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Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

De la référence gastronomique à la déférence politique ?

« Selon le directeur international du guide Michelin, Gwendal Poullennec, les nouveaux étoilés de la promotion 2019 mettent en valeur la "diversité culinaire" de la France et promeuvent "la jeunesse" de notre gastronomie ». C’est dit ! Mais chez E&R, il nous en faut bien moins pour déjà sortir notre revolver !

 

Gwendal Poullennec
Gwendal Poullennec

 

Pas encore quadra, sorti d’un cursus de premier de la classe (Stanislas, prépa HEC, ESSEC), celui qui veut incarner chez Michelin « les valeurs de générosité », ce mot creux qui ne veut plus rien dire et appelle à la méfiance, nous inquiète. À 38 ans, Gwendal Poullennec est désormais marié à une vénérable dame de 120 ans, et cela a de quoi faire naître chez les Français de bien pénibles évocations. Mais ne jugeons pas trop vite, c’est peut-être par pur zèle que le jeune impétrant a péché. Mais tout de même, qu’on considère les quelques faits suivants.

 

D’abord le jeunisme : cette plaie des sociétés iconoclastes qui bazardent tout pour mieux vendre du toc parfois maladroitement ripoliné. Du neuf ! Comme si l’on entendait réussir une épaule d’agneau de 7 heures en 15 minutes. C’est la prime aux petites starlettes d’émission de télévision (Sarah Benhamed, Naoëlle D’Hainaut, Stéphanie Le Quellec, etc.), non pas qu’elles ne soient pas méritantes. Nous confessons honteusement devant notre poste nous adonner à ces plaisirs culinaires solitaires et il faut bien admettre que ces jeunes sont assez souvent bluffants. Mais le guide Michelin est une vieille dame à qui on en remontre pas : son maître mot n’était-il pas aussi et surtout la régularité ? Comment juger de la régularité chez ces rosières de la gastronomie établies depuis à peine quelques années ?

 

Naoelle d Hainaut
Jeune génie, mais jeune d’abord

 

Cette régularité c’est par exemple celle des mythiques Paul Bocuse, Troisgros ou autres Haeberlin, respectivement 3*** depuis 1965, 1967 et 1968. Or, il s’est laissé courir des bruits de couloirs terrifiants : à peine Paulo les bords de Saône enterré, que l’on voudrait lui retirer une étoile ! Il n’en fut rien, mais parions que l’année prochaine l’icône intouchable sera renversée par ces cacographes culinaires qui ne jurent que par le moléculaire (encore que la mode est passée), l’assemblage hérétique, le non-conformisme comme loi, les métissages cuisiniers les plus farfelus mais surtout quasi-obligatoires, le service sur des planches en bois exotique, des décors improbables épurés jusqu’à l’indigence, et autres inventions loufoques. L’important semble parfois d’être original jusqu’à l’incongruité. Le scandale avant le régal !

 

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La Permanence réifiée

 

Ici aussi le spectacle prend donc la main. Et le guide Michelin qui met depuis plus d’un siècle le holà aux modes déviationnistes est le garant de cette tradition gastronomique dont la France est le phare – et de loin – du Monde. La Nouvelle cuisine adoubée par le guide rouge a passé les années, il ne s’est pas agit d’une petite mode, il s’est agit d’une refondation profonde mais respectueuse de la génération précédente. Les feus Alain Chapel ou Senderens n’entendaient pas faire oublier le grand Escoffier, ni Paul Bocuse tuer son père putatif Fernand Point.

Cette année c’est pourtant bien L’Auberge de l’Ill à Illhaeusern (Haeberlin père puis fils) qui a perdu sa troisième étoile détenue sans discontinuer depuis 51 ans ! Nous attendons encore les explications du guide sur ce crime de lèse-majesté. Ce genre d’institutions mériteraient d’être au moins prévenues à l’avance en cas de baisse de régime. Il faut faire des exceptions, il s’agit ici de la grandeur de la France. À ce niveau d’excellence et de mythe, la maison dépasse le chef, l’ancien maître fondateur devient l’ouvrier d’une légende qui le dépasse. On ne sanctionne pas sans devancer la relégation par un avertissement.

