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"Green Zone", de guerre lasse

Le réalisateur britannique Paul Greengrass dénonce les mensonges de l’administration Bush ayant conduit à la guerre en Irak dans un film politique puissant servi par les codes du cinéma de divertissement.

Cet homme-là a su mêler film de guerre et documentaire ("Bloody Sunday" (2002), sur les émeutes de 1972 en Irlande du Nord), secouer le film d’espionnage avec la série des Jason Bourne ("La mort dans la peau", "La vengeance dans la peau"). Le britannique Paul Greengrass va aujourd’hui encore plus loin. Et signe avec "Green Zone" un divertissement diablement ambitieux où les codes du thriller, des films de guerre et d’action sont au service d’un propos politique.

Dans sa ligne de mire, les mensonges de l’administration Bush ayant conduit les Etats-Unis à entrer en guerre contre l’Irak au prétexte que ce pays regorgeait d’armes de destruction massive (ADM). C’est justement pour débusquer ces ADM que le sous-officier Roy Miller (Matt Damon) et ses hommes sont envoyés dans le désert irakien en 2003. Sauf qu’ils font chou blanc devant chacune des caches censées abriter gaz toxiques et autres molécules bactériologiques. Jusqu’à ce que Miller en vienne à mettre en douter la réalité de ces armes.

On est, une fois de plus, bluffé par cette force des cinéastes anglo-saxons à embrasser l’Histoire récente avec une précision quasi documentaire. Et cette manière de partir d’une histoire individuelle pour raconter celle de toute la nation. Tout est dit, ici, sans qu’il soit besoin de revenir sur la prestation de Colin Powell à l’ONU, l’attitude de Donald Rumsfeld ou les liens entre Dick Cheney et les entreprises implantées en Irak au lendemain de l’arrivée des Américains.

S’appuyant sur l’enquête du journaliste du Washington Post Rajiv Chandrasekaran sur la "Green zone" (périmètre de 10km2 abritant le QG des forces américaines à Bagdad), Greengrass remet les choses en perspective, montre une administration et une armée déconnectée de la réalité, prête à tout et même au pire pour arriver à ses fins. Sans parler de la manipulation de la presse et du traitement méprisant infligé à la population irakienne.

Tout ceci n’est jamais dit de manière sentencieuse. Au pamphlet, le réalisateur a préféré miser sur l’efficacité des techniques du septième art. Caméra à l’épaule nerveuse, chasse à l’homme frénétique, sentiment de tension permanent, … Paul Greengrass s’y entend pour ferrer son spectateur et ne le lâcher qu’à la dernière image du film. Et puis il y a Matt Damon, parfait dans le rôle d’un Monsieur Toulemonde embarqué dans une situation qui le dépasse. Un divertissement de haute volée.