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Le coût d’un maintien dans l’euro

L’Union européenne traverse aujourd’hui une crise majeure. Ceci a pu être constaté dans l’absence totale d’enthousiasme avec laquelle furent célébrés les soixante ans du Traité de Rome. L’union européenne ne fait plus recette.

 

À l’origine de cette crise on trouve l’euro, qui déséquilibre économiquement l’UE et la rend incapable d’intégrer au moins une partie des réfugiés qui se pressent à ses portes. Pourtant, la monnaie unique se voulait le couronnement de la construction européenne. En réalité, elle cause son déclin, elle provoque sa ruine et elle pourrait la conduire à la mort. Elle corrode les fondations économiques et sociales des pays qui l’ont adopté, elle met à mal le modèle social et elle s’avère contradictoire avec la démocratie. La monnaie unique suscite aussi, peu à peu, la montée de comportements tyranniques, un gouvernement de règles qui s’oppose au gouvernement des lois votées par les Parlements. C’est cela qui produit en réaction, mais qui aussi justifie, une vague dite « populiste » sans précédent et sans égal.

Seule l’Allemagne semble y échapper ; ce n’est pas un hasard. L’euro a été conçu par et pour l’Allemagne. Permettant une sous-évaluation de la monnaie allemande, sous évaluation qui a été évaluée à -15 % par rapport à ce que devrait être le taux de change d’un Deutsch Mark maintenu, l’euro entraine aussi une surévaluation des monnaies de pays comme la France, l’Italie [1] et l’Espagne [2]. Cela se traduit par l’énorme excédent commercial structurel de l’Allemagne au détriment de ses voisins, un excédent commercial qui porte en lui la fin de l’Union européenne.

 

Graphique 1

 

Cet excédent aurait dû produire une réévaluation de la valeur de la monnaie allemande, tout comme il aurait, normalement, conduit à la dépréciation de la valeur des autres monnaies par rapport à la monnaie allemande. Or, ceci est impossible du fait de l’euro dont le fonctionnement ici s’apparente aux parités de change du « bloc-Or » de sinistre mémoire dans les années 1920 et 1930. Ce « bloc-Or », encensé par les uns, mais décriés par les autres, fut un des principaux propagateurs de la crise de 1929 en Europe.

L’Allemagne avait ainsi une balance commerciale déficitaire de -1,4 % du PIB en 1999 ; elle se retrouve avec un excédent de plus de 8 % en 2015. Surtout, cet excédent ne cesse de s’accroître depuis l’introduction de l’euro. Les crises désormais sont permanentes depuis 2010. Elles conduisent à des politiques budgétaires stupidement restrictives adoptées pour « sauver l’euro », qui entrainent une chute historique des investissements pesant non seulement sur la croissance mais sur le bien-être des populations. Les crises à répétition entre les pays de l’UE les dressent les uns contre les autres, et menacent la coopération européenne comme jamais auparavant. L’euro constitue un défi et un danger pour l’état d’esprit européen. Le constat est désormais partagé par de nombreux économistes. Qu’il s’agisse de Lord Mervyn King, l’ancien gouverneur de la Bank of England ou Banque centrale du Royaume-Uni, qui vient de publier un livre [3] où il étrille l’euro, de plusieurs prix Nobel, dont Joseph Stiglitz [4], ou d’un livre co-écrit par plusieurs économistes [5] – tous pensent de même. De fait, le nombre d’économistes de renom aujourd’hui opposés à l’euro ne cesse de monter.

Ils ne sont pas les seuls. Des politiques de premier plan, comme Oskar Lafontaine (ex dirigeant du SPD et fondateur du parti Die Linke [6]), Stefano Fassina, ancien ministre du gouvernement de centre-gauche en Italie [7], ont joint leur voix aux critiques. Ces critiques sont le versant policé de la montée des mouvements populistes dans les différents pays européens, que ce soit le Mouvement 5 étoiles en Italie, Podemos en Espagne, le Front national en France, ou des mouvements similaires au Pays-Bas et même en Allemagne (avec l’AfD qui vient d’entrer dans le Parlement de la Sarre à l’occasion des élections régionales allemandes). Et cela nous mène à une question évidente : pourquoi donc l’euro a-t-il été mis en place ?

 

L’histoire de l’euro

 

Le projet est ancien. La réflexion sur une monnaie unique européenne date de la fin des années 1960 avec le rapport Werner [8]. Les obstacles étaient, eux aussi et déjà, bien connus. En 1977, le président de la Commission européenne de l’époque, le Britannique Roy Jenkins, proposa la création d’une monnaie unique pour les pays qui composaient alors la Communauté économique européenne. Mais il liait sa proposition à un budget communautaire dont le montant s’élèverait à 10 % du produit intérieur brut (PIB) des États membres. Cette idée était techniquement logique, mais elle fut politiquement rejetée par la totalité des pays concernés. Elle l’est toujours aujourd’hui, alors que le budget de l’Union européenne ne dépasse pas les 1,25 % du PIB. Or, sans budget fédéral, l’euro ne peut fonctionner. Malgré cette faiblesse, on a institué l’Euro tout en sachant que le budget dédié à son fonctionnement était insuffisant. Cela appelle plusieurs explications.

