Egalité et Réconciliation
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Deep Water Horizon, ce qu’on nous dit et ce qu’on nous cache

l y a maintenant trois mois que, le 22 avril dernier, une explosion fit sombrer Deep Water Horizon, une plate-forme pétrolière exploitée par le groupe pétrolier BP à quelques soixante kilomètres des côtes de Louisiane.

Les vannes de sécurité, censées éviter, en cas d’accident, la fuite sous-marine du forage, ne fonctionnèrent pas et des volumes extrêmement important, quoique mal estimés (certains spécialistes parlent de 800 tonnes, d’autres de 25 à 80.000 barils soit de 3.900.000 à 12.700.000 litres), de pétrole s’échappent depuis journellement du puit.

La grand profondeur de l’Océan à cet endroit (1.500 mètres) fait que les diverses tentatives de colmatage de la fuite ont été inopérants et que le seul espoir est, dans l’immédiat, le forage d’un nouveau puit permettant de dériver le pétrole. La durée de sa réalisation étant estimée au bas mot à trois mois pleins, la pollution de l’Océan et des côtes américaines à encore de beaux jours devant elle.

Parler de désastre écologique est tristement banal et revient à passer à côté du problème réel. La bonne réaction n’est pas, en effet, de se poser la question des effets qui sont effrayants - quatre cents espèces animales menacées, un écosystème qui devrait mettre 30 ans à se reconstituer, des pluies toxiques sur toute la côte Est des USA durant de longs mois, etc. – mais de la cause. Or celle-ci est unique et simple à comprendre : la recherche du profit.

On sait que durant une décennie, du milieu des années 1990 au milieu des années 2000, sous la direction de John Browne BP a voulu faire de l’exploitation des hydrocarbures une industrie propre et s’est positionnée comme une société particulièrement en pointe dans « la responsabilité sociale des entreprises ».

Elle se servit d’un projet emblématique -la construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan dans le Caucase du Sud - pour démontrer sa capacité à conjuguer souci de l’environnement d’un côté, et exploitation et transport du pétrole de l’autre. Ainsi, BP collabora sur ce projet avec la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et des organisations non gouvernementales, comme Amnesty International ou le WWF Turquie, pour mettre en œuvre l’oléoduc le plus vert possible. Dans la foulée, elle multiplia les initiatives visant à soutenir le développement économique des communautés locales en Azerbaïdjan, en Géorgie et en Turquie.

Tout ceci était sans doute un comportement écologiquement et socialement responsable, mais c’était aussi un comportement « économiquement inadapté » qui engendra des coûts et une baisse des profits. Après avoir été le n° 2 de l’industrie pétrolière, BP devint moins rentable et se retrouva à la quatrième place des géants de ce secteur (derrière ExxonMobil, Shell et Chevron).

Les grands actionnaires firent alors part de leur mécontentement. On découvrit opportunément que John Browne logeait son amant au frais de la société… Cela fut la cause de son licenciement et de son remplacement, en 2007, par Tony Hayward, ancien directeur financier de l’entreprise. La mission que lui confièrent les actionnaires fut claire : renouer avec des profits élevés. Il fut donc impératif pour lui de mettre entre parenthèses l’engagement social et environnemental de la société et de réduire les coûts de production. Pour réussir cela, il inventa une martingale imparable : réduire les frais de sécurité au maximum et forer en mer à grand profondeur, puisqu’une loi fédérale (l’Energy Policy Act) dont les décrets d’application furent signés en novembre 2008 exempte ces gisements des taxes habituellement prélevées sur la production.

Moins de sécurité et des forages marins de plus en plus profonds, les profits devaient être au rendez-vous annonçait Tony Hayward. C’est au final la catastrophe, écologique et économique, qui est venue à la rencontre de la British Petroleum…

La gestion de l’actualité par les médias étant ce qu’elle est, la catastrophe Deep Water Horizon est déjà quasi passée aux oubliettes de l’information, au point que nombreux sont ceux qui pensent que l’affaire est déjà réglée ou en voie de l’être. Et encore, comme l’a relevé John Vidal dans le quotidien The Guardian, si ce désastre écologique a fait durant quelques jours la une des journaux télévisés, c’est uniquement parce qu’il s’est produit en Occident, et plus particulièrement sur les côtes de Babylone…

Et le journaliste britannique de nous révéler que depuis cinquante ans et dans le plus grand silence, le pétrole brut se déverse en flots continus dans le delta du Niger. Là, les autorités ont recensé officiellement plus de 7.000 marées noires entre 1970 et 2000 et la quantité de pétrole qui s’échappe chaque année des terminaux, des oléoducs, des stations de pompage et des plates-formes pétrolières dépasse de loin tout ce qui est en train de se déverser dans le golfe du Mexique, site d’une catastrophe que l’on considère pourtant comme écologiquement majeure…

Personne n’en parle ? Comme c’est étrange… à moins que ce ne soit simplement normal, car avec 606 champs pétrolifères, le delta du Niger fournit 40% du total des importations américaines de brut. Personne n’a donc intérêt à ce que les citoyens des USA s’interrogent sur les conditions d’extraction de l’essence qui fait rouler leurs véhicules.