 

 

De même c’est Marc Veyrat, le seul chef doublement triple étoilé qui obtint 20/20 au Gault & Millau, qui perd sa troisième étoile pourtant gagnée en... 2018 ! Même si le chef savoyard pratique encore et toujours des prix indécents qui interdisent toute déception, comment peut-on parler de grande table sans se projeter dans le temps long ?

Lyon capitale de la gastronomie mondiale
Lyon, capitale mondiale de la gastronomie

 

Cette année encore, en terres lyonnaises, de grands chefs comme Guy Lassausaie, anciennement deux étoiles, ou Pierre Orsi, une étoile, perdent chacun une étoile. S’il est vrai que Pierre Orsi s’est laissé aller depuis longtemps à un confort coupable dans sa grande demeure bourgeoise, il est plus étonnant que la célèbre maison de Chasselay soit rétrogradée aussi sauvagement. D’ailleurs le chef Laussausaie résume assez bien la teneur de notre propre billet d’humeur :

Je pense que le guide est parti sur autre chose, qu’il y a une nouvelle orientation. Si on regarde bien, les maisons qui ont perdu une étoile ont toutes le même profil : ce sont des maisons bien remplies, bien installées, assez classiques, mais avec de vraies cuisiniers derrière.

Oui, je pense que Michelin a voulu faire le buzz. Dans les communiqués envoyés quelques jours avant, ils annoncent une pluie d’étoiles pour les femmes, chez les jeunes. Le Michelin ne sera plus statique. Une chose est sûre : quand votre resto marche super bien et que vous avez 98 % de clients satisfaits, vous ne vous dites pas que vous allez changer quelque chose. Je n’ai eu aucun retour négatif sur la cuisine, il faudrait que le guide m’explique.

Je ne pense pas perdre trop en terme de chiffre d’affaires et de clients, ce sont surtout les habitués qui viennent. Ce que je retiens aujourd’hui, c’est surtout la sensation de mal-être au restaurant. Je ne vais pas changer mon style pour plaire au guide Michelin. Je ne vais pas faire de la mixité asiatique en servant sur des planches en bois. Mon style, c’est une cuisine classique et bourgeoise. Michelin privilégie les plus jeunes, les restaurants avec un seul menu, avec peu de couverts. Je ne veux pas juger le guide, loin de moi cette idée, sincèrement, mais c’est comme s’il donnait l’impression de mettre la cuisine plus classique un peu sur le bord du chemin.

C’est cela : exit la cuisine classique, celle « avec des os et des arêtes » faite de « beurre, de crème et de vin » comme disait Paul Bocuse. Le guide Michelin nous semble bien parti pour sacrifier de grandes maisons régulières qui font la fierté française au bénéfice de quelque étoile filante qui vous fait la poche gauche pendant que l’autre main tournoie dans un tour de prestidigitation cuistancière. On ne s’étonne plus que le pubescent nouveau directeur s’en soit laissé conter.

 

Dieudonné - Le Révisionnisme
Dieudonné, spectacle Mahmoud (2010)

 

Enfin, le politiquement correct n’épargne pas le guide rouge : féminisme, mixité, métissage culturel, diversité... Le comble de ces politiques progressistes font qu’on en vient à soupçonner les compétences des récipiendaires ! Albert Malongo Ngimbi (la Table de Saint-Crescent, Narbonne) a-t-il reçu le prix du meilleur sommelier en raison de ses origines ethniques ou par ses compétences propres ? Amélie Darvas et Gaby Benico seraient-elles d’abord lesbiennes ou des chefs cuisiniers exceptionnelles ? Virginie Giboire primée pour être une femme ou une grande cuisinière ? Le défiance persistante déprécie ces personnes sans doute très méritantes. C’est dommage.

 

Amélie Darvas et Gaby Benico - LGBT
Amélie Darvas et Gaby Benico,
entre deux makis végétaux et un vin forcément biodynamique,
s’inquiètent de l’homophobie de Bolsonaro

 

Le nouveau prix de la gastronomie durable est aussi à l’image de notre époque. Certaines grandes maisons converties aux menus 100 % Vegan offrent de la verdure étoilée à leurs clients satisfaits du monde et d’eux-mêmes. Triste. Indécrottables réactionnaires, nous préférerons toujours notre fidèle bouchon lyonnais qui ose encore afficher sur son menu : « Nous gardons la salade pour les chèvres ! ».

