Egalité et Réconciliation
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Forum de Belgrade pour un monde d’égaux

Les 23 et 24 mars derniers s’est tenu à Belgrade une importante conférence internationale organisée par l’association indépendante le Forum de Belgrade pour un monde d’égaux à l’occasion du dixième anniversaire de l’agression de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999. De 500 à 800 invités de plus de 40 pays – scientifiques, écrivains, diplomates, militaires, personnalités diverses –ont assisté pendant deux jours aux interventions d’une soixantaine d’orateurs dans le magnifique Sava Center de la capitale serbe. Parmi eux, le vice-Premier ministre socialiste du gouvernement serbe Ivica Dacic, l’ex-procureur général des USA Ramsay Clark, le professeur canadien Michel Chossudovski, le général russe Leonid Ivashov, la députée anglaise Alice Mahon, le savant bulgare Velko Valkanov, le politicien grec Aleka Papariga. La video d’une interview du général Pierre-Marie Gallois a été projetée sur grand écran et le célèbre écologiste suisse Franz Weber a proposé de créer un “Tribunal international de la conscience humaine”, à l’image de l’ancien tribunal Russell, pour juger les crimes commis par les gouvernements occidentaux. La résolution finale a dénoncé la reconnaissance illégale du pseudo-Etat du Kosovo et a réclamé la dissolution de l’OTAN et de la parodie de Tribunal pénal international de La Haye .

* 1 - LA FAUSSE “MORALE” DE L’OCCIDENT (LOUIS DALMAS - discours) * 2 - POUR UN TRIBUNAL DE LA CONSCIENCE HUMAINE (Franz WEBER - discours) * 3 - Louis DALMAS (interview DISSONANCE)

LA FAUSSE “MORALE” DE L’OCCIDENT

C’est un honneur pour moi de prendre la parole dans ce forum et je remercie chaleureusement les organisateurs de m’avoir invité. Je vous remercie aussi tous d’être ici. Je vais traiter d’une approche légèrement différente de nos problèmes, mais vous verrez qu’elle aboutit aux mêmes conclusions.

Nous sommes à une époque où la critique d’une pensée ou d’un acte se heurte souvent à la justification morale. Vous reprochez à un intellectuel une prise de position douteuse ? Il la proclame moralement nécessaire. Vous dénoncez chez un politicien des décisions nuisibles ? Il les qualifie de moralement indispensables. Le processus a deux conséquences : 1) il évite le débat sur le fond, car on ne discute pas ce qui est jugé politiquement correct ; 2) il fabrique des obligations, car on est tenu de suivre les règles de bonne conduite et de toujours choisir le bien contre le mal. Cette “sauce morale” enveloppe certains de nos droits politiques de base qui sont devenus des dogmes, et les respecter s’est transformé en un devoir sacré. Je vais tenter de montrer comment quatre d’entre eux ont été déformés par cette moralisation et à quel point il peut être dangereux de s’y conformer aveuglément.

I) Commençons par le droit d’ingérence.

Ce droit est relativement nouveau. Il a pris de l’importance avec un glissement de la doctrine stratégique américaine, qui est passée du besoin de "contenir" l’ennemi présumé à la nécessité de "prévenir" sa malfaisance. Au lieu de se défendre, on anticipe l’attaque en attaquant à l’avance. Autrement dit, on évite qu’on vous fasse du mal en faisant mal le premier. Il est facile de concevoir les dangers de ce comportement. Pour supprimer les objections, il faut l’enrober d’une rhétorique moralisante qui le justifie. C’est-à-dire diaboliser l’adversaire, lui prêter des intentions criminelles, inventer des menaces inexistantes, dénoncer des préparatifs secrets et des atrocités imaginaires, bref en faire un monstre sur le point de mettre une partie du monde en danger. Le tableau étant tracé, il devient pratiquement impératif et moralement correct de prendre les devants, et de réduire à l’impuissance le barbare avant qu’il ne commette ses forfaits. Le droit d’ingérence est présenté comme une obligation de sécurité. Un devoir qui ne se discute pas, parce qu’il est "moralement" obligatoire d’abattre le mal pour préserver le bien.

Pourquoi cette notion est-elle aberrante ? Pour six bonnes raisons. 1) Elle est fondée sur un système de démocratie parlementaire et de libéralisme économique qui est loin d’être applicable au monde entier. 2) Les nations sont classées en “bonnes” ou “mauvaises” selon leur degré d’acceptation de ce système. Mais qui est qualifié pour établir ce classement ? La réponse est évidente. Nous vivons dans un monde où la force est le droit. En fin de compte, comme toute intervention ne peut être décidée et réalisée que par la première puissance du monde, les Etats-Unis, ils sont les seuls à pouvoir dresser la liste des “alliés” et des “Etats-voyous”. C’est le Bureau Ovale et la CIA qui décident des “bons” et des “méchants”, selon la vision d’un monde uniformisé dont l’ordre nouveau, bâti au nom de Dieu et de Wall Street, est imposé par l’argent de Washington et la force armée du Pentagone. 3) - La liste, pour des raisons diplomatiques, stratégiques ou militaires, entraîne des injustices qui ne peuvent que discréditer la morale qu’elle prétend représenter. Certains pays doivent être immédiatement écrasés alors qu’on accorde à d’autres le temps de négocier. Tel chef d’Etat doit être abattu parce qu’il rue dans les brancards, alors que d’autres sont épargnés parce qu’ils se montrent dociles et coopératifs. La vérité est que la décision d’intervenir relève beaucoup plus de calculs matériels que d’appréciations éthiques. 4) - La notion d’ingérence implique, par définition, de se mêler des affaires intérieures d’un pays, au mépris de son indépendance et de sa souveraineté. Elle s’accompagne de la corruption de fonctionnaires, du financement d’oppositions au régime, de l’organisation de manifestations subversives, de l’entraînement et de l’équipement de forces rebelles, en un mot d’une infiltration de la société par une gangrène qui entraînera la chute du gouvernement. Elle s’achèvera par une opération militaire, au mépris d’un des acquis les plus importants de la civilisation : la différence entre la guerre offensive et la guerre défensive. Un progrès de l’humanité a été d’honorer la résistance en condamnant l’agression. Or la logique de l’ingérence conduit à l’agression. L’engrenage mène inéluctablement à la guerre, c’est-à-dire à la mort de beaucoup plus de gens que n’en a tués l’ennemi visé. 5) – La superpuissance américaine cherche aujourd’hui à se justifier par la nécessité de combattre le terrorisme. Mais la guerre en elle-même est une terreur. Surtout celle qui se fixe ouvertement comme objectif de frapper la population civile en la privant d’eau, d’électricité, de transports, de nourriture et d’abris. La guerre au terrorisme n’est elle-même qu’une sorte de terrorisme. La seule différence, c’est qu’au lieu d’être un terrorisme de désespoir et de misère, elle est un terrorisme de puissance et de gros budget. 6) - Enfin, la notion d’ingérence pose un problème éthique. Dans le mesure où il ne menace pas le monde d’invasions ou de conquêtes comme Hitler, quel homme, si dictatorial qu’il puisse être, vaut d’être renversé par un embargo qui affame son peuple ou des actions militaires qui détruisent la vie civile de son pays ? Comment les soi-disant humanistes peuvent-ils se permettre d’affirmer froidement, du haut de leur arrogance : "il vaut mieux mourir bombardé que vivre dans la servitude" ? De quel droit décident-ils de ce qui est bon ou mauvais pour les peuples, ressuscitant ainsi l’ancien colonialisme des conquistadors, qui massacraient les indigènes en prétendant faire le salut des sauvages malgré eux ?

