La presse masculine, c’est la presse qui n’a jamais marché durablement en France, sauf dans les années 70-80, quand Playboy ou Lui (400 000 ventes en 1970) montraient des choses qu’on ne trouvait nulle part ailleurs (hormis Hara Kiri, très précurseur en matière de nudité, ou les publications spécialisées, trop chères pour le pékin moyen), et au début des années 2000 avec Entrevue.
« J’ai voulu monter un masculin qui ne soit pas destiné qu’aux masturbateurs professionnels. Mais ça n’a pas été possible. »
« Maximal c’est fait pour les mecs de 17 ans qui veulent se branler. »
- Pudique, Kayden cache ses parties génitales en fusion
La mort des vieilles recettes
Puis, quand les plus puritains ont fini par intégrer le sexe dans leurs pages (voir la couv du Nouvel Obs avec le postérieur relooké de cette salope de Beauvoir), il a fallu se renouveler, ce qui a été un peu compliqué. Que vendre aux hommes quand le sexe était partout ? Ben, de la mode, du style de vie, des produits de beauté, des biens culturels. C’est embêtant, parce que les hommes sont beaucoup moins consommateurs dans l’âme que les femmes : on n’aime pas trop aller s’acheter des fringues dans un magasin, on a l’impression de se faire avoir, et puis les vendeurs sont souvent ambigus, ils peuvent nous toucher, c’est dangereux.
En vérité, peu ont osé vendre de l’information aux hommes (on exclut Actuel et ses 300 000 ventes du début des années 80, plus tendance que news ou masculin), alors que c’est une denrée paradoxalement rare en presse, et dont les lecteurs sont friands. Bien sûr, il y a les news magazines, du type L’Express, Le Point, Marianne, mais on restera ici dans les limites de la presse masculine, ciblée « jeune », ce qui en ces temps de régression permet d’élargir la cible jusqu’à 45 ans, et même au-delà.

Entrevue, créé par Thierry Ardisson et Gérard Ponson en 1992, récupèrera chez Hachette Filipacchi les lecteurs du déclinant L’Écho des savanes, qui connut ses heures de gloires dans les années 80. Devenu après sa reprise par l’éditeur de BD Glénat un magazine « conçu pour rire », en mode lent, soit bimestriel, il a aujourd’hui le mérite de nourrir le dessinateur Philippe Vuillemin, dernier îlot de férocité dans un océan de subversion gentille. Jugez plutôt : « éloge des putes », « ras le bol des fous de Dieu », « enterré avec ses chips »... Sans oublier le spécial « Vive l’humour » de juillet 2009, avec Alévêque, Cauet, Dahan, Lafitte, Mabille, Porte, Roumanoff et Zéro. Que du lourd en matière de malpensance.
Entrevue, moins complaisant avec le showbiz, connut alors une décennie (1995-2005) de ventes pharaoniques grâce à ses révélations télé, elle aussi en pleine explosion, avec le scandale des animateurs-producteurs en 1996, puis le big-bang de la téléréalité à partir de 2001. Une sorte de Voici musclé, ou de Paris Match populaire : du people sous l’angle trash, avec des interviewes choc, des scoops fric et des scandales sexuels. Ça changeait des publications pipounettes ne vendant que du lifestyle avec tous ses musts, les objets de la gratification sociale, du type FHM, une presse vidant le marigot de la pub car intéressant plus les annonceurs qu’un mensuel populaire comme Entrevue, touchant pourtant un large public, mais avec une image repoussante du point de vue des marques.
- Notre grande enquête
« Où est passé l’argent du Sentier ? »
Serge Raffy, qui a travaillé plus d’un an sur le lancement de Il :
« J’étais atterré par la presse mâle. Sa régressivité, son archaïsme journalistique. Le versant féminin, je l’ai constaté durant mes années à Elle, est autrement plus progressiste. J’ai donc voulu monter un masculin qui ne soit pas destiné qu’aux masturbateurs professionnels. Mais ça n’a pas été possible. » (Technikart, 2003)
La presse masculine était donc condamnée à vendre soit du vent avec beaucoup de pub à un faible lectorat en voie de féminisation (moins vigilant sur les contenus), soit un contenu plus trash (et dépolitisé) à un public plus large, mais sans l’appui de la pub.
