Egalité et Réconciliation
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L’énigme syrienne

Par Xavier Guilhou

Géopolitique de la Syrie. Face à la crise syrienne, l’Occident apparait affaibli, divisé, déstabilisé dans ses stratégies de résolution de ses propres crises internes et en repli sur ses stratégies de projection de puissance face à un Orient qui se « poutinise » dans ses postures aussi bien à Ankara, qu’à Téhéran ou à Jérusalem, explique X. Guilhou.

DEPUIS la mort de Kadhafi, toutes les chancelleries sont désormais « sur le chemin de Damas ». Nous assistons au même matraquage médiatique et aux mêmes gesticulations diplomatiques que pour l’affaire libyenne avec une mise en scène quotidienne des horreurs perpétrées par le régime syrien. Il est évident que Bachar el Assad et le premier cercle de la communauté alaouite qu’il représente [1] ne sont pas des démocrates et que la défense de leurs intérêts passe par une démonstration de force impitoyable, comme cela l’a toujours été au Levant. Pour autant ce serait un leurre que de prendre ses opposants pour des démocrates et leurs pratiques sur le terrain laissent augurer les mêmes chaos politiques qu’en Libye [2]. Une fois de plus la saturation médiatique autour des gesticulations de nos émissaires empêche toute réflexion approfondie alors qu’une multitude de zones d’ombres et d’agendas cachés interpellent les praticiens de ce terrain complexe et sensible qu’est le Proche-Orient.

Bachar el Assad doit partir !

A priori il est entendu dans toutes les chancelleries occidentales que cette affaire syrienne devrait être réglée rapidement, que les jours du « dictateur » Bachar el Assad sont comptés et qu’un changement de gouvernance est imminent. Les relais du CNS (Conseil national syrien) à Istanbul ne cessent d’abonder en ce sens en mettant en scène avec Al Jazeera les victoires de l’ASL [3] sur le terrain à Alep ainsi que les défections de dirigeants (la plupart du temps sunnites) à Damas. Une fois de plus, personne n’évoque l’environnement de ces quelques dirigeants du CNS, très proches des frères musulmans, qui sont sponsorisés par des financements du Qatar et des pétromonarchies, cela avec la bénédiction de nos chancelleries... Le dossier syrien n’échappe pas à la règle des opérations géopolitiques et cristallise toutes les formes possibles de désinformation et de manipulation. Etant donné que les jeux d’acteurs sont denses et complexes, autant dire que ces formes de guerre psychologique se jouent à plusieurs degrés souvent indéchiffrables pour un observateur non averti aux subtilités orientales.

Pour ceux qui se situent dans l’alignement de la diplomatie américaine, il n’y a plus l’ombre d’un doute : au nom de la démocratie, la dynastie alaouite qui règne à Damas doit subir le même sort que celui réservé depuis quelques années aux despotes et tyrans qui sévissent depuis 30 ans au sein du monde arabo-musulman. Rappelons discrètement que l’Occident a soutenu ou entretenu des relations très ambigües avec tous ces régimes qui garantissaient d’une certaine façon nos intérêts stratégiques aux lendemains de la Guerre froide (1947-1990). Dans ce contexte, nous n’avons pas été très regardants sur les pratiques des partis baas irakiens et syriens face à l’Iran et au Liban dans les années 1980… A présent il est clair que nous sommes entrés dans un autre jeu de rôles et qu’il faut faire évoluer les castings politiques face à des sociétés qui aspirent à la fois à une certaine modernité, à plus de décence et à d’autres modes de gouvernance. De Saddam Hussein jusqu’à Mouammar Kadhafi, en passant par tous les népotismes locaux en Tunisie, en Egypte, nous assistons au même processus de destitution des pouvoirs en place avec une délégation de maitrise d’œuvre ambigüe aux pétromonarchies, dont tout le monde connait l’appétence démocratique, notamment l’Arabie saoudite avec le wahhabisme … L’islamisation en cours de tous ces régimes est loin d’être rassurante et parait de plus en plus éloignée des souhaits schizophrènes de nos chantres des droits de l’homme, qui verrouillent les plateaux de télévision, ou des discours pontifiants de nos ministres des Affaires étrangères qui se complaisent dans des litanies humanitaires que nous connaissons trop bien face aux drames humains qui se jouent sur le terrain.

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5 Commentaires

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  • #211986
    Le 29 août 2012 à 08:52 par francky
    L’énigme syrienne

    c est tres bien ce genre de litterauture mais X Guilhou oubli de donner la cause des causes (comme dirait E Chouard) qui est à l origine de tous ces conflits : L Empire anglo/americano/sioniste....

     

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    • #212235
      Le Août 2012 à 17:43 par Girardien
      L’énigme syrienne

      La cause des conflits c’est la rivalité mimétique.

      La lutte des classes, la lutte des sexes sont des abstractions qui désignent les rivalités mimétiques économiques entre des pauvres et des riches ou les rivalités mimétiques dont l’objet est le pouvoir, entre les femmes et les hommes.

       
  • #212152
    Le 29 août 2012 à 14:55 par Arabo-phénicien
    L’énigme syrienne

    Excellente analyse... très loin du manichéisme ambiant...

    Elle explique très bien toute la subtilité de la situation, surtout des relations ambigües entre le régime Syrien et Israël/l’Empire et les enjeux énergétiques...

    N’oubliez pas de lire la suite !!!

     

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  • #212191
    Le 29 août 2012 à 16:15 par joseph
    L’énigme syrienne

    j’ai lu quelque part que, du temps de l’Egypte de Nasser, ce pays était auto-suffisant en matières agricoles à hauteur de 85%. Et que depuis la trahison de Sadate, ce chiffre n’a cessé de rogner pour atteindre aujourd’hui les 15% !
    Chaque fois qu’un dirigeant arabe a une vision indépendante, pro-arabe et pérenne, il est aussitôt diabolisé, attaqué et anéanti- ainsi que son pays, très souvent !
    voilà la cause majeure de l’amour fou porté aux islamistes : avec eux au pouvoir, on est sûr que les pays arabes ne décolleront jamais et resteront les éternels obligés de l’Empire...

     

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    • #213580
      Le Septembre 2012 à 21:41 par damien
      L’énigme syrienne

      Faut pas tout mettre sur l’empire, nourrir 40 millions d’âmes et 80 millions c’est pas pareil
      http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89gypte#D.C3.A9mographie

      Pas contre, l’Egypte fait pousser des patates dans le désert, en effet ce féculent est peu exigent
      sur la nature des sols ! mais il me semble que c’est pour ... l’export !