Les conséquences désastreuses de ce droit d’ingérence sautent aux yeux. La première guerre du Golfe a affamé et massacré des civils sans changer grand’chose à la donne géopolitique de la région. Le démembrement de la Yougoslavie a créé six nouvelles nations, au moment même où l’Europe rêve de son unification continentale, dont deux – la Bosnie et le Kosovo – sont non seulement complètement artificielles mais sont devenues des bastions islamiques, et une troisième – le Monténégro – n’est qu’une colonie de plus de l’Occident. A la suite du bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN, les économies des Balkans ont été ravagées. Une grande partie des infrastructures civiles a été détruite. Le chômage a explosé. L’uranium appauvri a pollué l’environnement pour des décennies. Les maladies dues à la guerre sont en croissance exponentielle. Les haines ethniques sont loi d’avoir disparu. Les effets ne sont pas meilleurs en Afghanistan. Malgré le tapis de bombes humanitaires et démocratiques répandu sur toute la région, suivi par une grotesque tentative d’établir un parlementarisme occidental dans un pays de fiers eu durs montagnards attachés à leur modèle de gouvernement, on ne s’y est jamais autant battu, et les talibans contrôlent des territoires de plus en plus étendus avec le soutien croissant de la population. Enfin, la guerre en Irak. La aussi, les conséquences sont catastrophiques. Un bourbier militaire pire que le Vietnam, un imbroglio politique dont Obama essaie de s’extirper, des destructions massives, des dizaines de milliers de victimes, d’énormes dégâts économiques et environnementaux, les flammes de la haine attisées dans tout le monde arabe. Quelle plus éclatante démonstration peut-on imaginer de la folie de ce devoir d’ingérence ? Le déguisement moral de la “guerre au mal” ne cache pas la vérité : aucune de ces interventions n’a eu quoi que ce soit à faire avec des idéaux éthiques. Leurs vrais buts, en Irak et en Afghanistan, étaient la prise en main des ressources pétrolières et des pipe-lines vers l’Europe et, en Yougoslavie, l’élimination d’un pays indocile et le contrôle de la grande voie de communication européenne nord-sud. Sans parler de l’établissement d’une ceinture de bases militaires autour de la Russie et de l’expérimentation d’armes militaires nouvelles. Sublimer ces objectifs stratégiques en devoirs moraux ne fait qu’aboutir à un sommet de confusion mentale, comme dans cette délirante formule : “Il faut faire la guerre pour faire la paix”. Les partisans de cette folie sont plus que des idiots qui se trompent, ils sont des criminels, responsables de plus de morts que les dictateurs qu’ils prétendent avoir le devoir de combattre.

II) Le second droit dont on a perverti le sens est celui des peuples à disposer d’eux-mêmes.

A l’origine, ce droit était un mot d’ordre de libération, destiné à briser les grands empires coloniaux anglais, français, allemand ou autres qui exploitaient à leur profit des nations plus petites ou moins développées, réduites à la servitude par des invasions militaires. Le combat des populations locales était un combat contre l’occupation étrangère, pour la liberté et la souveraineté. Ce qui a changé, c’est que la bataille de libération a été transformée en combat non seulement pour l’indépendance, mais pour la pureté ethnique. Les ensembles ne veulent plus se mélanger comme citoyens d’un Etat pluraliste, ils veulent être reconnus comme ayant la même origine vivant dans des nations ethniquement nettoyées. Le modèle de la nation à la citoyenneté indifférenciée a cédé la place à celui de la nation ethniquement pure. Chaque peuple, défini non plus par son établissement sur un sol mais par l’homogénéité de son sang, a droit à son Etat. La notion de pluralisme a disparu au profit de celle de la généalogie. Et on ne cesse de se référer à cette appartenance ethnique pour fabriquer une poussière de petits Etats, nouveaux ou sécessionnistes. Des pays qui sont trop faibles pour être économiquement viables, et qui dépendent donc de la communauté internationale dirigée par les grandes puissances, Etats-Unis en tête dont l’hégémonie est renforcée. Des pays qui rendent ingérable une concentration européenne déjà congestionnée par la multiplicité des langues, des niveaux de développement et des législations. Des pays dont la nature souligne les différences, entretient les fanatismes chauvins, élève des barrières, attise les haines et accroît la séparation entre êtres humains au lieu de la diminuer. L’ethnicisme est devenu une arme de guerre contre l’Etat-nation pluriethnique et citoyen. La conception du groupe racial s’oppose à la conception du groupe civique. Le peuple homogène remplace la population hybride. Ainsi peut-on se débarrasser de la seule structure qui résiste à la mondialisation : la nation pluraliste et citoyenne, dont la force réside dans sa diversité. Cette structure est attaquée à deux niveaux. Au sommet, la globalisation impériale et l’édification d’une Europe du grand capital dissolvent ces entités gênantes dans un magma indifférencié. A la base, les plans de régionalisation découpent les grands pays et remanient les frontières. Des Etats comme la France, fondés sur la notion de l’occupant du même sol et non sur celle de la parenté par le sang, sont découpés en zones transfrontières rassemblant des identités génétiques à la place des identités historico-politiques. Le but est clair : une fois éliminés les grands obstacles nationaux, le système économique international appliqué à une mosaïque d’euro-régions promises à devenir de mini-Etats sans pouvoirs, constituera un ensemble facilement intégrable dans le Nouvel ordre mondial.

III) Le troisième droit qui a subi une dangereuse transformation est celui des minorités.

