppositions syriennes. Les choses auraient-elle pu bouger en un mois ?

Si Salihi dit vrai, alors il s’agirait d’une évolution historique, dont l’Iran, jusqu’à présent soigneusement écarté par la troïka occidentale des débats internationaux sur la Syrie, recueillerait le mérite. Qui Téhéran a-t-il pu convaincre ? On verra bien et assez vite, mais on peut parier que cette rencontre bilatérale, si elle a effectivement lieu, se fera au détriment d’un CNS de plus en plus marginalisé au sein de l’opposition syrienne, et qui a lassé par son impéritie politique jusqu’à ses protecteurs d’Occident.

Téhéran, appuyé par Moscou et Pékin, va ans doute, au terme de 18 mois de crise sanglante et destructrice, proposer une « paix des braves », un accord patriotique entre hommes de bonne volonté, sans que soit remis en cause le rôle de Bachar al-Assad. Utopie ? Certes un tel accord ne concernerait pas les milliers de radicaux et djihadistes syriens et non syriens engagés sur le terrain, ni, bien sûr, la direction du CNS sous contrôle ds Frères musulmans, des Américains et des Turcs. Mais le plan des Iraniens n’est-il pas de marginaliser les jusqu’au-boutistes de l’opposition ? La défaite annoncée de l’ASL à Alep, après Damas, la dérive radicale de nombre des combattants de l’opposition, les exactions (enfin) médiatisées de ceux-ci, tout concourt à une « prise de distance » de certains opposants avec le projet qataro-américain pour la Syrie.

Ali Akbar Salehi, pour s’avancer autant, doit avoir des assurances minimum. L’importance de la réunion internationale qu’accueille l’Iran est déjà un succès en soi pour un pays désigné comme l’ennemi public n°1 par Washington, Paris, Londres et Tel-Aviv, sans oublier Doha ni Ryad : 120 pays membres, plus 17 autres avec statut d’observateurs, ça fait du monde, et du monde qui, implicitement, brave les oukases diplomatiques américano-israélien. On peut même dire que ce 16e sommet pourrait marquer la renaissance du mouvement des non alignés, surtout fort dans les années soixante. Et un retour à son inspiration des débuts : faire contrepoids aux grandes alliances politico-militaires qu’étaient le Pacte de Varsovie et l’OTAN. Le Pacte de Varsovie s’est effondré voici plus de vingt ans. C’est donc à l’OTAN et ses prétentions à plier le monde à ses volontés que doivent faire face aujourd’hui les « néo-non alignés ».

Quoiqu’il en soit, ce rayonnement international iranien donne plus de poids, évidemment, aux initiatives de Téhéran sur la Syrie. Au point de convaincre des opposants de rencontrer des hommes de Bachar ? Réponse la semaine prochaine, en principe.

 






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