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La CIA envoie des personnes se faire torturer en Ouzbékhistan

La CIA se fiait à des renseignements obtenus sous la torture dans des prisons d’Ouzbékistan, pays d’Asie centrale où les suspects peuvent être violés avec des bouteilles cassées ou ébouillantés vifs, affirme un ancien ambassadeur britannique dans ce pays.

Craig Murray, recteur de l’Université de Dundee en Écosse, et jusqu’en 2004 ambassadeur britannique en Ouzbékistan, a affirmé que non seulement la CIA se fiait à des confessions extorquées par des pratiques de torture extrêmes, mais envoyait des prisonniers suspectés de terrorisme en Ouzbékistan dans le cadre de son programme d’ « extraordinary rendition » (transferts illégaux de prisonniers dans des prisons secrètes délocalisées, NDT).

« Je parle de personnes violées avec des bouteilles brisées, » a-t-il affirmé à la fin du mois dernier lors d’une conférence diffusée par The Real News network. « Je parle de personnes qui voient leurs enfants se faire torturer sous leurs yeux jusqu’à ce qu’ils acceptent de signer une confession. Je parle de personnes ébouillantées vives. Et les renseignements tirés de ces tortures sont reçus par la CIA, et sont transmis pour être utilisés »

Des associations de Droits de l’Homme ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps sur le système légal en Ouzbékistan. En 2007, Human Rights Watch a déclaré que la torture était une pratique « endémique » dans le système judiciaire ouzbek.

Murray a affirmé que ce n’est qu’en ayant travaillé comme ambassadeur qu’il a réalisé que la CIA envoyait des personnes se faire torturer en Ouzbékistan, pays qu’il considère comme un état « totalitaire » qui ne s’est jamais relevé de sa période communiste, quand il faisait partie de l’Union soviétique.

On demandait aux suspects enfermés dans les goulags ouzbeks de « confesser leur appartenance à al-Qaïda. Ils devaient avouer qu’ils s’étaient entraînés dans des camps en Afghanistan. Ils devaient confesser avoir rencontré Oussama ben Laden en personne. Et la CIA faisait constamment écho à ces thèmes »

Murray raconte : « J’ai été totalement abasourdi – cela a changé ma vision du monde dans l’instant – d’apprendre que Londres savait que les renseignements provenaient de personnes torturées, que ce n’était pas illégal parce que les conseillers juridiques avaient décidé que, dans le cadre de la convention des Nations Unies contre la torture, ce n’était pas illégal d’obtenir et d’utiliser des informations obtenues sous la torture tant que nous ne pratiquions pas ces tortures nous-mêmes. »

C’est pour le gazoduc, idiot !

Murray prétend que la motivation principale des militaires américains et britanniques dans leur implication en Asie Centrale est la présence d’importantes réserves de gaz naturel au Turkménistan et en Ouzbékistan. Pour preuve, le projet de construction d’un gazoduc à travers l’Afghanistan, qui permettrait aux compagnies pétrolières occidentales d’éviter de passer par la Russie ou l’Iran pour transporter le gaz naturel hors de cette région.

Murray a prétendu qu’à la fin des années 90, l’ambassadeur ouzbèke aux États-Unis avait rencontré George W. Bush, alors gouverneur du Texas, pour discuter de l’implantation d’un gazoduc dans la région. De cette réunion était sorti un accord selon lequel la compagnie texane Enron avait gagné le droit d’exploiter les réserves de gaz naturel ouzbèkes, et la compagnie Unocal celui de déployer le gazoduc transafghan.

« Le consultant qui organisait cela pour Unocal était un certain M. Karzaï, aujourd’hui président d’Afghanistan » fait remarquer Murray.

Murray a affirmé qu’une des motivations pour développer le battage autour du terrorisme islamique en Ouzbékistan, à travers des confessions forcées, était de s’assurer que le pays resterait du côté des États-Unis dans la guerre contre le terrorisme de sorte que le gazoduc puisse être construit.

« Il y a des schémas de ce gazoduc, et si vous regardez le déploiement des troupes américaines en Afghanistan, au contraire des autres pays de l’OTAN impliqués dans le conflit, vous verrez qu’elles sont, de manière évidente, positionnées de telle sorte qu’elles puissent surveiller la route du gazoduc. Ce n’est pas autre chose. C’est une question de pétrole, pas de démocratie. »

L’achèvement du gazoduc transafghan est prévu pour 2014, avec un support financier de 7,6 milliards de dollars par l’Asian Development Bank.

Murray a été renvoyé de son poste d’ambassadeur en 2004, suite à ses premières déclarations publiques accusant le gouvernement britannique de compter sur la torture en Ouzbékistan pour obtenir des renseignements.