Là aussi une cause juste a été aliénée par la valorisation du groupe ethnique au détriment de l’ensemble humain. La défense des minorités est devenu un culte absurde : le communautarisme. Beaucoup d’éléments ont contribué à cette évolution. Les guerres, avec leur cortège de stimulations patriotiques, ont porté des coups aux idéaux humanistes de la citoyenneté du monde. L’écroulement du communisme a affaibli l’universalisme de la solidarité internationale des travailleurs. L’internationalisme, jadis considéré comme une généreuse fraternité devant harmoniser la planète, a pris la forme d’un néo-colonialisme financier et militaire de la superpuissance américaine. Les progrès technologiques, la monopolisation des moyens de communication, le pouvoir des instances de domination économique, en accroissant les inégalités sociales, ont renforcé le sentiment d’isolement et d’impuissance de l’individu moyen. La conséquence en est un besoin accru de se rattacher à des racines, d’appartenir à un groupe, de s’identifier au sein de la masse anonyme. La diversité des langues consolide la fragmentation. D’autant plus que des imbéciles bien intentionnés multiplient les réanimations d’idiomes, de dialectes et de patois folkloriques, créant ainsi de nouveaux processus d’atomisation. Les grandes religions ont aussi joué leur rôle. Celles qui sont les plus offensives recherchent toujours, de par leur nature prosélytique, à déborder leur espace spirituel pour exercer un pouvoir temporel. La façon la plus simple d’y arriver est de devenir la confession d’une collectivité. En s’appropriant le capital culturel du groupe, en soudant ses membres par l’éducation et la solidarité, elles le figent dans la dogmatique des fidèles, qu’ils protégent jalousement de l’influence des étrangers incroyants. Un noyau se constitue, qui devient un ilôt isolé dans la société, souvent teinté d’endogamie, avec ses règles, ses usages et ses préjugés. L’individu qui a perdu ses repères internationaux, qui se sent impuissant dans un monde de plus en plus complexe qu’il ne contrôle pas, qui recherche une identité lui donnant l’impression d’exister, trouve un soutien essentiel dans une spiritualité partagée avec des frères et sœurs de même origine et de même mentalité. Le cocon, religieusement cimenté, devient une communauté. Face à cette granulation communautaire, le respect nécessaire de l’autre – un principe fondamental de la vie en commun – est passé de la tolérance justifiée à une déférence exagérée. Sous le prétexte d’admettre les différences, on a transformé en obligation morale l’acceptation d’un certain nombre de structures que la société a du mal à digérer. Un droit s’est créé, celui de vivre à part, ce qui implique souvent de n’obéir qu’à sa propre loi. Se conformer aveuglément à ce droit est non seulement s’exposer aux conflits entre les usages de la communauté et ceux de la nation, c’est aussi consolider l’isolement du groupe, souligner sa différence, le fixer une fois pour toutes dans son altérité. Ce genre d’exclusion est gros de jugements de valeur : quand on a ainsi cerné un ensemble, on a tendance à lui attribuer certaines propriétés qui, le plus souvent, sont les défauts d’un corps étranger. L’assimilation ne se fait pas parce que les membres de la communauté sont vus comme des intrus auxquels on n’a pas envie de ressembler ou qu’on condamne pour leurs travers. On est aux portes du racisme. La version politique du communautarisme est le développement du culte des minorités. Nous rejoignons par là les abus déjà évoqués de l’ethnicisme et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Accorder l’autonomie à une communauté est dans la même logique qu’attribuer l’indépendance à une minorité. Une logique qui conduit à préférer ce qui divise à ce qui rassemble, sans voir qu’on morcelle ainsi l’humanité en fragments étanches, fermés de plus en plus sur eux-mêmes à force de voir leur différence soit abusivement respectée, soit dangereusement détestée.

IV) Enfin, le dernier droit à être perverti est le droit à la justice.

Toute personne a droit à la justice. La victime plus que tout autre, qui doit obtenir réparation pour le malheur subi. C’est cette notion du dédommagement nécessaire de la personne lésée et de la sanction à appliquer au fautif qui a été étendue à la guerre et à ses conséquences par la création de tribunaux destinés à en juger les responsables. Noble intention. Malheureusement la réalité n’est pas à la hauteur de la fiction. Pour une raison simple : la justice invoquée par ces tribunaux n’est pas la justice – un ensemble de normes internationalement reconnues et valables pour tous – elle est une justice très particulière et biaisée, celle des vainqueurs qui ne s’applique qu’aux vaincus. Génocide et crimes de guerre sont dus exclusivement à la perversité de l’adversaire battu. La perversité du vainqueur n’existe pas. Si le crime de guerre consiste en un massacre organisé de combattants, la mort ”collatérale” de dizaines de milliers de civils innocents ou le traitement inhumain de prisonniers qui ont cessé le combat, aucun haut responsable n’est blâmé pour les bombardements impitoyables des villes allemandes au cours de la Seconde guerre mondiale, les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, la répression colonialiste en Algérie, l’agression de la Yougoslavie, les ravages faits en Afghanistan et en Irak, les sévices pratiqués sur les prisonniers de Guantanamo et des autres enceintes secrètes de la CIA. Le crime de guerre n’est-il la spécialité que d’un côté ? S’il n’existe pas en lui-même, s’il est réservé aux soldats du diable (indéfendables après leur défaite) et inconnu des soldats de Dieu (immunisés par leur victoire), s’il est ainsi tendancieusement attribué aux seuls ennemis battus, comment peut-on qualifier de justice ce qui n’est que la vengeance du triomphateur ? L’exemple parfait de cette parodie de justice est le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye. Illégalement constitué par le Conseil de sécurité de l’ONU (qui n’a pas pour vocation de créer ce genre d’institution), financé par des fonds privés provenant majoritairement d’ennemis déclarés des vaincus, décidant de sa propre procédure au gré des besoins de l’accusation et politiquement orienté de façon à justifier l’agression de la Serbie rendue responsable de tous les crimes, ce pseudo-tribunal s’est totalement discrédité par sa partialité et son incompétence. Sa partialité s’est manifestée par son refus d’inculper qui que ce soit du côté occidental, et l’inculpation, du côté balkanique, d’une majorité écrasante de Serbes, comme si dans une guerre civile un côté était tout noir et l’autre tout blanc, et que les Serbes étaient les seuls coupables d’atrocités. Les preuves d’atrocités croates, musulmanes ou albanaises ont été systématiquement écartées ou perdues, confirmant ainsi le caractère tendancieux de l’instance. Quant à l’incompétence, elle est devenue évidente dans le galvaudage des notions de génocide et de crimes de guerre dans des réquisitoires peu crédibles. Le principal accusé, Slobodan Milosevic, a réfuté avec succès toutes les accusations portées contre lui au point que le tribunal l’a “aidé” à mourir pour ne pas devoir l’innocenter. Ce qui avait été présenté comme le “procès du siècle” s’est achevé dans un lamentable fiasco entaché d’un soupçon d’assassinat, une mascarade présentée comme une spectaculaire avancée de la justice internationale.