Depuis la fin des années 1980, et en particulier avec le Traité de Maastricht entré en fonction en 1993 et qui a créé l’Union européenne s’est ainsi affirmé un projet politique : mettre en place des institutions fédérales ou encore supranationales. Or, ces institutions avaient été, et sont toujours, rejetées par les peuples européens à chaque fois que l’on a consenti à leur demander leur avis. Rappelons-nous le projet de Traité Constitutionnel, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2005. Il fallait donc ruser. Les dirigeants européens ont donc consciemment construits des institutions incomplètes, dont l’euro est le meilleur exemple, en espérant que les crises naissant de cette incomplétude amèneraient les peuples à consentir, dans l’urgence, ce à quoi ils s’étaient refusés de manière raisonnée. Mais, cette ruse a failli. Les crises se sont multipliées, les unes après les autres. Pourtant, aucune n’a pu engendrer ce dépassement fédéral que les pères de l’euro appelaient de leurs vœux. Le gouvernement français est bien seul, aujourd’hui, à porter le projet fédéral. Même le gouvernement allemand, qui fut longtemps son meilleur allié, se détourne désormais d’une logique politique qui ferait peser sur ses seules épaules le fardeau de la mise en place de ce fédéralisme. Ainsi se contente-t-elle de défendre un statu-quo qui l’avantage à l’évidence.

Lire la suite de l’article sur russeurope.hypotheses.org

Notes

[1] Bagnai A., « Italy’s decline and the balance-of-payments constraints : a multicountry analysis » in International Review of Applied Economics, n°20, 2016, pp. 1-26.

[2] IMF, 2016 External Sector Report, 18 juillet 2016, Washington, International Monetary Fund, Washington, D.C.

[3] King, Mervyn A., The End Of Alchemy : Money, Banking And The Future Of The Global Economy, Londres, Little, Brown (à paraître)

[4] Stiglitz Joseph E., The Euro : And its Threat to the Future of Europe, New Yok, Allen Lane, 31 mai 2016, (à paraître)

[5] Coll. L’euro est-il mort ?, Paris, Éditions du Rocher, 2016.

[6] La déclaration se trouve dans le journal Neues Deutschland : http://www.neues-deutschland.de/art... ainsi que sur le blog d’Oskar Lafontaine : http://www.oskar-lafontaine.de/link...

[7] Fassina S., « For an alliance of national liberation fronts », article publié sur le blog de Yanis Varoufakis par Stefano Fassina, membre du Parlement (PD), le 27 juillet 2015, http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/2...

[8] Aris M. et N. M. Healey, « The European Monetary System », in N. M. Healey, The Economics of the New Europe, Londres-New York, Routledge, 1995, p. 45-67

À lire chez Kontre Kulture :

Jacques Sapir, sur E&R :

 
 






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6 Commentaires

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  • #1692319
    Le 29 mars 2017 à 15:57 par Citoyen Patriote
    Le coût d’un maintien dans l’euro

    Merci Mr Sapir , de ça , les grands experts du système
    Euro-mondialiste , ne risquent pas d’en parler..... ?

    Surtout Congelet , ah ! non Lenglet , le grand spécialiste....

     

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    • #1692378
      Le Mars 2017 à 18:53 par dixi
      Le coût d’un maintien dans l’euro

      Lenglet ? je n’ai jamais vu un spécialiste économique aussi nul .J’aimerais le voir en face de O Delamarche ou Pierre Jovanovic ,rien que pour rire .

       
  • #1692376
    Le 29 mars 2017 à 18:52 par Papy résistant
    Le coût d’un maintien dans l’euro

    Ah ! leur Europe fédérale , ça aurait été leur apothéose !!!! Ben , même avec toutes leurs circonvolutions, leurs malhonnêtetés , leurs mensonges récurrents , j’ai l’impression qu’il peuvent ranger pour un bout de temps leur projet !

     

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    • #1692416
      Le Mars 2017 à 20:41 par Drago
      Le coût d’un maintien dans l’euro

      J’avais dit que rendre à l’Allemagne ses frontières du IIIè Reich en ferait la vainqueur de la 2è Guerre Mondiale.
      Quand c’est pas 70 millions de morts qui ont tout simplement l’air d’être passés à la poubelle.

       
  • #1692493
    Le 29 mars 2017 à 23:28 par Odyle
    Le coût d’un maintien dans l’euro

    Au Canada on essaie au moins de récupérer sa souveraineté monétaire...jamais les médias dominants n’en parlent
    http://www.lejournalinternational.i...

     

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  • #1692738
    Le 30 mars 2017 à 16:33 par Domino
    Le coût d’un maintien dans l’euro

    L’euro est en effet le résultat d’un mensonge sur le but politique inavoué de la construction européenne. But politique dont on se rend peu à peu compte des sources et des implications.
    On a mis en avant des promesses séduisantes : la paix (en inversant les causes et les effets), la prospérité (l’échec le plus évident, du moins dans certains pays), la question allemande (on voit ce qu’il en est).

     

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