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Interview de Gilles Munier par Denis Gorteau : « Saddam Hussein est mort, son message demeure… »

Propos recueillis le 3 février 2007 par Denis Gorteau (Site www.que-faire.info)

Saddam Hussein : le nationaliste arabe

QUE FAIRE : Saddam Hussein était avant tout un militant puis un dirigeant du parti Baas, selon vous quelle trace laissera-t-il dans l’histoire tourmentée du nationalisme arabe ?

Gilles Munier : Saddam Hussein a été, avec Gamal Abdel Nasser, un des personnages clé d’un cycle historique commencé avec la nationalisation du Canal de Suez le 26 juillet 1956. C’est le père de l’Irak moderne, un révolutionnaire qui avait les moyens de ses ambitions et qui les réalisait. Avec lui, l’Irak s’est développé au point de devenir un exemple dangereux pour les Etats-Unis et Israël. C’est son principal crime, la cause du renversement du régime baasiste.

Saddam Hussein laissera la trace d’un Président qui a cherché à redonner à la Mésopotamie sa splendeur d’antan, à faire de Bagdad le phare du monde arabe. Il est mort au combat, mais qu’on ne s’y trompe pas : sa disparition ne fait pas disparaître son message.

QUE FAIRE : Comment expliquez-vous que l’idée même de limiter l’éclatement étatique des Arabes a échoué au Moyen-Orient ?

G.M : Les accords secrets Sykes-Picot, signés en 1916, n’avaient pas simplement pour but de partager le Proche-Orient entre la France et la Grande-Bretagne. Un de ses objectifs était d’empêcher les Arabes de s’unir en un seul royaume voir, plus tard, en une fédération ou en un seul Etat.

En créant des Etats ou des Emirats avec des frontières dessinées pour être la source de conflits à répétition, en manipulant des minorités ethniques ou religieuses, en organisant des coups d’Etat, les grandes puissances ont neutralisé dans l’oeuf la plupart des tentatives d’union. Les désaccords idéologiques entre régimes et les problèmes de personnes ont fait le reste.

Finalement, la République Arabe Unie (RAU) fondée en 1958 par le Président Nasser et Michel Aflak, qui se voulait l’amorce de la grande fédération dont rêvent les Arabes depuis la fin du Califat, demeure un modèle pour les générations futures, malgré son échec.

QUE FAIRE : Beaucoup de militants de gauche très hostiles aux guerres américaines contre l’Irak ont souvent rappelé que Saddam Hussein était aussi un « tueur de communistes », qu’en est-il au juste ?

G.M : On pourrait aussi dire que les chefs communistes irakiens étaient des « tueurs de baasistes »… et ils le sont encore, du moins ceux du PCI qui participent à la chasse aux résistants et aux tueries actuelles !

En Irak, entre 1958 et 1963, le parti communiste était le grand concurrent du parti Baas. C’était à qui s’emparerait du pouvoir le premier, et cela passait généralement par l’élimination physique de l’adversaire

Le nombre des morts dans les rangs du PCI n’a pas empêché ce parti de s’allier au Baas après le Révolution de juillet 1968. Il serait resté au gouvernement s’il n’avait pas fomenté ensuite un coup d’Etat militaire. La répression qui a suivi a fait de nombreuses victimes, mais de là à présenter Saddam Hussein comme « tueur de communistes », c’est réducteur et exagéré.

Saddam Hussein et ses compagnons n’acceptaient pas la remise en cause des acquis de la révolution et de l’unité du pays. En s’alliant à des pays qui voulaient déstabiliser l’Irak – les Etats-Unis, Israël, l’Iran - les chefs communistes, les féodaux kurdes, ou les obscurantistes religieux, menaçaient les deux. Ils savaient ce qu’ils risquaient. S’ils l’avaient emporté, ils auraient massacré leurs adversaires, comme le font aujourd’hui les escadrons de la mort.

QUE FAIRE : Avant l’invasion du Koweït Saddam Hussein était le meilleur ami de l’Occident, eut-il le sentiment d’être manipulé ? Regretta-t-il a posteriori l’attaque de l’Iran ?

