Lettre ouverte à Kaoutar Boustani, permanente syndicale « Jeunes »

Depuis plusieurs mois, Souhail Chichah est l’objet d’attaques et accusations graves venant de toutes parts, d’organisations de droite comme de gauche. Aujourd’hui, dans les milieux indigènes, se colporte la rumeur qu’il serait l’auteur de plusieurs viols et passages à tabac de musulmanes.

De nombreux messages haineux circulent, selon lesquels il serait non seulement un dangereux pervers manipulateur mais surtout un « mauvais » musulman. Ainsi une publication Facebook de Kaoutar Boustani n’appelait-elle pas moins que Dieu à « faire disparaitre de la surface de la terre ce chien enragé (...) est-ce que qqun qui renie Allah est-il tjr ton frere en Islam ? (...) il sait qu’Allah existe mais ne veut pas le reconnaitre car sinon son ego serait humilié, tant que cet individu ne reconnait pas Allah, il n’est pas bon !!! il a agressé plusieurs personnes dont une soeur ajd et l’a insultée dehors ! cet individu est dangereux il ne faut surtout pas laider et s’en approcher » (sic) conclut ainsi l’écrit d’une comparse qui circule sur la toile.

Ces accusations et attaques ignobles sont évidemment mensongères et jusqu’à présent, parti avait été pris de ne pas y réagir, pour ne pas leur donner plus d’importance qu’elles n’en méritent. Mais aujourd’hui, Souhail Chichah est au centre d’une véritable cabale. Il a été, entre autres violences, victime d’une agression en pleine rue, menée par une proche de Mme Boustani qui retourne aujourd’hui l’agression contre lui et aurait même porté plainte selon un texte délirant publié sur Facebook qui renverse littéralement les rôles. Nous savons que la conclusion donnée à une accusation mensongère est trop souvent qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu ». C’est toute la force de la rumeur et de la calomnie : détruire sur base de rien.

Comment expliquer une telle haine, un tel déchaînement contre le seul intellectuel en Belgique à dénoncer avec force et arguments le racisme et l’islamophobie ? Eh bien sans doute parce qu’il est le seul et qu’il est seul, justement. N’appartenant à aucun groupe, aucun parti, aucune école, il use d’une liberté de pensée et de ton qui fait peur à ceux qui sont plus obsédés par des questions de pouvoir que par les idées qu’ils prétendent défendre.

Exclu de l’ULB pour avoir critiqué la pensée néoraciste selon laquelle l’islam serait responsable de tous les maux de la société, il est maintenant lynché par certaines victimes du système qu’il dénonce : de jeunes intellectuels et activistes indigènes, très bien intégrés dans les sphères institutionnelles (syndicat, université). Ceux-ci maîtrisent parfaitement la culture et la pensée occidentales dont ils sont le fruit – bien plus que de la pensée islamique dont ils ignorent l’essentiel, ne leur en déplaise. Mais ils sont infériorisés malgré tout en tant qu’indigènes, déniés dans leur droit à être reconnus dans l’égalité.

Ces jeunes sont brillants et bénéficient d’un réel potentiel de mobilisation. Kaoutar Boustani, qui est l’instigatrice principale de la campagne de dénigrement contre Chichah, est responsable des jeunes CSC et bénéficie ainsi d’une capacité d’action plus que substantielle. Elle qui travaille dans un syndicat, a ainsi appelé les musulmans à ne pas voter car le vote serait interdit en islam, allant jusqu’à convaincre certains d’arracher les affiches électorales au nom de la religion. La démocratie serait contraire à l’islam selon elle et ses acolytes. Elle a ainsi diffusé des tracts appelant au rejet des élections sur base de prescrits islamiques lors de la Foire des Musulmans (et s’en est fait exclure d’ailleurs, à ce titre).