En conclusion, nous voyons à quel point ces quatre droits sont trompeurs. En surface, ils reflètent un désir justifié de lutter contre les abus de pouvoir des tyrans, les oppressions des peuples, les actes de barbarie et l’impunité des criminels. Mais en profondeur, dans la façon dont on les a transformés en devoirs de moralité, ils témoignent de l’hypocrisie de l’Occident. Le droit d’ingérence n’est pas une obligation d’humanité, il n’est que le masque de prédateurs à la recherche de nouvelles richesses ou d’avantages stratégiques. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est pas un privilège à défendre dans tous les cas, mais une introduction à la dangereuse conception ethniciste de la politique. Le droit des minorités n’est pas seulement le respect de la différence d’autrui, il est aussi la consolidation d’un communautarisme qui atomise la société. Le droit à la justice, en matière d’affrontements collectifs, n’est pas l’application d’une loi valable pour tous, il se traduit par une vengeance de vainqueurs justifiant leur guerre par la diabolisation des vaincus. Ce qui est grave, c’est que ces droits ainsi aliénés sont présentés comme des devoirs de moralité. C’est au nom de la morale qu’il faut permettre à tous les peuples d’avoir leur petite nation, c’est au nom de la morale qu’il faut envahir un pays prétendu dangereux, c’est au nom de la morale qu’il faut respecter les communautés exclusives, c’est un nom de la morale qu’il faut faire semblant de juger des adversaires condamnés d’avance par leur défaite. Cette fausse morale est aujourd’hui celle des grandes puissances occidentales : elle repose entièrement sur le mensonge et l’hypocrisie.

Permettez-moi d’ajouter que nous publions à Paris un mensuel français appelé B. I. qui dénonce ce mensonge et cette hypocrisie depuis plus de douze ans. J’ai aussi édité en livre un discours historique de Slobodan Milosevic devant le tribunal de La Haye, un livre démentant les faussetés répandues dans le monde à propos du soi-disant “massacre” de Srebrenica, et un livre sur le général Ratko Mladic. En fin que je trouve appropriée à mon intervention, je voudrais rappeler ce que le chef des forces alliées occidentales en Europe à l’époque, le général américain Wesley Clark, a dit à Ratko Mladic : “Vous êtes le seul général que je connaisse qui ne dit jamais à ses troupes ‘en avant !’, mais ‘Suivez-moi !’”. Un drôle de compliment de la part de son adversaire le plus haut placé à un grand soldat et un grand patriote. Je vous remercie.

LOUIS DALMAS.

Directeur de B. I. • President de “Vérité et Justice. 24 mars 2009.


POUR UN TRIBUNAL DE LA CONSCIENCE HUMAINE

Depuis le sinistre soir du 23 mars, où l’ordre a été donné par le haut commandement de la superpuissance qu’est l’OTAN, de déclencher la guerre contre la petite Serbie, je n’ai cessé de dénoncer cette monstrueuse barbarie, de dénoncer l’apocalypse écologique et la destruction irréparable d’un patrimoine artistique et culturel. Le génocide qui fut perpétré et qui a transformé de grandes parties de la magnifique Serbie en champs de ruines, ce génocide ne s’est pas arrêté aux frontières de votre pays, mais s’est étendu et continue inexorablement de se répandre dans tous les pays limitrophes. Nous savons tous quand ce malheur s’est abattu sur la Serbie, mais nous ne savons pas quand ses effets cesseront de faire des victimes… Ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que nos arrière-arrière petits enfants payeront encore leur tribut de souffrance à cette calamité démentielle : 10’000 tonnes d’uranium appauvri vomies par l’OTAN sur la Serbie ! Il est doublement, même triplement, voire quadruplement insupportable de penser que c’est sous le prétexte d’apporter la paix que des dizaines de milliers de bombes ont été lâchés sur la Serbie, et que ces bombardements devaient se poursuivre sans relâche pendant 78 jours et nuits, même pendant la fête de Pâques, et que cette plus hideuse des guerres qui mettait littéralement le pays à feu et à sang, était appelée, comble du cynisme, Merciful Angel par les agresseurs ! Oui : Ange miséricordieux faisant des milliers de morts et de blessés, des centaines de milliers de déplacés (albanais et serbes), infligeant des dégâts se chiffrant à 100 milliards de dollars à la Serbie, et dévastant l’inestimable patrimoine culturel de sa province du Kosovo ! Quel était le crime de la Serbie pour être châtiée de façon aussi abominable ? Nous n’en trouvons aucun, à moins que d’avoir défendu son intégrité, sa souveraineté sur la partie essentielle de son histoire, de sa mémoire, de sa civilisation – je parle du Kosovo – puisse être taxé de crime. Ce n’est pas la faute des Serbes, si les Albanais se sont trouvés majoritaires à la fin du XXe siècle au Kosovo à force de s’y être implantés par la terreur, comme l’histoire le démontre. Tout d’abord sous le règne féodal turc, ensuite sous le règne germano-italien nazi et fasciste, et finalement sous le règne titiste communiste.

