Egalité et Réconciliation
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Cette France pas vue à la télé

Ignoré par les médias, dissout dans la mondialisation : et si on reparlait du peuple, avant que le peuple ne se rappelle à notre bon souvenir, propose l’essai percutant du géographe Christophe Guilluy.

A focaliser leur attention sur les cités, les voitures brûlées, et ces jeunes qui squattent les halls d’immeubles, les médias perpétuent des images d’Epinal dangereuses et stériles pour le débat public. Surtout cette imagerie entretient des grilles de lecture clivantes : centre-ville contre périphérie, Français de souche contre minorités, classes moyennes des quartiers pavillonnaires contre immigrés banlieusards sans ressources.

Or, selon le géographe Christophe Guilluy, auteur d’un essai, Fractures françaises (François Bourin Editeur), la France des gagne-petit, des exclus, des défavorisés, ne se concentre pas dans les banlieues, mais se trouve disséminée dans les espaces ruraux ou périphériques, c’est-à-dire dans les zones sous-exposées aux médias. Ce qui explique que les politiques les ignorent en premier lieu.

Alors que la baisse du niveau des salaires et la précarisation s’étendent à grands pas, il est surprenant d’apprendre que les ménages les plus concernés par la dégradation des niveaux de vie continuent de croire en leur appartenance à la « classe moyenne ».

En effet, « l’adhésion, y compris d’une partie des couches populaires, à ce concept culturel [hérité des Trente glorieuses], souligne une volonté, celle de ne surtout pas faire partie de cette "autre France", celle des banlieues ». Les mythes ont la peau dure : on préférera toujours se croire socialement et culturellement aisé, plutôt que d’admettre son déclassement de fait.

85% des ménages pauvres hors des quartiers sensibles

Pourtant, la détresse sociale n’est pas seulement dans les banlieues : elle est partout, et surtout là où l’on en parle le moins, notamment dans les espaces ruraux ou les territoires urbains et périurbains ignorés. Et l’Etat s’y désengage d’autant plus que les médias les boudent.

Saviez-vous par exemple que, la dotation publique par habitant allouée à certaines banlieues médiatisées peut être 1000 fois supérieure à celle concédée aux quartiers difficiles de petites villes de province ? Que 85% des ménages pauvres ne vivent pas dans les quartiers sensibles ? Que le taux de mobilité des populations de ces quartiers peut parfois monter jusque 61% par an ?

Christophe Guilluy propose de démystifier les représentations « vues à la télé », de prendre la mesure de l’incohérence territoriale et ethnicisante des aides sociales, et au fond de réhabiliter la bonne vieille lutte des classes. Attention toutefois à ce que ces brillants développements ne servent pas les politiques d’un autre bord...