 

Bouchon Ma Maison Lyon
Vegans, passez votre chemin

 

Et quand une institution parisienne comme La Poule au pot, un des derniers restaurants pour noctambules, est racheté par le cathodique Jean-François Piège, le guide Michelin court servilement lui offrir une étoile. Bien sûr, on y mange bien et pour un prix presque raisonnable, mais bon sang c’est encore la prime au vedettariat et la mort programmée des établissements de la longue durée !

 

En ces temps de Gilets jaunes, déjà gavés ad nauseum des extravagances modernes qui ne leur bénéficient jamais, il serait donc bienvenu que le Guide rouge redevienne rapidement l’autorité gastronomique qu’il a su rester pendant 120 ans, garant de la culture française, celle qui traverse les siècles, dédaigne les modes et ne retient que ce que le temps, seul juge incontestable, adoube.

Voir aussi, sur E&R :

Plébiscitez la cuisine traditionnelle française
avec notre partenaire Au Bon Sens !

 






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55 Commentaires

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  • #2130491
    Le 23 janvier 2019 à 19:13 par Galangars
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Le grand remplacement culinaire
    Le processus de dépossession-réarrangement de notre imaginaire, de notre mémoire, de notre histoire et culture, appelé " le changement/les réformes/le progrès/la créativité c’est maintenant " infiltre aussi l’art culinaire. C’est la technique du chaos des forceps merveilleux : en quelques années tous les médias nous imposent des aberrations certes de haute technicité, censées être géniales, populaires. La tradition n’est plus que prétexte. Il s’agit de marketing pour objets, livres, cours de cuisine, restaurants. C’est l’éloge de la mixité des gouts et la mise en avant de personnalités d’une même communauté au détriment de millions d’autres français diplômés et compétents, devenus les larbins et ramasse-miettes des premiers. Oui, çà profite * quand même * au pays, pourvu qu’il se soumette à l’idéologie du changisme et du jeunisme, deux concepts qui n’offrent ni réflexion ni stabilité.

    Il en est de même pour l’industrie vinicole, où cette communauté à beaucoup investi, dans les bars à thèmes, les vignes. On entend un ministre s’exprimer sur le vin, on voit des livres sur le vin en magasins, bibliothèques, des émissions de télé, etc, pendant que les alimentations ferment en province et que les vignerons se suicident aux pesticides. C’est la boboïsation de la France dont parlait Soral quand il prenait l’exemple de Paris et ses nouveaux bars " et bientôt dans les rues, on pourrait voir des acteurs payés par la mairie pour jouer de vrais français, avec bérets et baguettes sous le bras ". " Cela fait parti de notre patrimoine " nous dit-on, et nous sommes censé nous taire, voire nous réjouir. Mais le farfelu, le forcé, n’a pas le même gout que le vrai, le profond.

    Nous devons nous poser des questions sur l’authenticité, l’improvisation et la mondialisation. Le mondialisme n’est pas la mondialisation ? cela me parait faux car le mondialisme organise la mondialisation. Quand je vois que la tradition est remaniée puis niée je me dis que ce progrès n’a aucun futur car il ne relève pas d’un consensus populaire.

    Deux autres sujets ont été éludés. 1- Celui du rôle des intrants pharmaco-chimiques dans l’alimentation. 2- Il se prépare depuis des années de nouveaux aliments protéinés à base d’insectes et de cellules souches. Demain on vous en vantera les mérites gustatifs et sanitaires. Je vous laisse deviner qui est derrière l’opération. Le mouvement récent des ultra végans serait-il un maillon de cette ingénierie alimentaire ?

     

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  • #2130580
    Le 23 janvier 2019 à 21:29 par clocher béret pinard
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    N’oublions pas ce plat merveilleux, bien français : la quenelle, surtout si elle est servie avec panache.
    Le Train Bleu est-il dans le guide ??

     

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  • #2130852
    Le 24 janvier 2019 à 10:01 par Charles
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Pour info, le guide Michelin a été racheté en 2018 par une société allemande, à suivre de prêt... et n’appartient donc plus à la France, pour la première fois depuis plus d’un siècle d’existence.
    CQFD.

