Egalité et Réconciliation
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Empoisonnement. Pesticides aux Antilles. Kouchner savait depuis 1992

Le chlordécone fait la une en France suite à la publication d’un rapport accablant pour un certain nombre de personnes. Plutôt que de chercher à trouver et nommer des coupables, essayons de comprendre comment on en est arrivé là.

Ce pesticide était sur la sellette depuis son interdiction par les USA en 1975. Principalement utilisé dans les champs de bananes des Antilles françaises, le produit sera abondamment utilisé jusqu’en 2002 malgré les
avertissements des associations écologistes comme l’ASSAUPAMAR relayant des rapports scientifiques publiés tout au lond des années 1980-1990.


Liste des rapports :



1977 : le rapport Snégaroff (INRA)

1979-1980 : le rapport Kermarec

1993 :
Etude dans l’estuaire du Grand Carbet (Unesco)

1998 : Rapport Balland-Mestres-Faget, mission d’inspection diligentée par
les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture

2001 :
Rapport Bonan-Prime (IGAS-IGE), remis le 5 juillet 2001 à Mme
Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, et à Mme Dominique Gillot,
secrétaire d’Etat à la Santé.

Novembre 2002 : Plan d’action du Groupe régional phytosanitaire de
Martinique (Grephy)


Mars 2003 : Rapport établi par Eric Godard, ingénieur du génie sanitaire à
la Direction de la Santé et du Développement social de la Martinique. Forum
international environnement santé.


Un lobby très efficace :

Les planteurs martiniquais, apparemment, n’ont cure de ces avertissements. Il faut dire qu’ils sont choyés par les gouvernements français successifs de droite comme de gauche et les autorités locales. En 1990, les bananeraies font vivre des dizaines de milliers de personnes. C’est le produit martiniquais le mieux exporté, exclusivement sur le marché français et européen. Un marché d’environ 220 millions d’Euros et des aides européennes pour plus de 130 millions. Les planteurs bénéficient de la PAC et d’aides techniques. Ils sont regroupés au sein de groupements qui leur assurent une bonne partie de la logistique de l’exploitation des terres, de la production des bananes et de leur commercialisation. L’épandage par avion ou hélicoptère est de leur responsabilité. Un lobby bananier est même constitué à Bruxelles pour faire valoir les désiderata de la profession bananière antillaise au niveau des instances européennes.

Des frictions ont lieu entre groupements ou en leur sein, pour leur prise de controle, pour leurs choix commerciaux et logistiques, pour leur fonctionnement. En fait, ils ne fonctionnent pas tout à fait comme des coopératives...


1990 : Interdiction du chlordécone sur le territoire français mais
curieusement, les planteurs de bananes obtiennent des aménagements et
des délais.

29 novembre 1992 : Occupation de l’aéroport international de la Martinique
pendant une semaine par les planteurs de bananes aidés de leurs ouvriers
agricoles. Ils veulent attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur
ce secteur de plus en plus concurrencé par les grandes entreprises fruitières
américaines qui remettent en cause le marché européen réservé aux
planteurs antillais.


Ils vont jusqu’à occuper la radio-télévision publique RFO, et passer en force à l’antenne. Aucune réaction des forces de police et de gendarmerie... C’est là que le bât blesse. Impunité complète alors que la Martinique est totalement paralysée pendant une semaine : pas de trafic aérien, pas de circulation autour de l’aéroport où passe la route la plus fréquentée de l’île.

Certains gros planteurs se vantent d’avoir des oreilles favorables à Paris au sein du gouvernement. Dans ce milieu, on aime montrer qu’on a des relations directes avec des gens influents, qu’on peut se passer des instances locales et même du préfet ! A l’époque, le président de la république est François Miterrand et le gouvernement est de gauche.

Le ministre des DOM-TOM est Louis Le Pensec, les ministres de l’agriculture sont Louis Mermaz puis J-P Soisson.
Le chlordécone est reconnu toxique aux Antilles, le ministère de la santé reste de marbre...

Par trois fois, de 1992 à 1993, de 1997 à 1999 et de 2001 à 2002, le ministre de la santé est Bernard Kouchner et rien n’est initié de la part de son ministère... Vous savez celui qui veut se préparer à une guerre contre l’Iran.

Pour Bernard Kouchner, l’action humanitaire c’est mieux quand les télés internationales se déplacent. Des pesticides aux Antilles ? Pas "bankable" pour l’image et la carrière !

Pour ne pas avoir l’air de ne stigmatiser que le french doctor, d’autres ministres de la santé ont brillé par leur silence sanitaire et "humanitaire" :

Simone Veil, Dominique Gillot, Elizabeth Hubert, Hervé Gaymard, J-F Mattéi, Philippe Douste-Blazy, Xavier Bertrand... Je vous passerai la liste des ministres de l’environnement eux aussi concernés. Mais, permettez-moi d’insister, Bernard Kouchner, lui, a occupé le poste pendant plus de six ans durant cette période de 11 ans (jusqu’en 2003) qui a vu la fin réelle de l’utilisation de ce poison ! Aujourd’hui, comme il y a un rapport explosif qui sort, c’est Roselyne Bachelot qui s’y colle enfin !

2003 : Alors que le produit est interdit, que sa toxicité est reconnue sans contestation depuis 1990, le ministère de la santé n’a jamais fourni aucune information, ni mené d’étude sur les conséquences sanitaires de cette pollution et protéger la population des risques liés à trois décennies de contamination. Et pour couronner l’incurie de tout ce beau monde des ministères et autres chambres d’agriculture, on trouve 12 tonnes de ce produit dans le hangar d’une bananeraie ce qui démontre que le produit a été utilisé clandestinement jusqu’à cette date au nez et à la barbe des douaniers et autres contrôleurs... Six ans passés au ministère de la santé et une préoccupation affichée pour la partie humanitaire du job auraient dû susciter chez Bernard Kouchner un service minimum vis-à-vis des antillais sans doute empoisonnés à des degrés divers pour des générations, ces français de la périphérie à 6850 km du périphérique parisien.

Une plainte reprenant tous les détails de l’affaire et accusant nommément des responsables a été déposée par l’ASSAUPAMAR en Martinique en juin 2007.

Raphaël Confiant, à la pointe de ce combat, a fait un excellent article sur le sujet tout récemment un peu après la sortie de son livre " Chronique d’un empoisonnement annoncé " co-écrit avec l’écologiste Louis Boutrin. Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur la campagne de presse très violente initiée depuis la Martinique, visant à discréditer Raphaël Confiant comme antisémite proche de Le Pen à la fin de l’année 2006, six mois avant la sortie de son livre sur le scandale du chlordécone. Un hasard ? Aux Antilles, pas de sentiment de panique mais une grosse amertume qui témoigne d’une grande lucidité sur cette façon encore imprégnée de colonialisme qui anime les gens de pouvoir aussi bien à Paris que là-bas. On a négligé les antillais parce qu’ils ne représentent pas une force d’influence. La preuve, ceux qui ont eu des ennuis avec la justice jusqu’à maintenant à cause de cette affaire, ce sont ceux qui ont tout fait pour la faire connaître : dénigrement, intimidations, refus de recevoir les plaintes, inculpation d’un avocat ..etc.