Egalité et Réconciliation
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La main militaire d’Israël dans notre Amérique, intervenSionisme mercenaire

Sergio Yahni est directeur du Centre d’Information Alternative de Jérusalem. Entretien réalisé par Catherine Hernández, William Urbina y Bachir Ahmed

Le coup d’Etat au Honduras et l’installation des 7 nouvelles bases militaires nord-américaines en Colombie prouvent à l’évidence une escalade dans l’agression contre les mouvements de libération qui ont lieu en Amérique Latine… Comment voyez-vous cette situation ?

Premièrement, le Centre d’Information Alternative est une organisation palestino-israélienne qui est solidaire des luttes des peuples d’Amérique Latine et, deuxièmement, nous voyons dans les développements sociaux et politiques que connaît l’Amérique Latine également un espoir non seulement pour l’Amérique Latine, mais aussi pour nous-mêmes étant donné que le conflit, en Amérique Latine, entre les peuples et l’empire et le conflit qui a lieu ici, actuellement, au Moyen Orient, sont structurellement liés .

Je ne me réfère pas seulement à la violence des méthodes employées, je parle aussi des méthodes qui ont déjà été expérimentées ici, au Moyen-Orient – l’occupation – c’est pourquoi je dis que nous parlons d’un lien structurel tant pour ce qui concerne l’oppression militaire impérialiste que la résistance ; il ne s’agit pas d’un lien occasionnel. En vérité, l’occupation de la Palestine et le conflit déclenché par les forces armées israéliennes sont devenus un laboratoire où sont expérimentées des technologies et des tactiques militaires qui ensuite sont également mises en application en Amérique Latine. Les mêmes technologies, par exemple s’agissant d’armes sans personnels, (avions sans pilotes ; tanks sans tankistes, etc.) qui commencent à être employées en Amérique Latine ont déjà été utilisées et expérimentées ici, au Moyen Orient, surtout dans la Bande de Gaza, contre le peuple palestinien. Ça c’est un premier élément. L’autre c’est que l’armée israélienne et les sociétés privées mises sur pied par des généraux et des colonels israéliens interviennent désormais directement en Amérique Latine du côté de la répression, soit comme instructeurs (ils assument l’entraînement militaire) soit en participant directement aux opérations.

Depuis deux ans, au moins, nous savons que les dirigeants sionistes exportent leur macabre modèle en Colombie (avec le Plan Colombie), mais, aujourd’hui, cette présence est révélée et cette information circule avec plus de vigueur à la suite des évènements du Honduras. Comment voyez-vous cela chez vous ?

En ce qui nous concerne, nous avions vu clairement cela lors de l’opération qui a conduit à l’assassinat de Raúl Reyes. Nous avions vu qu’il s’agissait d’une tactique classique de l’armée israélienne, je parle de l’opération militaire grâce à laquelle la Colombie a assassiné Reyes suivie, ensuite, de toute la retentissante affaire de l’ordinateur de Reyes. C’étaient là des tactiques déjà utilisées ici. Elles portaient la signature de l’armée israélienne. Apparemment, dans l’assassinat de Reyes, les officiers israéliens ont été chargés de l’entraînement et non de l’opération proprement dite. De plus, nous savons clairement qu’il y avait des contacts et des relations directes entre marchands d’armes et l’armée israélienne d’un côté, et les paramilitaires colombiens et le gouvernement de Colombie lui-même d’un autre côté. Sur ce point, nous pouvons donner un nom : le colonel Yair Klein ; c’est désormais un fait historique, pour ce qui est de la vente d’armes surtout aux paramilitaires colombiens.

Ce qui est d’actualité c’est ce qui concerne le Honduras où se produit une intervention israélienne en Amérique Centrale, intervention qui ne date pas d’aujourd’hui. La présence d’officiers israéliens, actifs ou à la retraite, en Amérique Centrale, a commencé à l’époque de la révolution au Nicaragua où il y avait un colonel israélien auprès de Somoza. Aujourd’hui nous savons qu’il y a des armes israéliennes au Honduras et nous savons que l’armée israélienne entraîne l’armée du Honduras. Mais il nous faut tenir compte du fait que nous parlons de sujets qui sont secrets, qu’aucun journal ne publie ces informations. C’est pourquoi il nous faut respecter les principes qui sont à la base de l’information journalistique.

Quelles informations avez-vous sur le rôle joué par ces “sociétés se sécurité” israéliennes en collaboration avec les Etats-Unis ainsi que sur la stratégie du gouvernement israélien ?