G.M : Saddam Hussein était surtout « l’ami » de la France et de l’Union soviétique, pas des Etats-Unis qui lui reprochaient son soutien à la cause palestinienne. Les relations américano-irakiennes ne se sont améliorées qu’après l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny et la prise d’otage de l’ambassade US à Téhéran. Cela s’est traduit au plan militaire, semble-t-il, par l’accès à certains gaz de combat et à des armes chimiques. Des hélicoptères nécessaires à leur utilisation auraient été livrés.

Les Etats-Unis n’ont jamais été vraiment en odeur de sainteté à Bagdad. A ma connaissance, les Irakiens ne leur ont pas acheté de chars, de canons, de fusils d’assaut, ni des missiles ou des avions de chasse. En Irak, la grande majorité des armes était russes ou françaises. En Iran, elles étaient américaines. L’après-vente était assuré par des voies détournées.

En revanche, les services de renseignements US communiquaient des photos satellite des positions iraniennes à l’Etat major irakien. On disait à l’époque à Bagdad qu’il fallait les prendre avec des pincettes car elles étaient parfois trafiquées pour attirer l’armée irakienne dans des pièges. Cela explique, paraît-il, l’occupation de la presqu’île de Fao par les Pasdarans.

La guerre Iran-Irak était inéluctable. Les régimes au pouvoir dans les deux pays étaient inconciliables. L’ayatollah Khomeini voulait « libérer » Nadjaf et Kerballa. Saddam ne voulait pas d’un régime islamique de type safavide à Téhéran, c’est-à-dire se réclamant d’un courant sectaire persan qui a détourné le chiisme originel.

Les occidentaux ont soutenu l’Irak tant que c’était leur politique. François Mitterrand, par exemple, craignait que l’influence iranienne s’étende jusqu’au Maghreb et dans les banlieues françaises ! Les armes livrées et les crédits ouverts n’étaient pas gratuits, mais remboursables avec intérêts. Puis, lorsqu’il est apparu que l’Irak gagnait la guerre, il a eu l’Irangate et l’affaire Luchère, c’est-à-dire des livraisons secrètes d’armes américaines et françaises à l’Iran. C’était l’amorce du retournement d’alliance de 1990…

Je ne crois pas que Saddam Hussein ait été manipulé, ni regretté d’avoir mis fin à la menace iranienne. Il n’avait pas d’autre choix. Cela n’a d’ailleurs pas suffit : depuis avril 2003, l’Iran est de retour en Irak avec Al-Dawa et les Brigades Badr. Il ne faut pas s’étonner si le Président irakien a appelé à la résistance contre l’invasion iranienne juste avant sa pendaison.

Le raïs

QUE FAIRE : Après 1991, Saddam Hussein apparaît en Occident comme un tyran démoniaque et sanguinaire. Selon vous son régime tout oriental fut-il plus ou moins brutal que les pays voisins ?

GM : Tout est relatif. En Jordanie, il y a eu le massacre dit de Septembre noir en 1970. Les commandos bédouins fidèles au roi Hussein ont « nettoyé » les camps palestiniens et certains quartiers d’Amman à l’arme blanche. En Syrie, en 1982, il y a eu le massacre de Hama. Au Liban, la même année, celui du camp de Sabra et Chatila. En Iran, la révolution islamique a fait des milliers de victimes…. etc… etc…

Le régime baasiste n’était pas plus violent que ses voisins. Il l’était moins que ne le sont les Etats-Unis en Irak. Certes, les régimes révolutionnaires n’y vont jamais de main morte, mais ce n’est pas une raison pour prendre les féodaux kurdes irakiens et les militants d’Al-Dawa pour des démocrates. Au pouvoir, ils font ce qu’ils reprochent à leurs ennemis.

Pourquoi se focalise-t-on sur les brutalités exercées dans des pays étrangers, de préférence par des Arabes, des Asiatiques ou des Africains ? Les Anglais ont utilisé des gaz de combat contre les Kurdes ; les Américains des armes interdites au Vietnam et en Irak ; les Israéliens massacrent les Palestiniens depuis 1948 et ont bombardé le Liban avec des bombes à fragmentation. En France, nous n’avons pas non plus de leçon à donner. Il suffit de se souvenir de ce qui s’est passé à Madagascar et en Algérie.

QUE FAIRE : Pour être clair que peut-on dire de sérieux des accusations qui reviennent le plus souvent (utilisation de gaz contre l’armée iranienne et les civils kurdes) ?

