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Analyse : quatre remarques sur l’abandon du bouclier antimissile

La décision du président Obama de renoncer à déployer un bouclier antimissile en Europe centrale appelle au moins quatre remarques.

1) La défense antimissile continue. Ce qui n’est abandonné n’est qu’une brique du vaste programme de National Missile Defense, qui se poursuit. Washington renonce à déployer un radar à longue portée en Tchéquie et une batterie de dix missiles antimissiles en Pologne, qui devaient protéger les Etats-Unis contre des tirs balistiques iraniens. [Pour compenser cet abandon, Obama a promis le déployement de croiseur type Aegis, disposant de capacités antimissiles. Des missiles Patriot seront installés en Pologne.] Le positionnement de ses installations s’expliquait... par le fait que la Terre est ronde : le plus court chemin entre Téhéran et Washington passe au dessus de l’Europe centrale.

2) Un geste envers Moscou. Depuis le début, la Russie est vent debout contre ce programme. Elle y voyait une menace contre elle. Menace militaire, avec un radar très puissant installé à ses portes. Menace géopolitique surtout, avec l’arrimage stratégique de la Pologne et de la Tchéquie au système de défense américain. Pour Moscou, il s’agissait d’un pas supplémentaire après l’élargissement de l’Otan vers l’est. Or, la détente avec la Russie fait partie des priorités politiques d’Obama. Les affaires stratégiques sont un bon thème de discussion entre les deux pays, l’un des seuls où ils se parlent presque d’égal à égal. Le calendrier diplomatique facilite lui aussi les choses : deux traités importants arrivent à échéance rapidement, START (limitation des armements stratégiques) en décembre 2009 et le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) en 2010. Les deux pays ont intérêt à réduire leurs arsenaux nucléaires, qui représentent 95% des armes mondiales. Et Washington a besoin de Moscou, en Afghanstan, mais aussi dans les discussions sur l’Iran.

3) Un autre geste envers Téhéran. Renoncer à un système, certes défensif, mais tourné principalement contre l’Iran, est évidemment un geste de détente envers ce pays. La main de l’Amérique reste tendue, même à Ahmadinejab.

4) Un camouflet pour l’Europe de l’Est. Les gouvernements polonais et tchèques, très pro-américains comme tous les anciens pays communistes, se sentent trahis par Washington au profit du grand voisin russe, toujours craint et souvent cordialement détesté. On est loin de l’ère Bush et de l’exaltation de la "nouvelle Europe". Autre symbole de ce désintérêt d’Obama, son absence prévue aux cérémonies du vingtième anniversaires de la chute du Mur de Berlin. La fin de la guerre froide fut pourtant une grande victoire américaine.