Avec Mme Boustani, des jeunes comme Abdellah Boudami, élève-assistant à l’ULB, capable de masquer son rejet des principes démocratiques en mobilisant à contre-sens des penseurs « athées » comme Sartre ou Bourdieu, tout en appelant au rejet de la démocratie au nom de l’islam sur radio Al Manar ; en écho, Soufiane Nrhailat, un jeune « gourou » au succès grandissant, adepte d’un ersatz fascisant de l’islam, et dont le modèle n’est autre que… Anders Breivik, dont il a fait publiquement l’apologie pour sa détermination sans peur et sans faille ! Ainsi M. Nrhailat appelle-t-il à l’exclusive sans nuance : « Bref, nous pouvons dire qu’il y a 2 islam : le premier appelle à ne pas défendre l’islam, à vivre insouciants et déconnectés de sa réalité et le deuxième nous enseigne d’investir biens, vies, temps, famille pour le triomphe de la vérité et donc de l’islam. »

Ces groupuscules, à l’image de Sharia4Bel, sont prêts à tout pour exister, dans une quête narcissique jusqu’au-boutiste, qui se sert de l’islam comme d’un prétexte, une couche que ces jeunes ajoutent à leur idéologie totalitaire antidémocratique, mais qui n’a rien à voir avec la religion dont ils se réclament bien entendu.

La question du leadership dans les attaques graves et répétées dont Chichah fait l’objet est donc prégnante. Comment encore intervenir dans un débat, prendre position face à l’actualité lorsque vous êtes accusé du pire ? Même sans preuves, l’utilisation des coups en-dessous de la ceinture, pour disqualifier les intellectuels, a toujours été des plus efficaces dans toutes les luttes d’émancipation. C’est pourquoi nous réagissons ici. Ce n’est pas Souhail Chichah personnellement que nous défendons, mais ce qu’il représente et la cause qu’il défend.

Le risque principal que nous voyons poindre, face à cette jeune génération qui se revendique ainsi de l’islam, c’est qu’ils soient présentés comme la cause même de l’islamophobie. Alors qu’ils en sont le pur produit. L’exclusion génère l’auto-exclusion et nous craignons d’assister à ce qu’on appelle une prophétie auto-réalisatrice. À force de dénigrer les musulmans, de décrier leurs croyances parce qu’elles seraient barbares et dangereuses, de stigmatiser l’islam, les médias, les politiques sont en train de donner naissance à un monstre.

Le parallèle avec Frankenstein est troublant. Ce film de Whale est sorti en 1931, en pleine dépression. Nous sommes en 2012 et c’est la crise. À l’heure actuelle, ce sont des créatures bien vivantes qui émergent, dont les leaders sont insérés socialement mais haineux et déterminés. Ces jeunes en guerre avec la démocratie sont les enfants de l’islamophobie. Et risquent de contribuer à alimenter la haine, encore et toujours, dans une dialectique malsaine qu’il est temps de faire cesser.

Nous appelons donc les institutions à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre enfin un terme à la migraphobie et à l’islamophobie ambiantes en lieu et place de leur institutionnalisation.

Et nous vous demandons de manière subsidiaire, Mme Boustani ainsi qu’à vos amis, de cesser votre campagne de dénigrement. Vous ne faites que rajouter la haine à la haine islamophobe initiale.

Souhail Chichah a déposé plainte à la police et nous avons décidé de le soutenir dans ces moments difficiles. Si vous aussi voulez manifester votre soutien, rejoignez les signataires de cette lettre ouverte.

NB1 : Concernant ces jeunes, ce n’est pas leur critique du processus electoral qui nous interpelle mais bien leur refus du principe démocratique dans sa substance : http://www.mediafire.com/?0ev3f10x9alckor

NB2 : Nous ne remettons en aucun cas en question la CSC en tant que syndicat.

Mouhad Reghif
Ginette Bauwens
Nordine SaÏdi
Zaina Ait Ahmed
Nathalie Mathieu
Catherine Raffait
Noémie Emmanuel
Selim Blieck