G.M : La guerre Iran-Irak a été, notamment, une guerre des gaz. L’Iran en a utilisé en Arabistan à Mouhammara (baptisé Khoramshar par les Perses) et à Halabja. L’Irak en a utilisé chaque fois que des offensives massives perçaient ses lignes. Des civils en ont fait les frais, malheureusement. Pour être crédible, approcher la vérité, porter un jugement définitif, il faut tout mettre sur la table.

On attend toujours que les services secrets occidentaux disent qui gazait qui, quand et avec quoi. Il faut qu’ils désignent les hommes politiques qui ont autorisé des entreprises à vendre les produits chimiques nécessaires à leur fabrication, dire où ont été formés les militaires qui les utilisaient.

Ceux qui accusent encore le Président irakien de tous les maux devraient changer de disque. Pourquoi n’enquêtent-ils pas sur le rôle joué par l’Iran, George Bush père, Donald Rumsfeld ou Jalal Talabani dans l’affaire de Halabja. Ils sont mouillés jusqu’au cou.

QUE FAIRE : Que répondez-vous à ceux qui pensent que son régime est devenu, au fil du temps, de plus en plus personnel et clanique et de moins en moins baasiste ?

G.M : Là encore, il faut faire la part de l’intox et des nécessités. L’exercice du pouvoir n’est pas le même partout. Il dépend de l’histoire d’un pays, de sa société, de sa culture. L’Irak a été en guerre depuis le début des années 80. Il est normal que le pouvoir y ait été concentré autour du chef de l’Etat. Cela a ses avantages sur le plan sécuritaire, mais aussi ses inconvénients. Je ne citerai que le poids croissant des courtisans, des opportunistes qui faisaient barrage dès qu’une information adressée au Président ne leur convenait pas.

Le régime n’était pas moins baasiste. Si le parti avait disparu, Saddam n’aurait pas pu résister pendant les 13 ans d’embargo, ni préparer le pays à résister. Personne ne dit que la majorité des dirigeants représentés sur le jeu de cartes de Rumsfeld était chiites, pas tikritis. Aujourd’hui, si la résistance est encadrée par des baasistes, c’est bien parce que le parti existait en 2003 et qu’il était représenté dans toutes les couches de la société.

QUE FAIRE : On fait souvent crédit à Saddam Hussein d’avoir garanti des droits réels aux Chrétiens et aux Irakiennes. Qu’en était-il après 1991 quand son discours s’est « islamisé » (construction de mosquées, islamisation du Baas, polygamie davantage tolérée, etc.) ?

G.M : Des droits normaux n’étaient pas seulement garantis aux Chrétiens, mais à toutes les communautés religieuses et elles sont nombreuses. Avec la guerre Iran-Irak, et surtout durant la tragédie de l’embargo, le poids de la religion s’est accru dans la société, chez les musulmans, les chrétiens des églises orientales ou non, chez les Yézidis, les Shabaks…etc…. Les confréries soufis se sont développées. De petits groupes wahabites se sont constitués. Les Frères musulmans ont repris leurs activités, discrètement.

Les femmes ont surtout pâti de l’embargo qui a fait régresser la société. Il ne faut pas mettre en cause l’islam mais le blocus. Leur situation était néanmoins meilleure que dans certains pays voisins et un rêve comparé à leur sort quotidien depuis avril 2003.

Le parti Baas n’est pas un parti laïc au sens où on comprend ce mot en Occident. Son fondateur Michel Aflak disait que l’islam était la meilleure expression du désir d’éternité et d’universalité de la nation arabe et qu’arabisme et l’islam ne pouvaient être antagonistes. Après 1991, on n’a pas seulement construit des mosquées, mais aussi des églises. Des aides substantielles ont été accordées à toutes les communautés religieuses, y compris bien sûr aux juifs irakiens.

L’homme

QUE FAIRE : Très jeune Saddam Hussein fit preuve de courage et de dévouement à la cause baasiste, d’après vous le courage était-il sa seule qualité ?

G.M : Il était courageux, sa fin l’a encore démontré. Il était intelligent, pragmatique, déterminé, juste, à l’écoute de son peuple. Il préférait régler les crises par la négociation, sans que personne ne perde la face. Sinon, comment aurait-il pu tenir si longtemps au pouvoir ? Les Irakiens ont toujours détenu des armes chez eux, s’ils avaient été mécontents, ils s’en seraient servi contre lui, comme ils le font pour se débarrasser des dirigeants actuels.