Au lieu de considérer la question du Kosovo à la lumière de ce long antagonisme historique entre Serbes et Albanais et de chercher à les rapprocher et réconcilier, on a vu au contraire les dirigeants occidentaux tout faire pour dresser les deux peuples l’un contre l’autre. Pour quelle raison ? Etait-ce pour voler au secours de l’OTAN qui n’avait plus aucune raison d’être après la dissolution du Pacte de Varsovie et la fin de la guerre froide ? Etait-ce pour garder la haute main sur les Balkans ? Etait-ce pour tester de nouvelles armes ? Où était-ce pour donner une leçon à la Russie en permettant aux Américains de monter au Kosovo leur plus grande base militaire en Europe, Bondsteel ? Toujours est-il que de vastes étendues de la Serbie, ont été dévastées par cette guerre hideuse. Peut-on vraiment parler de “guerre”, lorsque on n’est pas en face de deux ou plusieurs belligérants, mais uniquement en face d’un seul agresseur qui se tient à distance, à l’abri devant une rangée de commandes bien propres, et qui, d’un simple geste, peut désintégrer une ville et anéantir toute la vie qu’elle contient : ses hommes, ses femmes, ses enfants, ses animaux, et polluer pour des millénaires des régions entières de notre terre sacrée ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un lâche attentat maffieux ? Une telle “guerre” est une action d’assassins, une action de maffiosi ! Elie de Saint Mars, qui fut un grand soldat et un résistant déporté à Buchenwald, a écrit : “Quand un soldat donne la mort sans risquer sa propre vie, toute grandeur du métier d’armes s’effondre.” La destruction des usines chimiques, des installations électriques et des raffineries de pétrole entre autres, qui ont entraîné de graves pollutions de l’air, du sol et des eaux, est un crime qui crie châtiment. Et que dire des armes utilisés par ceux qui s’appelaient “les soldats de la paix” ? Les tonnes d’uranium, dit “appauvri”, dont ils ont arrosé villes, campagnes et forêts, y ont libéré d’incontrôlables nuages de poussières mortelles. Des régions entières de la merveilleuse Serbie, jadis appelée le Jardin de l’Europe, sont devenues des terres radioactives pour des milliers – voire des millions d’années. Or, la Serbie faisait partie des 10 plus riches pays du monde par sa biodiversité et ses réserves d’eau souterraines. La Serbie était même au premier rang mondial pour la densité des sources minérales et thermales. A l’heure où le monde s’inquiète de l’épuisement des réserves en eau, dans quel état la guerre criminelle a-t-elle laissé ces trésors en eau potable du centre de l’Europe ? On n’ose y penser ! Je le répète : le crime commis en Serbie est un crime à l’échelle planétaire !

Passant outre les accords internationaux et bafouant le droit international, l’OTAN – en particulier les Etats Unis et ses commensaux — nous a effrontément présenté cette guerre ignoble comme une “guerre propre”. Une guerre “zéro-mort”, où l’on envoyait sur des cibles bien définies des bombes intelligentes, au cours de frappes chirurgicales. On croit rêver ! Mais le rêve est un horrible, un révoltant cauchemar : comment ose-t-on proférer des absurdités mensongères aussi démentes ? Comment ose-t-on se prétendre une force du “bien” lorsqu’on se tient prudemment à distance du bain de sang qu’on déclenche et lorsqu’on est hors de portée de ses éclaboussures mortelles ? Comment ose-t-on considérer que les hécatombes humaines, les paysages détruits, les forêts rasées, les espèces sauvages éradiquées, la poussière de mort radioactive partout éparpillée pour des millénaires, comment ose-t-on affirmer que c’est “une guerre zéro mort” ? Disons-le donc, répétons-le clairement : cette guerre fratricide, infanticide et écocide fut une guerre parmi les plus sales, et peut-être la pire parmi les horribles guerres modernes, bien plus sale encore que les dernières guerres mondiales, parce qu’elle a été menée sans morale, sans honneur, sans le moindre scrupule par des gens qui, de surcroît, étaient aussi sans cervelle en lâchant sur la planète des forces démoniaques qu’ils ne pourront jamais maîtriser et qui ont fait, et feront encore naître très longtemps des enfants leucémiques, immunodéficients ou monstrueux. Car tout exposition, inhalation, ou ingestion de particules d’uranium appauvri, tout contact avec des munitions ou leurs débris, provoquent un dérèglement du système immunitaire avec, évidemment, un développement spectaculaire de l’herpès et du zona, des symptômes rappelant ceux du sida, des disfonctionnements graves des reins et du foie, la leucémie et autres cancers, l’anémie aphasique, des néoplasmes malins, des myopathies, des neuropathies, des cataractes, des troubles cardiaques et des malformations génétiques frappant les humains, les animaux et les végétaux. Tout ce qui est vivant peut être atteint. Au Kosovo, par exemple, les arbres perdent désormais leurs feuilles au mois de juin. Et des médecins ont révélé la présence d’uranium appauvri dans les urines de tous les habitants du Kosovo, qu’ils ont examinés ! Les conséquences catastrophiques des bombardements intensifs sont aussi gravissimes pour la faune sauvage – en particulier pour les oiseaux, dépassant de loin toutes les hécatombes qu’ils ont subies par les chasseurs. C’est que la péninsule des Balkans fait partie des plus importants aires de repos et quartiers d’hiver des très nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs, dont certaines très rares. Depuis des siècles, sans doute des millénaires, d’innombrables cigognes, grues et hérons survolent les Balkans nuit et jour. Or, durant la guerre, leurs couloirs aériens étaient traversés en continu par des bombardiers et des chasseurs supersoniques. Sans parler des particules d’uranium appauvri déversé sur leurs aires de repos. Des réserves paradisiaques avec ses fleuves et ses berges, l’ensemble des côtes et des vallées fluviales, ont été soumis à des bombardements incessants au moment des migrations, lorsque l’avifaune est la plus fragile. La destruction des oiseaux, comme d’ailleurs celle des amphibiens si menacés, a été telle qu’aujourd’hui il est impossible de savoir si leurs espèces y survivront. Certaines, en tout cas, sont condamnées. Les édens que furent les cinq parcs nationaux et les 116 réserves naturelles yougoslaves, les terres paludéennes où survivaient naguère encore des plantes rarissimes, des papillons, des amphibies et des reptiles, qu’on ne voit plus guère dans le reste de l’Europe, ainsi que des centaines d’espèces d’oiseaux protégés, tout cela formait un véritable sanctuaire écologique. Ce trésor unique au monde est aujourd’hui criblé d’énormes cratères truffés de substances et de déchets toxiques, ponctué de flaques huileuses et de vastes cimetières d’arbres. Il est impossible de voir de tels ravages sans avoir les larmes aux yeux, sans bouillir de colère… Les Amérindiens pensent que tout ce qui advient aux bêtes et aux plantes arrive bientôt aux hommes, car nous partageons tous le même souffle. On ne peut dissocier une forme de vie d’une autre, car c’est de leur harmonie que naît et renaît encore la vie. C’est pourquoi on peut vraiment affirmer que la guerre qui eut lieu ici est non seulement la plus déshonorante pour ceux qui l’ont menée, mais qu’elle est la plus stupide, la plus suicidaire des actions humaines : Quand on contamine la terre et qu’on infecte pour des siècles, des millénaires, les enfants de la terre du papillon à l’homme, en passant par l’arbre - on n’atteint pas "chirurgicalement" une cible précise, un peuple précis. A plus ou moins court terme on atteint ses propres descendants. Les enfants et petits enfants de ceux-là mêmes qui ont utilisé sans vergogne des armes démoniaques, paieront l’addition de leurs crimes.

