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De la misère en milieu étudiant

Les études supérieures, amortisseur statistique du chômage

1169 milliards d’euros, c’est la dette colossale souscrite par les étudiants américains afin de pourvoir suivre des études supérieures, plus élevée que le total des prêts contractés par les cartes de crédit ou l’ensemble des prêts automobiles. Ainsi trois quarts des diplômés de tous âges se retrouvent débiteurs de 28 000€ à l’issue de leur cycle universitaire.

Mais ce n’est qu’une moyenne. Trois années de droit au Boston Collège coûtent 152 000€ uniquement pour l’inscription. Cette situation résulte de plusieurs causes, dont la première est l’augmentation des frais de scolarité du premier cycle universitaire (college) qui ont augmenté de 1 120% en 35 ans. Dans le même temps les fonds alloués par l’Etat fédéral ont chuté de 40%, diminuant le rôle de la puissance publique dans le financement de l’université, qui permettait aux moins favorisés de faire des études supérieures et donc d’essayer de progresser sur l’échelle sociale.

Un système de bourses, créé en 1965, fut abrogé vers la fin des années 1970 par les républicains, dont un certain Ronald Reagan, qui considéraient que financer l’université revenait à gaspiller l’argent des contribuables. S’ensuivit une privatisation rapide du système et la crise de 2008, qui réduisit encore d’un quart les financements publics.

La seconde cause de cette situation est la folie des grandeurs des établissements universitaires, qui, pour capter des parts de marché, investirent sans compter dans des infrastructures dont des centres de loisirs ou des stades de football. Les endettements ont doublé en dix ans et la tentation fut donc d’augmenter les frais d’inscriptions et par ricochet la dette étudiante. Mais le plus inquiétant réside dans le fait que le niveau de qualification n’est pas valorisé en conséquence, une fois sur le marché du travail, ce qui est compréhensible. Seules les universités prestigieuses assurent encore un futur raisonnable, pour les autres c’est plus compliqué.

En 2013 près de la moitié des diplômés d’un premier cycle n’avaient pas réussi à décrocher un emploi. Malgré tout, l’université américaine ne cesse d’attirer de plus en plus d’élèves (21,26 millions en 2015, soit 40% de plus qu’en 2000). Les plaintes d’étudiants affirmant avoir été mal informés par les universités ou les distributeurs de crédits se multiplient, mais cette dette, à l’inverse d’autres bulles, ne comporterait pas de risques systémiques pour le milieu bancaire, l’Etat fédéral garantissant les prêts, les premiers lésés étant les consommateurs. En revanche l’argent que les étudiants consacrent à rembourser leurs études ne vient pas soutenir les investissements immobiliers. Ils sont plus de 40 millions à dépendre de l’organisme qui gère la dette étudiante, 11 millions de plus qu’il y a 7 ans.

Au Royaume-Uni, les universités étaient gratuites jusqu’en 1998, année où le gouvernement de Tony Blair introduit les premiers frais. Puis les augmentations progressives aboutirent à 4 100€ par an. Le gouvernement de coalition arrivé au pouvoir en 2010 les triplera afin d’arriver à 12 500 €. Néanmoins les étudiants n’avancent pas les frais universitaires, qui le sont par l’Etat. Un fois le diplôme obtenu, ils doivent rembourser progressivement à partir du moment où leur salaire atteint 29 000 € par an, en payant 9% de leurs revenus au-delà de ce seuil pendant un maximum de 30 ans. L’objectif est de laisser l’université accessible à tous quel que soit le niveau de revenu des parents, les étudiants étant égaux devant l’endettement. Pari risqué pour l’Etat, car seul un quart finira par rembourser entièrement sa créance. L’augmentation des frais universitaires mène au paradoxe qui oblige les étudiants à payer plus, mais également l’Etat au profit des universités.

En France, en 2014, 36 % des 25-49 ans disposent d’un diplôme d’études supérieures à bac+2. Dans les établissements publics, c’est l’Etat qui prend en charge l’essentiel du coût des formations (soit en moyenne 10 000 € par étudiant et par an). Les droits de scolarité annuels, fixés pour l’ensemble des établissements publics, ont été fixés pour l’année universitaire 2014-2015 à : 189,10 € pour les étudiants en Licence ; 261,10 € pour les étudiants en Master ; 396,10 € pour les étudiants en Doctorat ; 615,10 € pour les étudiants en Ecoles d’ingénieurs. À ces montants peuvent être ajoutés des frais supplémentaires pour des prestations spécifiques. Le coût des inscriptions dans les établissements privés, notamment les écoles de commerce, est sensiblement plus élevé (en général de 3 000 à 10 000 € par an). Ainsi on est encore loin des montants anglo-saxons et des aides, bourses et systèmes de péréquations permettent d’atténuer les inégalités. De plus en plus ce sont les frais indirects de la scolarité qui pénalisent la poursuite des études, loyer, coût de la vie et obligent les étudiants à travailler (74% en 2014) afin de participer au financement (pénalisant de ce fait les véritables demandeurs d’emploi).