QUE FAIRE : Vous avez rencontré cinq fois l’ex président irakien, que pouvez-vous nous dire de sa personnalité ?

G.M : C’est un honneur pour moi de l’avoir rencontrer. Quand on se retrouve devant un homme adulé par les uns, décrié par d’autres, diabolisé à l’excès, on est troublé. Lors de ma première audience, je m’attendais à découvrir une sorte de roi mésopotamien, un calife. Il était debout au milieu de la pièce, souriant, une lueur de malice dans les yeux. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est sa simplicité. Je l’ai revu l’année suivante en compagnie d’une vingtaine de villageois kurdes. Il consacrait un temps infini à écouter leurs doléances et y répondait franchement, sans fioriture.

QUE FAIRE : Quelles relations avait-il avec ses fils ? Voulait-il en faire les futurs maîtres de l’Irak (comme Hafez al-Assad avec Bachar) ?

G.M : Les relations entre le Président et son fils aîné Oudaï, ont été parfois houleuses. Il l’a fait arrêter et l’a exilé chez son oncle Barzan, alors ambassadeur auprès de Nations unies à Genève. Qussaï, son second fils, était secret. On dit que son père l’appréciait. Il lui avait confié des responsabilités importantes. Et puis, il y a aussi Ali, un troisième fils toujours vivant, dont on n’a jamais beaucoup parlé.

Oudaï et Qussaï - et le fils de ce dernier Mustapha, âgé de 14 ans - sont morts courageusement à Mossoul dans le siège de la maison par les forces spéciales américaines. Tout ce que certains Irakiens pouvait leur reprocher a été effacé par le courage qu’ils ont manifesté ce jour-là.

En 2003, l’heure de la retraite n’avait pas sonnée pour Saddam et il n’y avait pas de n°2 officiel. Ce n’est pas parce que Hafez al-Assad a choisi son fils pour lui succéder qu’il en aurait été de même en Irak. Pour qu’Oudaï ou que Qussaï lui succède, il aurait fallu que la Direction régionale du parti leur fasse allégeance. Ce n’était pas gagné d’avance.

QUE FAIRE : Aujourd’hui la fille de Saddam Hussein poursuit-elle une carrière politique ?

G.M : Raghad a du charisme et de l’influence. Pour l’instant, elle ne s’est occupée que de la défense de son père. Le bruit court qu’elle veut unifier la résistance autour de son nom, mais en Jordanie, où elle réside, sa marge de liberté est étroite.

L’écrivain

QUE FAIRE : Avant l’invasion de 2003 certains affirment que Saddam Hussein écrivait. Que savez-vous à ce sujet ?

G.M : Oui, il écrivait. Il a continué à écrire dans ses diverses planques après la chute de Bagdad, puis en prison. Il a écrit au moins quatre romans et de très nombreux poèmes qui, j’espère, seront publiés un jour. Sa famille réclame ses mémoires, confisqués par le soi-disant gouvernement irakien.

QUE FAIRE : Vous avez préfacé un de ses romans « Zabiba et le roi », pourquoi a-t-il écrit ce livre ?

G.M : La traduction en langue française de cet ouvrage, à laquelle j’ai également participé, a permis sa publication au Portugal et au Brésil, en Russie et au Japon. Des contacts étaient pris pour réaliser un film…

Pour moi, « Zabiba et le roi », publié sous le pseudonyme « Par son auteur », est un conte philosophique. Il est vraiment prémonitoire, vu ce qui se passe en Irak depuis 2003. Je crois que Saddam Hussein voulait montrer à ses contemporains la façon dont il vivait, ce qui se passait derrière les murs du palais présidentiel : les luttes d’influence, les complots, les traîtrises… etc… Il voulait que ses lecteurs partagent son amour pour un Irak uni et souverain.

QUE FAIRE : Vous qui connaissez très bien la culture et la littérature arabe, que pensez-vous des écrits de Saddam Hussein ?

G.M : Ses romans ne sont pas des chefs d’œuvre littéraires, mais ils sont pour ceux qui s’intéressent au Proche-Orient – et plus tard pour les historiens – des témoignages qui permettent de décrypter sa pensée, de mieux connaître sa jeunesse et son moi profond.

