Egalité et Réconciliation
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La "caravane de la libération" campe à Tunis

Des centaines de Tunisiens ont décidé de camper dimanche soir sous les fenêtres de la Primature à Tunis.

"On veille cette nuit pour protéger la flamme de la Révolution", résumait l’un des manifestants, dont bon nombre sont arrivés dimanche du centre du pays à bord d’un convoi baptisé "Caravane de la libération".

Dimanche, des milliers de manifestants ont réclamé une nouvelle fois le départ des caciques de l’ancien régime du gouvernement de transition.

Les "rescapés" très contestés de l’ère Ben Ali occupent notamment, dans le nouveau gouvernement de transition, les postes clés de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances.

"Le peuple vient faire tomber le gouvernement", proclame une banderole accrochée aux grilles du palais de la Kasbah, qui abrite les bureaux du Premier ministre.

Le palais a été assiégé toute la journée par la foule, comprenant un millier de provinciaux partis samedi du centre-ouest rural et pauvre du pays, foyer de la "révolution du jasmin" et arrivés dimanche à l’aube à Tunis dans un convoi hétéroclite, alternant marche et trajets en véhicules (camions, voitures, motos, camionnettes...).

Aux côtés des syndicalistes, opposants de gauche, citoyens ordinaires, femmes et enfants, les "marcheurs" ont mêlé revendications politiques et considérations sociales.

"Nous sommes marginalisés à l’intérieur du pays, toutes les richesses sont concentrées sur la côte. Mais notre demande principale, c’est la liberté avant le pain. On veut faire tomber ce régime fasciste et corrompu", explique Samir, un jeune venu d’un village rocailleux du centre.

A l’entrée en vigueur du couvre-feu, à 20h dimanche, ils étaient encore des centaines place de la Kasbah à tenter de s’organiser pour passer sur place la nuit qui s’annonçait très fraîche. Alors que des étudiants jouaient du luth en scandant des chants révolutionnaires arabes, au milieu des bougies. Une noria de camionnettes transportait sandwiches et sacs de couchage, tandis que les femmes du quartier offraient de grands plats de couscous.

"On vient juste de découvrir la solidarité du peuple tunisien. On ne va pas lâcher avant d’obtenir la tête du gouvernement", témoigne Sondes, une universitaire.

"Nous allons très probablement les laisser ici parce qu’ils sont venus de loin et qu’ils ne peuvent aller nulle part. Mais nous allons leur interdire de se déplacer" dans la ville, déclarait à l’AFP un officier de l’armée sur place, sous couvert de l’anonymat.

A Tunis samedi, second et avant-dernier jour de deuil national, des milliers de personnes ont manifesté dans des cortèges éparpillés dans le centre ville, avenue Habib Bourguiba, devant le siège du gouvernement, ou celui de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).

De nombreux policiers en civil ou en uniforme, se disant "Tunisiens comme les autres", ont défilé pour réclamer un syndicat de police et de meilleures conditions de travail, mais aussi se faire pardonner par la population la sanglante répression de la "révolution du jasmin".

Les manifestations, qui ont duré toute la journée dans un joyeux désordre, ont pris souvent un tour social : employés de mairie qui exigent une amélioration de leurs conditions de travail, employés de ménage dans les entreprises qui réclament des augmentations de salaires. Des chauffeurs de taxis et des pompiers se sont joints aux manifestants.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi en France pour soutenir l’éveil démocratique en Tunisie et réclamé le départ des caciques de l’ancien régime dans le gouvernement de transition. Environ 800 personnes selon la police, 1.500 à 2000 selon le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), ont manifesté dans l’après-midi à Paris de Denfert Rochereau vers l’ambassade Tunisie dans le 7e arrondissement de la capitale.

"Démocratie en Tunisie", "Dissolution du RCD" (Rassemblement constitutionnel démocratique) au pouvoir sous le régime de Ben Ali, "Epuration du gouvernement", scandaient les manifestants essentiellement d’origine tunisienne et maghrébine, a dit Mouhieddine Cherbib, membre fondateur du CRLDHT. Ils défilaient à l’appel du Collectif de solidarité avec les luttes des habitants de Sidi Bouzid - Tunisie, du nom de la ville située au sud de Tunis où la "révolution du Jasmin" a commencé il y a cinq semaines provoquant le départ le 14 janvier de Ben Ali.

Le Congrès pour la République, le parti de l’opposant tunisien Moncef Marzouki, a réclamé samedi la création d’un Conseil national chargé de rédiger une nouvelle Constitution, ainsi que la démission du gouvernement de transition. Médecin âgé de 65 ans, Moncef Marzouki vivait en exil en France jusqu’à son retour mardi dernier en Tunisie au lendemain de la chute de Ben Ali. Il a été président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) jusqu’en 1994. Il avait été condamné à un an de prison en 2000.