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Directive européenne : les industriels s’inquiètent d’une totale ouverture du marché de la défense

Les industriels français de l’armement s’inquiètent de la transposition en droit français d’une directive européenne sur l’ouverture des marchés de défense et de sécurité.

Selon l’interprétation défendue par les juristes de Bercy (et ceux de la Défense, avant que le cabinet du ministre ne tranche contre eux), cette directive 2009/81 pourrait en effet conduire à l’ouverture du marché français à des pays "tiers", c’est-à-dire non-européens - en particulier les Etats-Unis - et ce, sans aucune contrepartie. Cette directive, qui doit encore être transposée en droit français, s’appuie sur l’article 346 du Traité de Lisbonne (ex-article 296).

Les industriels entendent bloquer l’actuel projet d’ordonnance de Bercy et y voir ajouter une disposition permettant aux acheteurs publics, c’est-à-dire principalement la DGA, de pouvoir "maîtriser" l’accès d’industriels de pays tiers aux marchés publics de défense français. Les industriels du secteur rappelent que "la directive n’oblige à aucune ouverture au-delà des frontières européennes, et que l’accord sur les marchés publics de l’OMC ne s’applique pas aux marchés de défense".

Mais le diable se niche dans les détails : la Direction des affaires juridiques de Bercy considère en effet que les Etats membres ne peuvent légiférer sur l’ouverture aux Etats tiers, qui est de la compétence exclusive de la Commission européenne.

Qui sera juge en la matière ? Les industriels français souhaitent que le dernier mot reviennent au législateur français, alors que les européistes les plus convaincus verraient bien la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, dans ce rôle. L’idéologie libre-échangiste qui règne à Bruxelles ne rend pas très optimiste sur les chances d’empêcher les concurrents américains, brésiliens, israéliens ou autres de s’installer plus encore sur les marchés des pays membres de l’UE.

Les industriels plaident pour que "la maîtrise de l’ouverture des marchés se régle par voie législative, faute de quoi le principe de libre accès à la commande publique s’applique sans exclusion (article 1 du Code des Marchés Publics)" et constatent que "le projet d’ordonnance préparé par Bercy ne prévoit actuellement aucune disposition en ce sens".

Un industriel du secteur explique, en substance, que, "le Ministère des finances souhaite que cette transposition se fasse dans le cadre du code des marchés publics, et non dans celui d’un code autonome des marchés de défense. Dès lors l’application stricte du principe d’égalité face à la commande publique et d’ouverture du marché prévu par la directive fait courir le risque que des entreprises de pays avec lesquels aucune réciprocité d’accès au marché de défense n’existe puisse accéder à notre marché librement sans qu’aucune restriction ne puisse leur être imposée".

La bataille juridique en cours est d’une grande complexité et l’affaire, très politique, est pour l’heure entre les mains du Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE) et de son "patron" Gilles Briatta.

Comme le disait l’économiste Jean-Paul Hébert, récémment disparu, dans l’une de ses dernières notes : "l’offensive de la Commission européenne, désireuse d’étendre à tous les domaines ses conceptions économiques et son pouvoir de décision n’a cessé de prendre de la vigueur. (...) Il faudra bien que les conseillers des décisionnaires bruxellois admettent que les marchés d’armement ne sont pas assimilables purement et simplement à des marchés classiques".