Il y a différents niveaux qu’il faudrait analyser . Le premier c’est nous demander pourquoi est-ce une entreprise privée et non l’Etat lui-même, directement, qui intervient. Ce point a un rapport très étroit avec une politique marquée par l’idéologie néolibérale qui implique de tout privatiser. On a privatisé, en Amérique Latine et dans le monde entier, tous les biens sociaux et le dernier bien social qu’on a privatisé – et cela crève les yeux en ce qui concerne la guerre en Irak -, ce sont les armées. Nous nous trouvons au cœur d’un processus au cours duquel, pour le capitalisme, pour l’impérialisme, il est plus rentable d’avoir recours à des forces de sécurité privées plutôt qu’à une armée nationale. Et c’est pourquoi Israël, qui est à l’avant-garde du néolibéralisme, a opté pour la privatisation de son exportation des technologies militaires. Si nous revenons à la Colombie, sujet sur lequel nous avons l’information la plus abondante, nous savons que la société privée qui a entraîné l’armée colombienne pour assassiner Reyes a reçu dix millions de dollars pour cette opération et je parle d’informations déjà publiées en Israël. Dans un premier temps, la Colombie est venue voir le Mossad, les services secrets israéliens, pour leur demander de l’aide. Les services secrets lui ont donné le téléphone, le contact avec des sociétés privées, des gens qui remplissent aussi des missions pour le Mossad. Voilà le premier élément qu’il nous faut considérer, c’est-à-dire que nous parlons d’un système complexe dans lequel l’idéologie néolibérale intervient.

Le second élément c’est qu’Israël, historiquement, et quand je dis « historiquement » je pourrais remonter aux années 60 et surtout 70, est un sous-traitant de la sale besogne des Etats-Unis. Pour des raisons politiques et autres, il y a des choses que les Etats-Unis ne peuvent pas faire et c’est là que commence le rôle de sous-traitant d’Israël. Nous avons vu cela, déjà, dans tout ce que nous connaissons à propos de l’Amérique Latine, de l’Afrique et de l’Asie, où l’Etat israélien, en tant qu’Etat d’abord et puis, par la suite, sous la forme de sociétés privées, a accompli le sale travail. Lorsque Somoza était indéfendable, les Israéliens étaient là pour le défendre. Lorsqu’il a fallu soutenir le paramilitarisme en Colombie, les sociétés privées israéliennes ont été là et elles ont vendu des armes aux paramilitaires parce que c’était quelque chose que les Etats-Unis ne pouvaient pas faire pour des raisons ou des intérêts propres. Alors Israël apparaît bien comme un sous-traitant qui fait le travail pour le compte des Etats-Unis.

Maintenant, ce qu’il nous faut considérer – parce qu’il faut aussi regarder les choses du point de vue de la résistance – c’est qu’il existe des contradictions. Il faut voir ensuite comment nous pouvons utiliser ces contradictions parce que s’il est vrai qu’Israël est un sous-traitant qui dépend des tâches que lui assignent les Etats-Unis, il est vrai aussi qu’il a ses intérêts propres. Et nous voyons alors que, dans bien des cas, Israël essaye de vendre des armes et d’assurer l’entraînement en allant bien au-delà des limites que les Etats-Unis lui ont assignées.

C’est pourquoi il nous faut utiliser deux choses du point de vue de la résistance : d’abord utiliser cette contradiction ; ensuite, puisque c’est Israël qui fait la sale besogne, il est très important de mener des campagnes pour le boycott d’Israël surtout en mettant en avant la vente d’armes et principalement en Amérique Latine. Parce que, par exemple, il est assez choquant que ces sociétés privées de sécurité qui, d’un côté, assassinent des gens en Amérique Centrale ou bien font partie des paramilitaires en Colombie, bénéficient de contrats d’Etat soit avec le Brésil soit avec l’Argentine. C’est pourquoi il nous faut aussi commencer à mobiliser les gens pour qu’ils chassent ces sociétés de sécurité israéliennes.

En ce qui concerne le Venezuela, que Dani Ayalón (vice ministre des Affaires Etrangères d’Israël) décrit comme une base iranienne en Amérique Latine, comment voyez-vous le Venezuela du point de vue de la résistance ?

L’Etat d’Israël voit le Venezuela comme l’axe du mal, tout simplement. Israël a ses intérêts réels au Moyen Orient . Il y est confronté à l’Iran, car l’Iran est devenu une base de résistance à l’impérialisme dans la région. Et l’Iran n’est pas un petit Etat ; c’est un Etat qui possède la capacité militaire de s’opposer à ce que fait Israël. Il est capable de constituer un danger pour Israël et c’est pour cela qu’Israël s’efforce d’isoler l’Iran. Mais le Venezuela brise l’isolement de l’Iran et devient de ce fait l’ennemi des politiques israéliennes. Parce que le Venezuela ce n’est pas seulement le Venezuela : c’est l’Alba, ce sont les relations avec l’Amérique Latine ; c’est aussi les relations avec le Brésil et le Brésil a des relations avec l’Iran et cela brise la stratégie d’Israël visant à isoler l’Iran.

Traduit par Manuel Colinas Balbona pour Investig’Action Revu par Grégoire Lalieu