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La famille radicale en quête d’accordailles

L’élection de Nicolas Sarkozy n’a pas fini de bouleverser le paysage politique. Les socialistes promettent une refondation, les écologistes pensent à une nouvelle maison, la gauche de la gauche essaie de survivre, François Bayrou, tel le prince de Soubise, cherche ses troupes, et Jean-Marie Le Pen en vient à chanter les louanges de celui qui l’a laminé. De leur côté, les héritiers du Parti radical, fondé en 1901, celui qui a donné trente et un chefs de gouvernement à la République, divisé en deux branches antagonistes - le Parti radical valoisien, membre associé de l’UMP, coprésidé par Jean-Louis Borloo, numéro deux du gouvernement, et André Rossinot, maire de Nancy, et le Parti radical de gauche (PRG), né d’une scission en décembre 1973 et présidé par le sénateur Jean-Michel Baylet -, rêvent de nouvelles accordailles. Et peut-être même d’épousailles !


Tout commence au lendemain de l’élection de M. Sarkozy. Encouragé par plusieurs rencontres avec le président, M. Baylet tend la main, le 16 mai, dans Le Figaro, aux valoisiens, dont les radicaux de gauche sont "artificiellement séparés" par une "stratégie d’union de la gauche qui n’a plus d’actualité". Le président du PRG, qui songeait en 2003 à rejoindre le PS, propose de "reprendre les habitudes de travail en commun" et franchit le Rubicon : "Quand vient le temps du rassemblement, il est normal que les frères séparés soient les premiers à se retrouver. Et, pourquoi pas, à la fin, réunifier le vieux Parti radical." Bernard Tapie, prêt à jouer les entremetteurs, applaudit. Le PS, qui a investi trente-deux candidats du PRG aux législatives, s’indigne. Six députés radicaux, dont les deux rivaux de M. Baylet, Roger-Gérard Schwartzenberg et Emile Zuccarelli, protestent.

MM. Borloo et Rossinot s’empressent de saisir la main tendue, jugeant que leur parti, "par sa pensée et son action, est aujourd’hui en mesure de rassembler par-delà les clivages politiques traditionnels". Mais M. Baylet fait marche arrière, rappelle son ancrage à gauche et récuse tout changement d’alliance. Fin de partie ? Nenni. A l’issue des élections législatives, les valoisiens comptent seize députés, les radicaux de gauche, apparentés au groupe socialiste, huit. MM. Schwartzenberg et Zuccarelli sont battus. Et le manège reprend. Au comité directeur du PRG, le 7 juillet, M. Baylet récidive, un ton en dessous, sans prononcer le mot de "réunification". Il parle de la fin du cycle d’Epinay, ne veut plus "être la petite aile droite de la gauche", refuse "l’enfermement dans une alliance exclusive et dépourvue d’alternative". Au nom de l’"indépendance à gauche", qui suppose le maintien de l’alliance avec le PS pour les municipales de 2008, il relance ses "initiatives de dialogue" avec les valoisiens. Des élus grognent. Paul Giacobbi, député de Haute-Corse, prévient qu’il ne faut pas "confondre discussion et compromission". Mais la stratégie des accordailles est validée à 84 %.

Des retrouvailles sous forme d’Arlésienne ? Le thème sera évoqué aux universités d’été des deux frères séparés - les 15 et 16 septembre à Nancy pour les valoisiens, du 14 au 16 septembre à Ramatuelle pour le PRG -, qui affichent des références historiques communes, de Gambetta à Clemenceau, d’Herriot à Mendès France, défendent la laïcité et fréquentent souvent les mêmes loges maçonniques. Le PRG fait aussi du philosophe Alain (1868-1951), celui qui écrivait que "l’exécutif est monarchique nécessairement", son mentor. Il applaudit l’ouverture, le traité européen simplifié et la réforme institutionnelle, mais il prône toujours une VIe République avec la "suppression d’une artificielle dyarchie de l’exécutif" et le renforcement du contrôle du Parlement. Pour l’heure, les valoisiens sont dans la majorité, le PRG dans l’opposition. Pour que des accordailles débouchent sur des épousailles, il faudra nécessairement que l’un des frères change de rive.

Michel Noblecourt


Source : http://www.lemonde.fr