On sait aujourd’hui qu’après le syndrome de la Guerre du Golfe qui a tuée 230.000 vétérans de l’OTAN et a fait naître des milliers d’enfants handicapés et horriblement difformes, il y a aussi un syndrome de la Guerre des Balkans. Il y a dix ans, après avoir conjuré les principaux chefs d’états du monde d’éviter à tout prix une guerre dans les Balkans, j’ai dénoncé l’utilisation criminelle d’armes diaboliques au Kosovo - notamment l’utilisation inacceptable de l’uranium appauvri. Cela m’a valu des critiques acerbes – j’ai été traité de fou, d’irresponsable, on m’a accusé publiquement de “débiter des inepties”, essentiellement parce que je prédisais qu’on parlerait un jour d’un “syndrome des Balkans”. Comme je regrette de n’avoir pas eu tort. Comme j’aurais préféré que les bombes à fragmentation, les balles perforantes, et les obus à l’uranium appauvri n’aient été que d’innocents pétards bien “propres” ! En avril 1999, donc en pleine guerre fratricide, infanticide et écocide, j’ai adressé une lettre ouverte au président américain en exercice, Bill Clinton, lettre que j’ai fait publier en résumé par un communiqué de presse, et en entier par une annonce pleine page dans les quotidiens Tribune de Genève et Le Soir de Bruxelles, lettre qui traduit la colère et le dégoût devant cette abomination ressentie par d’innombrables Européens :

“La guerre, y ai-je souligné d’emblée, est toujours un défi aveugle aux valeurs fondamentales de l’humanité, car elle ne considère pas la vie humaine et ne la respecte pas, mais la détruit et l’éradique. La guerre contre la Yougoslavie en est l’exemple-type. Elle en est également un exemple cynique, puisqu’elle est menée sous le couvert d’une action humanitaire tout en provoquant la plus grande catastrophe que l’Europe ait connue depuis la Deuxième guerre mondiale.” Et je poursuivais : “Si les Européens pouvaient vous parler, Mister President, il vous feraient part de leur révolte de voir l’Amérique, bien à l’abri sur son continent aux antipodes, bombarder à coup de centaines de millions de dollars par jour, outre des cibles militaires, également des hôpitaux, des écoles, des usines, des administrations, des ponts, des quartiers résidentiels, des églises, des monastères, des réfugiés albanais et serbes, et d’envisager froidement, toujours sous le couvert d’une ‘action humanitaire’, la condamnation chimique et radioactive de grandes parties du continent européen, en frappant aujourd’hui des raffineries et des usines chimiques, demain des centrales nucléaires. (…) Ils vous diraient que vous détruisez la terre, la faune, la flore, l’environnement non seulement des Serbes mais aussi d’innombrables Albanais. Que vous détruisez leurs vies, leur santé, leurs espoirs, leurs œuvres, leurs structures matérielles et sociales et leurs racines spirituelles et culturelles. Que vous causez une catastrophe mille fois plus grande que celle que vous prétendez combattre.” Et je concluais : “Ils vous diraient qu’il faut dissoudre cette alliance de malheur qu’est l’OTAN et la remplacer par une alliance mondiale de la paix qui impose le dialogue en toute circonstance par des moyens non violents. Ils vous diraient que cette guerre est indigne des Etats-Unis. Que vous devez l’arrêter immédiatement. Et qu’en l’arrêtant, vous servez non seulement la Paix, mais aussi la cause de l’Amérique.”

Inutile de dire que cette lettre, qui fut saluée par des millions d’Européens, est restée sans réponse. Devant ce coupable mutisme, il est plus urgent que jamais que l’Alliance mondiale de la paix dont j’ai demandé, il y a dix ans, la constitution en remplacement de la hideuse OTAN, soit enfin réalisée et, pour faciliter cette entreprise salutaire, que votre pays réclame, par voie judiciaire, des comptes à l’OTAN. Des comptes pour son agression contre la Serbie qui n’a jamais fait de tort à aucun des pays attaquants. Je dirais que la Serbie est non seulement en droit, elle est même obligée devant l’Histoire de réclamer des comptes pour les dommages apocalyptiques et irréparables qu’elle a subis. Elle est également obligée de demander justice aux fauteurs de guerre, tel le porte-parole otanien de l’époque, Jamie Shea, qui ne cessait de proférer haineusement depuis Bruxelles : “Nous rejetterons la Serbie à l’âge de pierre.” Dites-vous bien que le crime commis par l’OTAN ne sera jamais prescrit ! Votre pays a droit à des dommages et intérêts astronomiques. Criez-le à la face du monde en portant plainte pénale contre l’OTAN. Traduisez l’OTAN devant la Cour Internationale de la justice de la Haye ! Votre pays a droit à des réparations, a droit à 500 milliards de dollars ! Et si ce tribunal tardait ou refusait de donner suite à votre plainte, la plainte de la Serbie, je vous propose, chers alliés ici présents, de prendre les choses en main en créant un nouveau Tribunal, le Tribunal des peuples opprimés et non alignés, et de faire cette année encore, à Genève, en présence de la presse internationale, un procès moral retentissant à l’OTAN. Le crime commis en Serbie par l’OTAN concerne chacun de nous, concerne tous les citoyennes et citoyens non seulement de l’Europe, mais du monde entier. Ce crime doit être réparé devant l’Histoire, soit pénalement par le Tribunal de la Haie, soit moralement par le Tribunal de la Conscience humaine que je vous propose. Comment l’Europe pourrait-elle garder son honneur et sa fierté, si cet énorme crime n’était pas réparé ? C’est par un tel procès, soit pénal à la Haye, soit moral à Genève que la vérité, toute la vérité peut enfin éclater dans le monde occidental, ce monde qui se bouche les yeux et les oreilles devant l’insupportable tragédie subie par la Serbie. D’ores et déjà je puis vous assurer que, si nécessaire, ma Fondation organisera à Genève ce procès de la vérité. C’est la vérité qui sauvera le monde ! Depuis ma lointaine bataille pour sauver les forêts alluviales du Danube à l’extrême est de l’Autriche, depuis la campagne menée avec l’écrivain Komnen Becirovic pour protéger les fameux sanctuaires de Studenica et de Moraca, je me suis toujours senti profondément concerné par les menaces qui se sont succédées dans cette partie de l’Europe, notamment au Kosovo. J’ai mis toute mon énergie à tenter de sauvegarder cette terre si belle, ce jardin de l’Europe, ses monuments, ses sanctuaires, ses fleuves, ses forêts et, bien sûr, ses habitants. N’en doutez pas : je continuerai, coûte que coûte ! Contre toutes les dévastations insensées, contre le pouvoir de Goliath, j’opposerai la fronde de l’homme de bonne volonté, comme je le fais depuis plus de quarante ans au cours de mes batailles en faveur de la terre et de la vie !