Deux modèles économiques fragiles, et irréconciliables. Le mariage impossible en France du Culturel (de gauche), et du Populaire (de droite). L’arrivée du Net – et surtout du haut débit – aura raison de ce dilemme en pulvérisant tout le secteur, comme la comète ces gros cons de dinosaures il y a 65 millions d’années. Pour laisser la place à des mammifères plus petits, plus adaptés… et eux aussi quasiment condamnés. Cependant, il serait trop facile d’attribuer cette rapide dévolution à la seule apparition du Net : la structure même de cette presse non-informative, voire désinformative, contenait sa propre fin dans un univers où les lecteurs, reconstruits par une auto-information non-alignée, devenaient plus exigeants. Le lecteur masculin a changé plus vite que sa presse.

Le magazine de l’homme chic & chiant
Aujourd’hui, Entrevue est descendu sous la barre des 100 000 exemplaires, après avoir culminé à 500 000, FHM est moribond, grâce à sa cure d’amaigrissement chez Michel Birnbaum, de la société 1633. Bien sûr, une flopée de titres encombre toujours les kiosques, mais sans grande personnalité. Rien ne sort journalistiquement de publications comme L’Optimum, qui propose l’immense fils-de Louis Garrel en une, ou Monsieur, avec cette entrée essentielle « Souliers, la double boucle fait son comeback » en couv du numéro de novembre. Des magazines certes rassurants pour l’annonceur, mais d’une vacuité inquiétante. Au moins dans Femme actuelle il y a des recettes et des robes pas chères.

Seul GQ, dans le genre chic, cousin de Vanity Fair du riche Denisot et du semestriel Vogue Hommes (tous trois issus du puissant groupe Condé Nast), grâce à une image impeccable, vit grassement sur les annonceurs sans attirer les foules (100 000 ventes officielles, source OJD), malgré une campagne de lancement à 10 millions d’euros début 2008, une cascade de spots de pub et un travail d’image de marque impressionnant : Le Grand Journal de Canal+ ne ratait sous l’ère Denisot jamais une occasion d’exhiber GQ, qui ne manquait pas une occasion de magnifier Canal+ à travers ses émissions ou ses animateurs... Réaction du groupe Jalou, éditeur de L’Optimum, qui investira en 2008 2 millions d’euros dans une nouvelle formule à 1 euro, espérant 100 à 150 000 exemplaires, pour finir par culminer à 40 000. Aujourd’hui, plus personne ne risquerait de telles sommes sur ce créneau sinistré, abandonné par des lecteurs qui ont muté.
GQ, ou le carpet marketing à l’américaine , qui a pulvérisé tout le rayon « Hommes » en le privant des fameuses « pages de pub » : 75 % de ses recettes proviennent des annonceurs, qui pèsent donc trois fois plus que les lecteurs. À la limite, ce magazine pourrait devenir gratuit (c’est un gratuit payant) ou même ne plus avoir besoin de lecteurs. À l’image du public des grands clubs de foot, qui a perdu son relatif pouvoir au profit des sponsors. Sauf peut-être à Marseille.
- Antoine ne porte pas de perruque,
juste une kippa
L’irruption meurtrière de GQ n’est pas un mal. Une presse sans grand intérêt mais bien construite, sous une direction artistique brillante, a remplacé une presse sans aucun intérêt et mal foutue, parfois à la limite de l’escroquerie : bourrage en guise de papiers, visuels qui mangent les textes, articles pompés sur l’Internet ou sur les « confrères »… Sanction brutale mais logique de la baisse des budgets, due à la baisse publicitaire (tout titre descendant au dessous des 10 % de rentabilité chez Hachette Filipacchi était vendu), et de l’éviction des journalistes en CDI au profit de pigistes affamés, forcément moins exigeants. La crise de la presse, morale et matérielle, en montée violente depuis 5 ans, a squelettisé les rédactions, fait chuter les tarifs des pages, et donné aux directeurs de publication un pouvoir absolu sur une masse de grouillots précaires, prêts à tout pour survivre. Si vous n’êtes pas (trop) dépressif, lisez Journalistes précaires d’Alain Accardo (éditions Agone), qui brosse un tableau noirissime du métier de pigiste. C’est l’agonie à gauche !
