Egalité et Réconciliation
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« Danger de guerre » entre Bangkok et Phnom Penh

La Thaïlande et le Cambodge sont prêts à la confrontation armée pour 4,6 km2 de broussailles.


Toute la journée de mardi a été émaillée de propos belliqueux et mouvements de troupes. Quand le premier ministre cambodgien, Hun Sen, menaçait d’envoyer ses soldats et transformer la région en « zone de mort », les forces armées thaïlandaises se déclaraient « con-fiantes dans leur capacité à garantir la souveraineté nationale ». Comment ce petit bout de frontière dont les gouvernements ont négligé pendant des décennies d’en négocier la délimitation, peut-il déclencher un « danger imminent de guerre », selon la formule du ministre cambodgien des Affaires étrangères, Hor Namong. Le site de Preah Vihear, ancien temple hindou du XIIe siècle, est perché sur une falaise dont la ligne de crête marque la frontière. Mais en 1904, il a été inclus dans le territoire cambodgien par les Français. En 1962, alors que les forces thaïlandaises l’ont envahi, la Cour internationale de justice a tranché en faveur du Cambodge.

Nationalismes à fleur de peau

L’inscription du temple en juillet dernier au patrimoine mondial de l’Unesco a ravivé les tensions : chaque pays a déployé un millier de soldats pendant un mois avant la conclusion d’un accord de retrait coordonné à la mi-août. Car si les ruines de Preah Vihear relèvent de la souveraineté du Cambodge, le territoire adjacent de 4,6 km2 est toujours au centre du litige. Alors que la Commission thaïlando-cambodgienne de délimitation des frontières peine sur le tracé - 50 bornes ont été mises au jour, 17 d’entre elles sont en litige et 25 restent encore à découvrir - les frères ennemis se chatouillent les nerfs.

Lundi, le Cambodge accusait une centaine de soldats thaïlandais d’avoir pénétré sur son sol. La situation était encore confuse mardi, Phnom Pen annonçant que les soldats thaïlandais s’étaient retirés juste avant la fin de leur ultimatum, mais Bangkok réfutant le repli. Le mois dernier, les deux pays se reprochaient mutuellement d’être responsables d’un bref échange de tirs. Et ils ont trouvé deux autres temples à se disputer. Au Cambodge comme en Thaïlande, les nationalismes sont à fleur de peau. À l’issue de pourparlers bilatéraux lundi, Sompong Amornvivat, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, s’indignait : « Nous sommes dans notre pays. Comment peuvent-ils penser que nous allons quitter nos maisons ? » Et son homologue cambodgien de rétorquer : « Nous ne les laisserons pas occuper notre terre. »

C’est que le contentieux est ancien : « les Thaïlandais nous soupçonnent d’être animés d’un sentiment revanchard », explique l’historien cambodgien Son Soubert, « de vouloir venger notre roi Satha ». Les manuels rabâchent à des générations d’écoliers thaïlandais que leur roi Naresuan a « lavé ses pieds dans le sang de Satha », lors du sac de Lovêk au XVIe siècle. À Bangkok, quelques intellectuels appellent tout de même à la raison. L’universitaire Giles Ungpakorn dénonce « ces bouffées de chauvinisme puéril » et soupçonne une « manœuvre de diversion du gouvernement empêtré dans une crise politique ».

Source : http://www.lefigaro.fr