Franz WEBER.


Interview Louis DALMAS (DISSONANCE)

1 - Louis Dalmas, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez vous présenter (parcours, idées, etc etc) et présenter votre lien très fort avec la Serbie ? Je suis écrivain et journaliste. Mon dernier livre s’appelle “Le crépuscule des élites” (Editions Tatamis, Paris). J’ai été, en 1949, le premier journaliste à faire une interview du maréchal Tito après sa rupture avec le Kominform. Par la suite, j’ai exercé mon métier de journaliste (rédacteur, photographe, réalisateur de courts métrages de cinéma) dans la grande presse française sans contact particulier avec la Yougoslavie. Ce n’est qu’au début des conflits des années 1990 que j’ai constaté une partialité antiserbe dans les grands médias et que je m’y suis intéressé.

2 - D’ou vous est venue l’idée de créer Balkans Infos et que pouvez vous nous dire sur cette revue aujourd’hui ? (tirages, participants, distribution, financement, objectifs etc etc ?). En 1996, devant la multiplication des mensonges répandus dans les médias sur les Serbes, j’ai fondé le mensuel “Balkans-infos” dont je suis toujours le directeur, et dont le but était de rétablir un certain équilibre dans les informations sur la guerre dans les Balkans. Depuis 2002, “Balkans-infos” est devenu “B. I.” pour ne pas se limiter aux seuls problèmes balkaniques et pouvoir traiter de l’ensemble des affaires internationales. Le journal dénonce trois tares principales : les excès de l’impérialisme américain et du mondialisme, les fanatismes religieux (de toutes les religions) et les manipulations médiatiques de la propagande. Nous avons près de 1.800 abonnés et ne sommes financés que par les abonnements et les dons de soutien au journal.

3 - La Serbie d’aujourd’hui semble totalement scindée en deux entre un électorat "euro-libéral" pro Européen et un électorat "contestataire" partagé entre socialistes et patriotes, contre l’intégration dans l’Union Européenne. Que pensez vous qu’il advienne lors des prochaines échéances électorales ? Quelle est votre opinion sur l’UE et la Serbie ? (doit elle intégrer ? Et sinon quelle orientation ?) L’entrée dans l’Union européenne a déjà déçu beaucoup de pays issus de l’éclatement de l’empire soviétique ainsi qu’un certain nombre de nouveaux membres, car elle suppose l’intégration au système économique néolibéral américain et l’acceptation de l’hégémonie impériale de Washington. Je ne pense pas que ce soit l’intérêt de la Serbie de devenir un satellite américain de plus.

4 - Le Kosovo aujourd’hui n’est toujours pas reconnu par la majorité des états du monde, et d’ailleurs principalement que par ceux de l’OTAN. La situation pour les Serbes y est de pire en pire, comment voyez vous l’avenir de ce territoire dans .. disons 10 ans ? Statu quo ? Partition ? Retour dans le giron Serbe ? Comme toujours, l’accumulation d’erreurs crée un engrenage qui aboutit à des situations de plus en plus difficiles à régler. Le Proche-Orient en est un exemple. Pour le Kosovo, la communauté internationale, dirigée par les USA, a prolongé le crime de l’agression de la Yougoslavie par l’OTAN par un soutien constant de la partie albanaise et par la reconnaissance inadmissible d’un Etat-croupion à direction mafieuse, où les quelques Serbes qui restent vivent dans des ghettos. Malheureusement, les haines ont été exacerbées et il me semble difficile de voir ce territoire redevenir ce qu’il n’aurait jamais du cesser d’être, une province serbe. Peut-être la partition est-elle une solution, à condition qu’elle soit juste et ne favorise pas qu’un seul côté.

5 - Le nouvel ordre mondial décrété en 1991 par l’Amérique semble être arrivé a son terme. On assiste à une sorte de renaissance de grands espaces auto-centrés en Asie (Chine, Inde), dans le monde musulman (Turquie, union panafricaine ..), en Eurasie (Russie ..), en Amérique du sud (Brésil, Vénézuela ..). L’Europe semble totalement absente de cette renaissance, incapable d’unité entre l’Europe Atlantiste (nouvelle Europe) et l’Europe continentale (qui ne coupe pas les ponts avec l’OTAN), qu’est ce que tout cela vous inspire ? L’Europe qu’on veut nous imposer est une fabrication totalement artificielle de la haute finance, des sociétés transnationales, des groupes industriels et de la minorité de la richesse. De plus, elle ne cesse de se fragmenter en petites nations ethniquement purifiées qui dépendent de l’aide d’organismes inféodés au USA comme le FMI ou la Banque mondiale. Si elle veut représenter une force réelle, elle ne pourra le faire qu’en associant des nations indépendantes conformes au modèle républicain : souverain, pluraliste, laïque et social. C’est d’ailleurs de cette façon que se constituent les nouveaux ensembles mondiaux qui commencent à rivaliser avec l’empire américain.

6 -La France vient de faire le choix de réintégrer le commandement armé de l’OTAN. Pourtant au même moment, l’administration Sarkozy semble jouer l’adoucissement avec la Russie. Dans le même temps, des voix se font entendre (mouvances d’extrême gauche, divers intellectuels ..) pour que la France intègre l’organisation de la coopération de Shanghai, quelle est votre opinion à ce sujet ? Sarkozy n’en est pas à sa première trahison de l’héritage gaulliste. La France n’a rien à faire dans l’OTAN, un organisme qui aurait du disparaître depuis longtemps. Elle doit renouer des alliances qui feront contrepoids à l’hégémonie américaine, notamment avec la Russie, la Chine, l’Inde et les pays progressistes de l’Amérique latine.

7 - A l’heure de la crise financière, tout le monde s’accorde à enfin dire que "peut être" que la globalisation libérale à "échoué", et que le modèle Occidental pour l’humanité n’est peut être pas le "meilleur", d’après vous "d’ou" viendront les nouveaux modèles économiques ? Le capitalisme néolibéral américain, qui ne survivait que grâce à des expédients dangereux et aux bouffées d’oxygène de la guerre, a explosé. Les remèdes proposés sont des pansements sur une jambe de bois. La “relance” américaine et la “régulation” germano-française ne sont que deux moyens de replâtrer un système économique en faillite. Il faudra le modifier en profondeur, notamment repenser complètement le rôle de l’Etat et les rapports entre propriété privée et propriété publique.