Prédateurs & charognards
Le même Michel Birnbaum, symbole malgré lui de l’extinction de la presse magazine masculine, se vantait devant un journaliste du Monde de sortir le même canard avec moins de personnel et moins de budget… avant de se rendre compte de sa bourde. Effet pervers : les personnels, en « mutualisation » dans un groupe de presse, finissent par travailler pour plusieurs titres, qui finissent par se ressembler, et faire fuir le lecteur. En radio-télé-PQG (presse quotidienne gratuite), cette fusion horizontale des rédactions peut « fonctionner » dans le groupe multimédia NextRadioTV d’Alain Weill (on dirait un atelier chinois, mais c’est rentable), pas en presse écrite.
- Michel, le lecteur fidèle de FHM
sur Facebook
Extrait de l’article du Monde « Les éditeurs low cost » de Xavier Ternisien (29/08/10) :
Parmi les éditeurs low cost, certains sont persuadés que des vieilles marques de presse peuvent trouver une nouvelle jeunesse sur Internet ou grâce à la téléphonie mobile. C’est le cas des Éditions 1633, spécialisées à l’origine dans la presse de charme. Leur fondateur, Michel Birnbaum, a d’abord racheté, en 1993, la licence du magazine américain Penthouse au groupe Filipacchi. Depuis, il n’a cessé d’investir dans la presse masculine. Il possède aujourd’hui en propre les marques Lui et Newlook, et a acquis la licence pour la France de Rolling Stone, Playboy, FHM, Maximal et Men’s Health. Pour chaque licence, il verse une somme qui se situe entre 3 % et 7 % du chiffre d’affaires.
« Je n’ai pas le talent ou l’argent pour créer un titre ex nihilo, avoue M. Birnbaum. Ce serait un coût de 20 à 30 millions d’euros, trop élevé pour moi. » Ses titres fonctionnent avec des rédactions très réduites. « Mondadori faisait FHM avec 17 permanents et autant de pigistes. Je le réalise avec 4 permanents, 5 à 6 pigistes et les contenus sont mutualisés avec d’autres titres. »
Un aveu qui fait mal ! Passons sur les titres morts ou abandonnés depuis 3 ans, mais revenons sur le montant de l’investissement que nécessite réellement un nouveau titre, multiplié par dix pour la cause : par exemple Neon , le dernier mensuel à cible mixte de Prisma Presse, pourtant des Allemands sérieux, a été mis l’année dernière sur le marché pour 3 millions d’euros, avec un retour sur investissement prévu en 2015.
Cette régression éditoriale obéit à une évolution darwinienne plus globale des médias : à la télé, les émissions sont de plus en plus connes dans le fond, mais de plus en plus réussies visuellement. GQ, c’est 2 ans d’études avant de s’implanter sur le marché français, preuve qu’un lancement presse peut réussir, même si c’est le lancement d’une fusée aussi esthétique que vide. Peu à peu, les masculins « d’image » existants mourront de soif (publicitaire) autour de GQ. FHM, qui vendait 120 000 exemplaires en 2007, passe officiellement à 39 000 en 2012. Soit autour de 20 000 en réalité. Car dans la presse on majore toujours (parfois jusqu’au double) les chiffres des ventes pour ne pas perdre les derniers annonceurs… La télé fait pareil en trichant sur les audiences… et en accordant de grosses ristournes aux annonceurs derrière les tarifs officiels (-30 % chez TF1). La façade, conserver la façade, même si tout s’écroule derrière.
En octobre 2012, la très confraternelle Causette, dont les ventes passeront, elles, de 5 000 à 60 000 en moins de 3 ans, rapportait avec une pudeur toute féminine à ses lectrices l’effondrement de la presse en général, et de la presse masculine en particulier, consacrant FHM leader des losers avec la fuite de 37 % du lectorat en un an. Y a pas à dire, la mutualisation, ça marche.
Les derniers survivants
Heureusement, dans le même groupe (1633), le petit ramasse-pub Men’s Health sauve les meubles en focalisant sur le fitness, la forme et la santé des garçons… en théorie toujours hétérosexuels.
- Jamel a beaucoup souffert de jamelophobie
Profitons-en pour faire un détour par Têtu , ce masculin féminin, qui a connu beaucoup de déboires sous Pierre Bergé, dont c’était la danseuse. Placer ses petits amis dans le titre n’étant peut-être pas le meilleur chemin vers l’équilibre financier, qui ne sera d’ailleurs jamais atteint (1,5 million d’euros de pertes annuelles). Quand on sait que pour sa simple page, Christine Angot, du temps de sa splendeur médiatique, et donc avant la mise au pilon de son bouquin sur Gynéco, et son procès perdu contre l’ex (40 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, tu m’étonnes, elle ne faisait que raconter la vie de l’autre « méchante »), prenait 3 000 euros en imposant sa « copine » photographe… Il est vrai que les grandes plumes n’ont pas de prix, surtout dans le cul.
