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Arte : Le docu de la discorde

Déprogrammé en urgence par Arte, le documentaire sur les rapports homme/femme en banlieue, La cité du mâle, continue de créer la polémique.

L’une des journalistes ayant participé à la construction du document, Nabila Laïb, évoque "un reportage instrumentalisé et bidonné". "Il est invraisemblable, choquant, que cette personne (…) invente des dialogues de toutes pièces avec des témoins", rétorque Cathy Sanchez, la journaliste de la société de production.

"C’est à cause de documentaires comme ceux-là que les journalistes ont des problèmes en banlieue". Nabila Laïb est en colère et tient à le faire savoir. La jeune femme travaillait pour la société de production Doc en stock, à l’origine du documentaire La cité du mâle, consacré aux rapports homme/femme en banlieue.

Ce dernier devait être diffusé sur Arte, mais a finalement été déprogrammé à la demande de la "fixeuse" Nabila Laïb, la journaliste qui a défriché le terrain et réalisé les interviews. "Ce documentaire est faux. Tout est absolument faux !", s’est-elle écriée dans Le Figaro , mardi.

Quelques heures avant la diffusion du documentaire, elle a (enfin) eu le droit de le visionner. Et dit alors avoir failli faire un malaise. "La cité du mâle est un reportage instrumentalisé et bidonné", dénonce la journaliste. Pendant deux mois, elle a travaillé sur le terrain, rencontré des jeunes, discuté pendant des heures pour gagner leur confiance, avant de laisser la main à Cathy Sanchez, la journaliste de Doc en stock.

"Elle a choisi parmi les témoins ceux qui collaient à l’histoire qu’elle avait écrite au préalable", assure Nabila Laïb. "C’était de très longues interviews pour des jeunes qui ne sont pas rôdés aux journalistes, raconte-t-elle. Elle voulait leur faire dire des choses. Elle voulait un jeune qui frappe les filles alors elle lui a posé des questions provocantes comme : ’Que se passerait-il si tu trouvais ta copine au lit avec un mec ?’, alors oui il a répondu qu’il lui mettrait une baffe". Un travestissement de la vérité insupportable pour la journaliste, qui contacte alors Arte pour les sommer de ne pas diffuser ce documentaire.

Arte va bien diffuser le documentaire

Le responsable de l’unité actualité, société et géopolitique d’Arte, Alexandre Szalat, accède à sa demande. Mardi, Nabila Laïb a été encore plus loin et a déposé un recours contre la boîte de production Doc en Stock, afin que le documentaire ne soit jamais diffusé. Contactée mardi par leJDD.fr pour réagir à ces accusations, la société de production a pris son temps.

Mercredi, le communiqué est tombé, signé Daniel Lecomte, patron de Doc en stock : "Après avoir fait pression sur Doc en Stock pour déprogrammer le documentaire La cité du mâle, au motif de risque de représailles graves sur elle et sur ses deux jeunes enfants, Nabila Laïb change radicalement de version huit jours plus tard", explique-t-il en préambule. Dans Le Figaro, la fixeuse assure en effet qu’"il y a eu zéro menace mais un désaccord éditorial". Pour autant, le communiqué ne convainc pas. Cathy Sanchez entre alors en scène.

"C’est grave et inadmissible que cette personne qui m’a aidée à préparer ce film et à choisir tous les protagonistes dise, huit jours après la déprogrammation provisoire de mon film par Arte, qu’il est ’instrumentalisé et bidonné’, réagit Cathy Sanchez, la journaliste incriminée. Il est invraisemblable, choquant, que cette personne qui a assisté à tous les entretiens filmés sans jamais avoir remis en cause le questionnement ou l’axe éditorial invente, une fois le film achevé, des dialogues de toutes pièces avec des témoins."

Et de menacer : "Compte tenu du préjudice et de l’atteinte à mon honneur professionnel, je me réserve donc le droit de poursuites dans le but de rétablir la vérité…" Arte a, de son côté, annoncé mardi la diffusion du documentaire le 29 septembre prochain.