Quelques signes de changements commencent à se manifester. Les fac se transforment en campus (les termes sont importants) ; les écoles prestigieuses se déclinent en province (ex. : Science Po, profitant aux passages de subventions importantes), des rapprochements et fusions s’opèrent comme dans les grandes entreprises, bref une « course aux armements » en prévision d’une extension du nombre d’étudiants, la France devenant un pays low cost pour une clientèle mondialisée et peu fortunée. Face au chômage, la tentation est grande de continuer des cycles avec l’argument que l’augmentation du niveau d’instruction atténue le risque. La réalité est surtout que l’on gagne du temps en attendant une « divine surprise », création de nouveaux secteurs d’activité, rebond de l’économie, baisse démographique. Les études servent d’amortisseur statistique à l’augmentation constante du nombre de demandeurs d’emploi. Actuellement, 23% des jeunes de 25 ans sont sans travail et les métiers les plus recherchés sont sans qualification ou à faible qualification. Cherchez l’erreur.

Fabrice Lehénaire

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14 Commentaires

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  • #1261621
    Le 6 septembre 2015 à 13:37 par José
    De la misère en milieu étudiant

    C’est ça la France aussi, l’un des systèmes de sécurité sociale les plus performant au monde...

     

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    • #1262938
      Le Septembre 2015 à 22:30 par Jean-Philippe
      De la misère en milieu étudiant

      Bien d’accord sauf que cela amène également son lot de problèmes : la fiotatisation de la société, le racket injuste et complètement démesuré de l’État Français (via les taxes et impôts), les abus nombreux du système de sécurité sociale et d’avantages sociaux, la dépendance de la population vis-à-vis de l’État, la destruction de entrepreneuriat français, la dévalorisation du travail et inversement, la valorisation de la paresse et des loisirs, etc.
      Les États-Unis où tout est marchandise (éducation, santé, libertés individuelles, la famille) ne sont définitivement pas un modèle que la France doit calquer à tout prix, mais il faudrait que la France retrouve un équilibre sain comme sous De Gaulle entre le social et l’individualisme..

       
  • #1261661
    Le 6 septembre 2015 à 14:27 par Marc
    De la misère en milieu étudiant

    L’université français, est à l’éducation ce que Ryanair est à une compagnie aérienne (et encore une low cost mène à destination...)
    Issue d’une famille, pas vraiment intellectuelle, qui misait tout sur les "études" pour avoir un bon avenir, et cependant on peut pas dire que j’avais pas un vrai projet professionnel... et finalement je me suis bien fait b**** par le système, car lors du concours (une m**** typiquement républicaine), je me suis jeter par mon" manque de confiance en soi"...ah ben zut alors ! on m’avait jamais parlé de ce critère de qualification lors des forums emploi du lycée puis à la fac.
    A tout ceux de ma génération 80 qui ont la chance d’avoir des enfants, ne leur imposez pas l’université ! a moins que vous voulez que vos enfant deviennent sans domicile fixe, bosser au macdo, être au RSA... et surtout sans famille.
    Je suis d’avis qu’il faut encourager à faire de vrais métiers utiles à société et produisant une valeur ajouté : agriculteur, médecin, militaire, boulanger, plombier, électricien, carreleur....
    Si un jour (qui arrivera très vite) l’économie s’effondre, à quoi servira une licence en marketing ?
    Je suis peut être un peu aigri, mais j’ai appris mon licenciement économique la semaine dernière... c’est génial Bac+5, ça apporte plein d’opportunité !

     

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    • #1262187
      Le Septembre 2015 à 08:06 par le gaulois
      De la misère en milieu étudiant

      Bonjour,triste constat pour ma part fait au milieu des 90’s:combien de "bac +" sur le marché du travail à qui ont a seriné "poussez vos études"(mais pas :interrogez vous sur vos talents perso),"apprentissage=voie de garage"(dès le collège) donc bien étiqueté pour les soi disant nuls,les "ceux qui ne peuvent pas suivre",la tare quoi ! pour s’entendre dire aux recrutements :
      - vous avez de l’expérience ?
      - ben non,j’étudiais(t’as vu mon cv ?!) (premier argument de non acceptation)
      - effectivement...mais vu votre niveau,on ne va pas pouvoir vous payer aux prétentions qui y sont attachées (ben zut,on m’a pourtant encouragé(e)à faire des études pour un bon salaire !)
      ...et retrouver ceux là même qu’on avait ostracisés ,le sourire aux lèvres parce que expérience(d’apprentissage !) reconnue avec un emploi,un pouvoir d’achat et la possibilité de se projeter.
      Aujourd’hui,je suis effaré par la "carte" de menu des études
      .C’est comme au resto:plus il y a de choix et plus il y a de quoi se méfier de la qualité.
      Avec des diplômes ne correspondant en rien aux besoins du marché du travail.(encore un exemple,il y a quelques années:une doctorante en biologie devant faire la caissière dans un magasin de sport puis se retrouvant à l’hôpital comme agent parce que pas de fric pour la recherche)
      J’ai souvenir d’un prof d’économie (1990) qui nous exposait le modèle allemand :à l’époque,après l’équivalent du bac,les jeunes devaient passer une année à découvrir le monde du travail et ce même monde venait déjà au milieu étudiant pour lui dire :"voilà ,dans 5,10 ans,on va avoir besoin de tels et tels métiers"
      Au moins,du pratique évitant des désillusions.
      De nos jours,avec internet,l’info passe plus vite...pas de raison pour que vous ne retrouviez pas de quoi exploiter vos savoirs ,savoir faire acquis et savoir être.
      Même si,je le concède,la période que nous vivons ne garantit plus de trouver "dans sa branche",ni le "cdi à vie"
      Bonne chance
      Salutations