J’ai lu quelques uns de ses poèmes. Ceux écrits en prison sont poignants. J’espère qu’ils seront traduits un jour.

La fin

QUE FAIRE : Alors que l’Irak est au bord du gouffre comment expliquez-vous l’écart de perception de Saddam Hussein dans les diverses communautés ?

G.M : Dans les régions kurdes et chiites, il y a eu des combats et de la répression, mais il ne faut pas oublier que ces foyers de révolte alimentés – voir suscités - par des pays étrangers qui craignaient le développement de l’Irak : l’Iran du Chah et de Khomeiny, les Etats-Unis, Israël. Aucun chef de gouvernement au monde n’aurait toléré de tels agissements.

Il ne faut pas réduire l’Irak à une addition de communautés ethniques ou religieuses, ni croire ce que disent les chefs de milices ou la propagande US. C’est l’opinion de l’Irakien moyen qui compte. Après plus de 20 ans de guerres et d’embargo, il était normal qu’un certain nombre de gens soit persuadé que le renversement du régime débouche sur un règne de paix et d’abondance.

Aujourd’hui, les sondages montrent que la majorité des Irakiens regrette l’époque Saddam, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.

QUE FAIRE : Selon vous qu’est-ce qui a poussé les Américains à faire exécuter Saddam Hussein si vite ?

G.M : Pour plusieurs raisons. Le procès dit d’Al-Anfal, au sujet de la guerre au Kurdistan, risquait de déraper. Comme l’a dit dernièrement l’ancien Premier ministre russe Evgueni Primakov, ils l’ont tué pour l’empêcher de parler des relations Irak/Etats-Unis dans les années 80 et de leur rôle dans cette guerre.

Les Américains espèrent que la disparition de Saddam Hussein va déclencher une lutte pour le pouvoir au sein du parti Baas et provoquer des scissions. Ils voulaient renforcer Nouri Al-Maliki face à la montée en puissance de Moqtada Al-Sadr, prendre ce dernier de vitesse au moment où il négociait avec des partis sunnites la création d’un bloc parlementaire capable de renverser le « gouvernement ».

La décision de pendre Saddam a été prise lors de la visite d’Al-Maliki à Washington, et confirmée lors de celle d’Abdul-Aziz Al-Hakim, chef du Conseil Suprême pour une Révolution Islamique en Irak. George Bush aurait insisté pour que l’exécution ait lieu avant son discours à l’Etat de l’Union. Il avait déjà réclamé que la condamnation à mort du Président irakien soit prononcée avant les élections de mi-mandat en novembre dernier.

Les chefs chiites pro-iraniens craignaient aussi que Saddam Hussein s’évade et revienne au pouvoir ! Ils ont programmé la pendaison le jour sacré de l’Aïd sunnite pour élargir un peu plus le fossé creusé avec les chiites.

QUE FAIRE : En tenant compte des mentalités orientales et du passé de l’accusé que pensez-vous des cris de vengeance proférés avant l’exécution ?

G.M : Ce lynchage n’est pas seulement l’acte de vengeance d’un groupe terroriste. C’est aussi une opération de basse politique intérieure chiite. Les cris « Moqtaqa…Moqtada… » ont été poussés, semble-t-il, par des membres des Brigades Badr ou d’Al-Dawa. L’organisateur en chef de l’exécution – y compris de la vidéo pirate - est Mouafak Al-Roubaï, dirigeant d’Al-Dawa et inamovible directeur du Conseil de sécurité irakien. C’est l’homme des Américains par excellence. C’est serait lui qui a fait courir le bruit que Moqtada Sadr était le bourreau qui passait la corde autour du cou de Saddam Hussein.

Moqtada a démenti l’information dans une interview accordée au quotidien italien La Republica. Il n’était pas là. Il affirme qu’on l’aurait assassiné s’il y avait été présent. Il accuse ceux qui ont crié son nom d’avoir été payés pour le faire, pour le brouiller avec les sunnites. Il ajoute que s’il avait été chargé de l’exécution de Saddam Hussein… il l’aurait pendu en public. Saura-t-on un jour ce qui s’est réellement passé le 30 décembre ?

En tout cas, la vengeance appelant la vengeance, je ne donne pas chère de la peau de ceux qui ont commis ce crime.

Gilles Munier