Pour la petite histoire, Têtu a été cédé pour un euro symbolique (mais avec de la trésorerie en caisse) à Jean-Jacques Augier, le copain des îles Caïman de François Hollande, qui fut accessoirement trésorier de campagne du PS.
Men’s Health donc, un « masculin pratique » crédité de 41 000 ventes officielles (correction non-appliquée). Petite anecdote sur le titre, dont la licence est exploitée depuis 2008 par le désormais célèbre Michel Birnbaum, et propriété du groupe Rodale Inc., qui a des bureaux à New York : lorsque les Américains, réputés rigoristes, débarquent à Marseille, où étaient situées les rédactions mutualisées du groupe 1633 (Maximal, Rolling Stone, Newlook, ainsi que quelques titres porno), sans oublier la téléphonie cochonne, la direction de 1633 laisse croire aux invités de marque que le personnel complet – une trentaine de personnes – représente la nouvelle équipe de Men’s Health France ! Pour une fois qu’on enfume les Américains, on n’allait pas vous priver de l’anecdote.
- Dans Rolling Stone spécial Notre Temps,
tout sur Mick & Keith
« Il nous manquait une cinquantaine de pages dans le premier numéro pour le lancement. On a pris cinquante pages déjà parues dans les archives. C’est passé tel quel. On a reçu des courriers des lecteurs disant : “Vous êtes des fumiers, mais on préfère encore que vous vous foutiez du monde avec des pages qu’on adore plutôt que de nous casser les pieds avec des histoires d’aliens qui nous intéressent pas.” » (Michel Birnbaum à propos de la relance de Newlook, Les Inrocks, 04/03/10)
Le mensuel Newlook , qui était encore chez 1633 un divertissement franchouillard populaire, dans un esprit gonzo, est aujourd’hui un bimestriel floqué d’un « interdit aux mineurs » désastreux pour la mise en place, et donc les ventes.
FHM s’effondre, Rolling Stone perd de l’argent (c’est la danseuse maison, comme Jazz Magazine le fut pour l’authentique tycoon Daniel Filipacchi, milliardaire échoué sur son île), Playboy a disparu des radars après un désaccord avec Michel Houellebecq, qui devait être le rédacteur en chef d’un numéro, forcément érotique, resté dans les tiroirs… Un Playboy définitivement enterré par l’opportuniste Frédéric Beigbeder, qui a pour le coup reboosté Lui (lâché par… 1633, qui n’en faisait rien), en investissant la case « masculin sexy haut de gamme ». Bilan du braquage : 350 000 ventes et un retirage de 100 000 pour le partouzeur cocaïné symbole de la funny décadence ! Personne ne saura si Fred a participé à la fameuse partouze mondaine sur le thème « tchador », avec amuseurs célèbres et call-girls voilées pour l’occasion…
« Au-delà de toute provoc, c’est une putain de réalité. Déjà parce que c’est du parisianisme pur et dur de dire que tout ce qui n’est pas la Capitale forme un tout, homogène et indivisible. Malheureusement, Parisien ou pas, le constat est le même : globalement, la province, c’est mort. Un état de fait qui ne date ni d’hier ni de la création de Technikart. » (25/02/09)

Avant de passer au gros morceau Entrevue (qui a perdu entre autres son procès contre les Jalons en 2013 pour l’histoire du pastiche « Fientrevue », mais gagné celui contre Newlook version 1633 en 2006, pour « contrefaçon »), détour rapide par Technikart , le vieux mensuel branché, qui vivote de sa petite avance parisienne sur la province.
Technikart, auréolé du titre de « Plus mauvais Payeur de Pigistes du marché » (attendre six mois minimum le paiement, comme les abonnés leur exemplaire, et encore, en insistant), fonctionne comme une école de journalisme. Et si cette publication pour pigistes bénévoles malgré eux est formatrice, par la diversité et la liberté des sujets abordés (notamment l’interview de l’érotomane antisioniste Gérard de Villiers), certains permanents rêvent de s’en échapper pour devenir enfin riches. Heureusement, les passerelles existent, notamment vers Voici ou Canal+, les rédacteurs en chef des émissions télé (Laurent Bon, directeur de la rédaction du magazine Max, deviendra rédacteur en chef chez Fogiel puis chez Denisot, au Grand Journal, avant de suivre son « ami » Yann Barthès au Petit Journal), étant généralement piochés dans la presse écrite, largement plus cultivée que la petite lucarne. Un peu sur le modèle de la différence Paris/province.