     

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  • #2130859
    Le 24 janvier 2019 à 10:17 par Paix et paix
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Cuisine déstructurée pour une société déstructurée et maintenant un guide déstructuré , c’est Logique

     

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  • #2130930
    Le 24 janvier 2019 à 12:04 par mehmetyildizfr@yahoo.fr
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Il n’y a aucun but de qui que ce soit de détruire la gastronomie française. En rupture complète avec le terroir, le système bancaire mondial investit dans tout ce qui peut lui rapporter gros. Ils voient un potentiel à exploiter la gastronomie française pour engranger plus de fric ? Alors ils s’en foutent de ceci cela, ils investissent. Et si ces investissements détruisent la gastronomie française ? Bah ils s’en foutent. C’est les milliards qui rentrent qui compte pour eux.

     

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  • #2131088
    Le 24 janvier 2019 à 15:58 par anonyme
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    avant le "jeunisme" et tous les autres ismes dont le nouveau guide gastronomique Michelin fait le promotion, il faut quand-même ne pas oublier en tout premier déterminant de tout ça : le FRIC-ISME ces "adresses" ces "chefs" ces investisseurs dans le monde de la "restaration", ces super-diplomés de l’université qui se font du fric à dresser la liste des adresses où leurs pairs iront dépenser leur argent et attester de leur "standing" et donc de leur appartenance sociale, tout ça c’est d’abord un ghetto de riches, merdeux et imbus de racisme anti-peuple.
    Aucun intrérêt !
    je (ni la majorité des français ! 99% d’entre-eux n’en ont pas les moyens) ne vais jamais dans ces trucs.
    à quand un guides des endroits où on peut manger bon et sain pour un prix abordable à tout le monde ? à quand la diversité REELLE des individus, des régions, des goûts, etc ?
    y’en a marre de la dictature en vase clos de tous ces macroniens. La France ce sont les gilets jaunes, ils ne vont pas dans ces ghettos de luxe.

     

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    • #2131212
      Le Janvier 2019 à 18:38 par Seb
      Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

      C’est aussi stupide que de dire que comme nous ne pouvons pas nous acheter un château alors ceux-ci ne servent à rien et on devrait presque les détruire (si on suit ta logique) !

      Beaucoup de Gilets jaunes s’offrent de temps en temps (parfois même une fois par an seulement) un grand restaurant. Moi qui y vais souvent je vois bien qu’on n’y trouve pas que les riches et les bourgeois que tu dénonces.

       
  • #2131646
    Le 25 janvier 2019 à 10:40 par Cuistine
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Tres bon article,il reflète tous les changements produits au niveau de la société française à travers la "mondialisation" de la cuisine dont les valeurs traditionnelles sont désormais bannies.Si l’on regarde les menus des deux petites dames qui ont reçu une étoile, on observe que les matières premières de grande qualité ne sont pas au rendez-vous. Par ex ,on préfère le homard canadien quand on a un homard bien meilleur en France .La vraie cuisine (poule au pot,agneau de 7 h,etc) est remplacée par d’étranges mixtures,souvent non cuites,qui ne laissent aucun souvenir en bouche. On nous vend du rêve à des prix exorbitants ! Je ne trouve plus aucun sens à l’existence de ce Guide Michelin,tans pis pour les habitués...

     

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  • #2131820
    Le 25 janvier 2019 à 16:24 par sonny
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    La guide Michelin représente la gastronomie française inaccessible au commun des mortels. Donc, pour moi elle n’a aucune valeur. On doit pouvoir se nourrir chaque jour
    sans pour cela dépenser +100€ à la carte dans un restaurant 1 étoile.
    Les avancées de la cuisine française ne sont acceptables qui si elle sont accessibles aux plus nombreux.
    L’accès à une table 1 macaron Michelin en Angleterre en Allemagne ou ailleurs est de l’ordre de 60€. Les restaurateurs et entreprises en France sont trop imposés.
    C’est pourquoi la carte d’un restaurant 1 macaron Michelin n’est accessible qu’à partir de 120€

     

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  • #2132309
    Le 26 janvier 2019 à 09:04 par Grindsel Tirédunevi
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Tout un monde vaniteux qui s’écroule. La gastronomie française a tuée la vraie cuisine familliale, avec le travail des femmes et l’école obligatoire. Comme tout le reste dans ce pays : figé, académique, orgueilleux, froid... Voué à disparaître tôt ou tard.

     

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  • #2132349
    Le 26 janvier 2019 à 10:54 par me-ne-frego
    Guide Michelin 2019 : un tournant qui inquiète

    Excellent article.

     

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