       
  • #1261702
    Le 6 septembre 2015 à 15:22 par Xavier57
    De la misère en milieu étudiant

    J’ai parfois l’occasion de discuter avec des connaissances qui poursuivent des études universitaires et je peux vous assurer que leur niveau intellectuel est tout juste médiocre. L’école est aujourd’hui une fabrique à crétins. Un individu véritablement intelligent n’a pas a recevoir un quelconque enseignement de la part de profs gauchistes. Les études sont une pure perte de temps pour l’homme bien né.

     

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  • #1261798
    Le 6 septembre 2015 à 17:20 par dams
    De la misère en milieu étudiant

    Tout est lié, à quand les "sugar Daddy" la nature à horreur du vide :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Famil...
    "La « famille nucléaire absolue » favorise l’isolationnisme, pour ne pas être entachée des impuretés des autres peuples ; ou le messianisme, afin d’imposer son modèle à travers le monde."

    "Depuis les années 1980, les pays anglo-saxons ont engagé une déréglementation bancaire et financière limitant les prérogatives de l’État tout en affaiblissant les systèmes de protection sociale et d’éducation. Cela conduit à un État minimum (néolibéralisme) ou au social-libéralisme."

    Ajoutez à cela une élite apatride vous voyez les dégâts.

    En France pour le moment une certaine tradition tiens, mais on se fait baiser en indirect comme présenté. Sur ce qui est de la substance de la France on morfle vraiment beaucoup.

     

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  • #1262042
    Le 6 septembre 2015 à 22:59 par Le duc
    De la misère en milieu étudiant

    Concrètement, les diplômes supérieurs d’écoles de commerce (et aussi d’ingénieurs) ne mènent qu’à 50% à coup sûr vers un emploi. Ce sont en vérité les bac+3 qui fonctionnent sur le marché du travail : plus adaptés, moins abstraits, et moins chers pour les employeurs que les bac+5, ils connaissent un chômage post-diplôme moins long. Devant la terreur du chômage et donc du déclassement, la course aux (sur)diplômes a provoqué une inflation effective des études et des "grandes" écoles, mais aussi une baisse qualitative des diplômes. N’oublions pas les métiers utiles, comme plombier ou mécanicien, qui existeront toujours.

     

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  • #1262043
    Le 6 septembre 2015 à 23:00 par Pierre
    De la misère en milieu étudiant

    Le couplet négatif sur Ronald Reagan est malvenu. L’auteur ne connait pas grand chose sur l’histoire de l’Université américaine.

     

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  • #1262336
    Le 7 septembre 2015 à 11:50 par JulienK
    De la misère en milieu étudiant

    C’est ce que l’on nomme " la reproduction des "élites" ....typique d’es sociétés en panne.

    Comprendre "élites" avec des guillemets de 3 kilos...

     

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  • #1262397
    Le 7 septembre 2015 à 12:48 par Starkamanda
    De la misère en milieu étudiant

    Nous les étudiants parisiens passons derrières les immigrés, les familles d’immigrés pour le logement.
    A partir du moment où tu vis chez tes parents, peu importe ce qu’il s’y passe : disputes, misère intellectuelle, etc t’es considéré comme un nanti par le CROUS.
    J’ai connu un clando qui a presque mon age et qui en deux ans passé en France a fondé sa famille, a obtenu un logement, a passé le permis, possède une voiture, et moi comme un esclave je poursuis mes interminables études passées dans une atmosphère de vie déplorable, aux cotés d’étudiants bobos, pour finir par entrer dans la matrice qui me plombera d’impôts à la sortie de mes chères études ...

     

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  • #1262881
    Le 7 septembre 2015 à 21:26 par Rémi Lobry
    De la misère en milieu étudiant

    Concernant l’informatique mieux vaut faire une certification chez un constructeur pour avoir un emploi. En fac (fuck ?) les enseignants enseignent du théorique (ils sont entré à l’école à six ans pour en ressortir à soixante). De mon temps ce n’était pas vrai du CNAM où les profs (TD, TP) étaient des professionnels en détachement.

     

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  • #1264802
    Le 9 septembre 2015 à 23:11 par experts
    De la misère en milieu étudiant

    personnellement je m’oriente dans une filière de l’expertise comptable (Master CCA pour les connaisseurs), filière avec très peu de chomage, je ne connaîtrais sans doute pas le même type d’offre d’emploi que des facs littéraire . Dommage pour ces dernières formations qui me semblent intéressantes mais bien trop bouchés à mon goût.

     

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