Pour preuve, chez Technikart, on ne dit pas « sommaire », on dit « opener ». Woaw, hou la la, en américain. Malheureusement, le lectorat du magazine ne se satisfaisant plus d’un miroir valorisant pour branleurs blasés, la direction injecte désormais des enquêtes et des portraits plus poussés. Sauf rechute, quand elle interviewe très complaisamment Denisot pour tenter… une évasion chez Vanity Fair ! Comparativement, assurément le moins « vendu » des mensuels masculins, inspiré des débris de l’esprit d’Actuel.
- Insolite : une école de faux journalisme
à Paris !
Entrevue : un carton qui finit sur le trottoir
En 2004, le mensuel décroche sa deuxième étoile d’or à l’OJD avec « 577 434 exemplaires de diffusion totale payée ». Soit plus de 3,5 millions de lecteurs de 15 à 35 ans. Un carton absolu. Entretenu par le sens commercial de Ponson. Maximal, dirigé par le même directeur de publication, est haut, mais loin derrière avec 144 116 exemplaires. Maximal, modèle de presse populaire importé d’Angleterre, qui n’a jamais marché chez nous, et qui à l’époque engloutissait une partie des bénéfices d’Entrevue… sous l’œil goguenard des cadres Hachette Filipacchi Médias, qui pouvaient ainsi contenir la puissance montante du directeur d’Entrevue.
Pourtant, le ver est dans le fruit, le succès faisant tourner les têtes : les multiples sujets frelatés de la bande à Michel Alvès (des frigos volants dans la cité, lol) ainsi que les trop nombreux enquêteurs diffusés mais jamais payés (qui vaudront au rédacteur en chef un pain dans la gueule), alors que le journal croule sous les rentrées, auront raison de la crédibilité journalistique du titre. Trop d’excès, de speed, d’alcool, de frais, d’arnaques.
La dernière couv avec son « école de fellation en Russie » rappelant plus Guts ou Choc, ce Newlook modernisé, ne va pas arranger l’image du magazine : il se passe pourtant en Russie des choses plus intéressantes pour le lecteur qu’une école d’aspiratrices. Mais c’est un choix éditorial. Les lecteurs intelligents eux, y verront une raison de plus de ne pas quitter le Net ou l’édition pour revenir à la presse magazine masculine.
- Cathy Guetta, arme chimique ultime ?
Sauvé après un dépôt de bilan opportun (on zappe les dettes) début 2012 par Jean-Claude Cochi, le patron des MLP (Messageries lyonnaises de presse, le distributeur concurrent de Presstalis), toujours sous le coup d’une accusation d’escroquerie en Suisse portant sur la somme de 45 millions d’euros, Entrevue ne vend « plus que » 126 000, officiellement.
Ce qui a plombé le mensuel, ce n’est pas seulement la fuite des lecteurs vers le Net, synonyme de sexe et info gratuits, ou les procès people : en vendant 500 000 par mois, Ponson était intouchable. Et surtout, couvert par la puissance du premier éditeur de presse magazine au monde en 2006, Hachette Filipacchi Médias. En revanche, l’image a été trop détériorée par les fausses affaires, les coups tordus, qui ont eu raison de ce qui aurait pu hisser le titre au rang de news masculin : la reprise par les autres médias des contenus rigoureux, car il y en a eu, et des bons. Les scoops étaient là, mais il a toujours manqué la main tendue des confrères de la presse « propre », secrètement satisfaits d’assister à l’affaiblissement d’un concurrent aussi voyou que populaire. Mauvais calcul : un titre malade fragilise tout le secteur, car ses lecteurs disparaissent avec lui, et ne se reportent pas sur les concurrents. Quand les gros maigrissent, les maigres disparaissent…

En lisant le premier édito de l’ère Cochi (cela faillit être Birnbaum, qui tenta en 2008 de racheter Entrevue, alors criblé de dettes), on comprendra que ce journal n’est plus tout à fait le même : là où il balançait allègrement sur la face cachée de la télé, dans un esprit anar qui plaisait aux cœurs purs écœurés par les mensonges et magouilles showbiziennes, on a soudain droit à une grosse louche de moraline :

Que faut-il en conclure ?