8 - Pour les Européens, les grandes inquiétudes du futur sont le plausible leadership économique Chinois et l’explosion démographique des populations musulmanes, notamment à l’intérieur de l’Europe. Comment estimez vous compatible / incompatible ces deux éléments ? Ce sont deux problèmes différents. Celui de l’économie peut se résoudre si les Etats européens retrouvent à la fois leur indépendance et leur contrôle social de la répartition de la richesse. Celui de la religion ne peut se résoudre que par une défense ferme de la laïcité : toute fusion d’une religion et d’un Etat doit être combattue, en même temps que tout culte doit être respecté à la condition de rester strictement dans le domaine spirituel. Cela veut dire ne pas se laisser intimider par des pressions en tous genres et imposer avec rigueur la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans le cadre de la loi républicaine.

9 - L’amérique de Obama "semble" vouloir faire la paix avec le monde entier, quelle est est d’après vous la ligne qu’adoptera la nouvelle administration ? Peut on réellement attendre un "changement" ? En surface, la politique américaine sera moins arrogante et belliqueuse ; en profondeur elle sera toujours celle d’un gouvernement qui veut diriger le monde. Mais il faut profiter de cette nouvelle souplesse pour faire comprendre à la Maison Blanche qu’elle n’est pas le seul guide de l’humanité.

10 - Le pentagone semblait vouloir aspirer l’Ukraine dans l’OTAN (apres l’échec Georgien) et installer sa flotte dans la mer noire. Ajouté aux remous politiques en cours et aux échéances électorales proches en Ukraine, peut on d’après vous imaginer un "conflit" proche dans ce pays et une scission en deux ou trois entités, a la manière Yougoslave ? La Russie défendra l’unité de l’Ukraine et ses liens privilégiés avec elle plus fortement que dans le cas de la Yougoslavie, car de plus importants intérêts stratégiques sont en jeu, en plus de l’histoire slave commune. Elle ne permettra pas un démembrement de l’Ukraine comparable à celui de la Yougoslavie.

11 - L’agitation est également grande autour de l’Arctique, B. I. y a d’ailleurs consacré un article fort intéressant dans son numéro de janvier. Récemment, les pays de l’OTAN ont organisé des manoeuvres militaires à grande échelle en Norvège (7.000 soldats de 12 pays) pour simuler une invasion de l’Arctique et une sécurisation des champs pétroliers. Pensez vous que l’Arctique puisse devenir la zone de conflit essentielle du 21e siècle comme le pensent certains spécialistes en géopolitique ? Ce sera certainement une zone de conflits importante car la bataille pour les ressources sous-marines y a déjà commencé. Mais ce ne sera pas la seule : il y aura aussi des conflits importants à propos de l’eau.

12 - Le 24 mars dernier, c’était l’anniversaire des bombardements de 1999 sur la Serbie, que vous inspire cet événement et étiez vous à Belgrade ? J’ai participé au Forum pour un monde d’égaux qui a marqué avec succès à Belgrade le triste anniversaire de l’agression de l’OTAN, et j’y ai fait une intervention. Les deux jours de la manifestation ont été un plein succès dont il faut féliciter nos amis serbes. Le bombardement de la Yougoslavie est une honte pour la communauté internationale qu’il ne faut pas oublier.

13 - Pourriez vous conseiller 5 ouvrages clefs à lire, 5 sites / blogs a consulter ? Plutôt que des ouvrages, je conseillerais des auteurs. Il faut lire les livres de Pierre-Marie Gallois, Maurice Pergnier, Michel Collon, Patrick Barriot, Diana Johnstone et Gilles Troude. Il y a aussi les trois livres édités par notre édition “Le Verjus” : “Ma Vérité” par Slobodan Milosevic, “Le dossier cahé du ‘génocide’ de Srebrenica” et “Ratko Mladic, criminel ou héros” par Milo Yelisseyevic et moi-même. Et peut-être, s’ils veulent avoir un point de vue non-conformiste sur les événements actuels, le mien, qui est paru récemment : “Le crépuscule des élites ”.

14 - Avez vous quelque chose à exprimer aux lecteurs du blog DISSONANCE ? Qu’ils encouragent par leurs visites et leur soutien les blogs indépendants comme celui-là, qui démentent les mensonges de la propagande impérialiste, et qu’ils répandent autour d’eux les notions d’indépendance et de progrès.

15 - Sujet libre pour vous : vous pouvez aborder n’importe quel point de vue, n’importe quel sujet. Je voudrais simplement ajouter qu’en plus de la crise financière, il y a un drame au moins aussi important, sinon plus, qui touche des millions de malheureux : celui de la faim. La spéculation sur les produits de base nécessaires à la vie et la politique criminelle des grands trusts alimentaires a ruiné beaucoup d’agricultures locales et de grandes parties du monde sont trop pauvres pour acheter de quoi se nourrir.

Louis DALMAS interviewé par DISSONANCE

 






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1 Commentaire

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  • #258232
    Le 10 novembre 2012 à 10:30 par zoran
    Forum de Belgrade pour un monde d’égaux

    Concernant le conflit du Kosovo entre serbes et albanais, les raisons sont purement ethnico-religieuse d’ailleurs même avant l’indépendance du Kosovo, l’Arabie saoudite n’avait pas tardé des que le calme fût d’importer leurs islam "authentique" malheureusement bien reçu par les albanais du Kosovo, qui recevaient aussi un embellissement des régions du Kosovo à majorité albanaise.
    En revanche les serbes eux subissent l’islamisation "d’usine" qui a pour but de convertir ou de conquérir un maximum de personnes ou de frontière.
    Donc quand quelques serbes résiste et décide de rester malgré les menaces ils sont victimes de terreur de la part des albanais pro-UCK et d’un islam radical mais qui pourtant adore l’Amérique parce qu’elle a bombardé les serbes non pas pour les intérêts des albanais mais bien pour les siens. Les quelles je n’en sait rien peut-être pour passer un message de soumissions de mondialisation à la Russie qui est, un pays slaves à plus de 90% tout comme la Serbie et qui appartiennent à la meme religion "Christianisme orthodoxe" ceux qui explique grandement leur fraternité entre ceux ci.
    Ou plus simplement une haine anti serbe justifié ou injustifié.
    Quelles est le but pour les pays occidentaux ou de l’OTAN de tourné le dos au grande puissance non occidentalisé comme la Chine ou la Russie vice versa.

     

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