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L’affaire des écoutes téléphoniques prend de l’ampleur

Des nouveaux rebondissements dans un scandale d’écoutes téléphoniques impliquant le chef de la communication du gouvernement met définitivement fin à la lune de miel post-électorale du Premier ministre David Cameron.

Reliez les points entre eux. L’héritier de la couronne d’Angleterre plaisante avec son frère à propos d’une soirée dans un club de strip-tease. Un journaliste va en prison. Des responsables politiques parlent d’écoutes illégales sur leurs téléphones portables. La police est accusée d’avoir contribué à étouffer l’affaire.

Ajoutez à cela des appels à la démission du responsable de la communication du Premier ministre et l’envoi de généreux chèques par un groupe de média pour faire taire... d’autres médias, et l’on entre dans une zone marécageuse. Et il n’a pas encore été question de la rivalité opposant le ’’Wall Street Journal’’ de Rupert Murdoch au ’’New York Times’’ de la famille Sulzberger.

Pour ceux qui ne vivent pas dans le petit monde égocentrique de la politique et des médias, il est peut-être normal de simplement tourner la page sur ces intrigues de palais. Cela vaut pourtant la peine de s’y attarder car ce n’est pas seulement une histoire de pression politique ou de manoeuvre médiatique.

Andy Coulson, ancien directeur de la rédaction du journal ’’News of the World’’ et actuel responsable de la communication de David Cameron, est aujourd’hui dans l’œil du cyclone. Les activités illégales de son ancien journal révèlent à la fois la part d’ombre du quatrième pouvoir au Royaume-Uni et les liens étroits existant entre News International, l’empire médiatique de Rupert Murdoch, et l’establishment politique britannique. Cette affaire suscite également bien des interrogations sur David Cameron et ses capacités de discernement.

L’histoire se résume ainsi : il y a trois ans, un journaliste de ’’News of the World’’ et un détective privé travaillant pour le journal, sont incarcérés pour avoir piraté le répondeur téléphonique de plusieurs membres de la famille royale. La police savait que leurs agissements dépassent largement la chasse au scoop et la recherche d’indiscrétions sur les jeunes princes William et Harry.

Si Andy Coulson démissionne alors de son poste de directeur de la rédaction, il nie fermement - ainsi que d’autres responsables de News International - avoir été au courant de quoi que ce soit. Nommé responsable du plan média pour le parti conservateur, il rejoint ensuite l’équipe de David Cameron après son élection au 10 Downing Street (en mai dernier).

Les preuves s’accumulent toutefois contre News International et semblent indiquer que ces écoutes téléphoniques ne concernaient pas seulement les membres de la famille royale mais peut-être des dizaines - voire des centaines, selon certains - de vedettes et de responsables politiques. Tessa Jowell, ancienne ministre travailliste, aurait été informée par la police que son téléphone avait été piraté.

Deux personnalités des milieux du sport et de la communication ont accepté un arrangement avec le journal qui leur a versé une compensation financière. De son côté, John Prescott, ancien vice-Premier ministre, a dénoncé la décision de la police de ne pas poursuivre l’enquête au-delà des premières auditions devant la cour. Les avocats d’autres plaignants annoncent également d’autres procédures contre News International.

Une commission parlementaire multipartite, présidée par un conservateur, n’a pas été convaincue par les témoignages de News International. S’ils n’ont trouvé aucune preuve de l’implication directe de M. Coulson, les parlementaires ont toutefois noté des incohérences dans les déclarations des responsables du journal.

En dépit des doutes formulés par certains conseillers de Downing Street, David Cameron tenait à la présence de M. Coulson au sein du gouvernement pour jouer les intermédiaires avec les journaux du groupe Murdoch. Ce n’est pas la première fois qu’un Premier ministre fait la cour à News International (lors de sa première campagne éléctorale, et durant ses dix années au pouvoir, l’ancien Premier ministre Tony Blair a assiduement courtisé le groupe, longtemps fidèle aux conservateurs. Le soutien du Murdoch a contribué à la victoire écrasante du parti travailliste en 1997) .

La version des faits de M. Coulson a été directement mise en doute par une enquête du ’’New York Times’’. Le journal américain cite en effet d’anciens collaborateurs de News of the World affirmant que M. Coulson était au courant des écoutes téléphoniques. Il est également question des liens étroits existant entre la police et les journaux du groupe Murdoch.

Les ministres conservateurs s’interrogent sur les motivations du New York Times, rappelant sa rivalité avec le groupe Murdoch. De son côté, la police britannique se défend d’une proximité excessive avec News International.

L’affaire reste néanmoins vaseuse. La police est sous pression pour rouvrir l’enquête et les parlementaires travaillistes demandent une enquête parlementaire. David Cameron est le perdant de cette affaire. En nommant Andy Coulson, il a manqué à sa parole de restaurer la transparence et l’intégrité au 10 Downing Street. Le renvoyer aujourd’hui reviendrait toutefois à admettre son erreur.

D’un autre côté, un Premier ministre ne peut pas se permettre se laisser ses conseillers médiatiques défrayer la chronique. Andy Coulson est devenu un poids pour le gouvernement. Il pourrait être poussé à la démission. Quoi qu’il en soit, la lune de miel post-électorale de David Cameron est bel et bien finie.