Egalité et Réconciliation
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Le réseau sioniste en action contre Alain Soral !

Lundi 31 mai 2010. Alain Soral, assis sur son canapé, attend impatiemment de voir apparaître dans sa petite lucarne Noam Chomsky. Il a déjà en tête le papier assassin qu’il publiera deux semaines plus tard, dans sa brochurette Flash, à la seule fin de séduire un peu plus son petit groupuscule de groupies frustrées, obnubilées par Israël et les juifs. En quelques lignes, il le sait déjà, il réglera son compte à Chomsky, comme il l’a fait par le passé avec Bourdieu, Arendt ou Castoriadis. Lorsque la voix de Frédéric Taddeï se fait entendre, le cœur de l’ « intellectuel français dissident » s’emballe, le stylo à la main l’ex-dragueur frénétique est prêt à cracher son encre vénéneuse…

Jeudi 17 juin 2010. Le Bloc-notes sur Noam Chomsky est enfin publié

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Pas de doute, le boxeur Alain Soral est une bonne plume, son style est incisif, chaque mot qu’il assène vise à mettre K.O. son adversaire. Mais le tout manque de panache, l’ancien mannequin (sic) de Jean-Paul Gaultier multipliant les coups en-dessous de la ceinture. Tout comme la bien triste pisse-copie de Rivarol, Donatella Maï, une semaine plus tôt, Alain Soral veut en finir avec Noam Chomsky, et pour cela, tous les moyens sont bons.

Noam Chomsky le Frivole et Alain Soral le Sérieux

Alain Soral semble croire que les médias ont activement promu le passage de Chomsky à Paris et reprend à bon compte la formule du New York Times sur « le plus grand intellectuel du monde », ce qui lui permet d’en faire une vulgaire star médiatique, pur produit de l’industrie du spectacle, une sorte de Mick Jagger de la pensée. Il nie donc sans vergogne la réalité du traitement médiatique réservé à Noam Chomsky à cette occasion (un seul passage radio, un seul passage télévisé, des journaux majoritairement silencieux ou très critiques) mais aussi l’hostilité générale de la caste culturo-médiatique française depuis trente ans.

Cette contorsion du réel a pour fonction d’imposer au lecteur l’implicite sophisme, éculé mais redoutablement efficace : « les médias promeuvent toujours le frivole au détriment du sérieux, Chomsky est promu par les médias, donc l’œuvre et la pensée de Chomsky sont frivoles ». A défaut d’être sérieux, Alain Soral démontre au moins qu’il a lu Aristote.

Voici ensuite Jacques Derrida et René Girard convoqués en appui de la charge soralienne. Jacques Derrida n’aurait été qu’un « charlatan » brassant du « vent », et ce serait uniquement « l’industrie de la réclame » qui lui aurait permis d’obtenir une reconnaissance universitaire et mondiale. Tandis que dans le même temps, René Girard, « penseur chrétien » et artisan méticuleux, offrait un travail sérieux, une « œuvre », qui ne rencontra pas le même succès, le même enthousiasme.

Cette opposition artificielle a pour fonction de renvoyer le lecteur à celle que Soral établit entre lui-même, « penseur national, régional, bouseux… » et l’intellectuel américain, « immense esprit cosmopolite ». Comprendre : là où Alain Soral élaborerait « patiemment » une œuvre depuis 1976 (il serait « agitateur » depuis cette année précise – alors qu’il ne publie des essais qu’à partir de 1996), Noam Chomsky, en soixante ans d’activités intellectuelles, n’aurait joué que de la trompette.

Acmé de ce préambule, le jugement définitif porté par Soral, sur la base de l’émission de quarante minutes de Frédéric Taddeï : Chomsky est « un tout petit intellectuel de gauche – sorte de Sartre américain racontant toujours les mêmes platitudes anticolonialistes cinquante ans après qu’elles aient perdu toute pertinence pour comprendre les conflits actuels, notamment en Palestine – un tout petit joueur, un tricheur et même un menteur sur tous les sujets abordés ce soir là ». Petit joueur, tricheur et menteur donc, c’est-à-dire quelqu’un qui trompe sciemment, un manipulateur. Ni plus ni moins !

Noam Chomsky n’est pas un linguiste

Car, selon Alain Soral, le prestige de Chomsky ne tient qu’en deux points : « une certaine autopromotion communautaire » et la linguistique. L’« autopromotion communautaire » : comprendre que c’est à la communauté juive (américaine, russe ou mondiale, c’est au choix) que Chomsky doit en (grande) partie sa notoriété, en raison sans doute d’une certaine solidarité tribale, ethno-tribale ou ethnico-religieuse. Affirmation gratuite et douteuse : le sérieux de Soral à l’œuvre !

La linguistique : Noam Chomsky n’est pas linguiste, c’est André Martinet, linguiste fonctionnaliste, et donc « adversaire » et farouche critique de la linguistique générative, qui l’aurait soufflé à Alain Soral en 1980 lors d’une discussion privée. Les initiés connaissent l’histoire de l’article écrit par Chomsky dans les années 50 et refusé par Martinet du temps où celui-ci dirigeait la revue Word aux Etats-Unis. Ils savent aussi la dureté des critiques que le linguiste français portait à l’endroit de son homologue américain (mais aussi d’Emile Benveniste). Les profanes seront quant à eux séduits par l’anecdote rapportée par Soral : outre qu’elle présente l’avantage de ne jamais pouvoir être réfutée par M. Martinet, elle laisse en effet croire que le sieur Soral, alors âgé de vingt-deux ans et n’ayant sans doute pas de connaissances en linguistique sérieuses à cette époque (les a-t-il seulement aujourd’hui ?), cette anecdote laisse donc penser que le sieur Soral discutait d’égal à égal avec André Martinet. Ce qui ne peut que profiter à l’image, à la légende soralienne. Mais même en admettant que l’anecdote soit vraie, en quoi l’avis de M. Martinet devrait-il primer sur la réalité objective, à savoir que l’ensemble de la communauté des linguistes admet que Noam Chomsky a incontestablement marqué l’histoire de cette discipline, et ce « quoi qu’on pense du sujet » ?

Revenons à l’autopromotion communautaire et appliquons cette logique à son concepteur Alain Soral : en 1980, souffrant d’une « grande solitude affective », Soral est « recueilli » par Henriette Walter et son époux, et profitant de leur bienfaisance, entre à l’EHESS (où enseigne Mme Walter, aux côtés de M. Martinet, depuis une dizaine d’années). Avec le fils Walter, Eric, alias Hector Obalk, il travaille durant trois ans sur un livre dont le sujet est la mode, livre publié en 1984 et en grande partie le fruit du travail des Walter. Ce livre lance véritablement Alain Soral, professionnellement et financièrement.

Or, c’est un livre écrit en famille, une famille bien placée, la famille Walter sur laquelle vient se greffer le jeune Soral : doit-on y voir la manifestation d’un certain népotisme ou d’une certaine solidarité communautaire (la communauté familiale élargie) ? Et le crédit aveugle accordé à l’assertion d’André Martinet, d’origine savoyarde, disciple de Ferdinand Saussure, suisse, doit-il être considéré comme la manifestation évidente d’une certaine solidarité ethnique et nationale de la part de maître Soral, d’origine savoyarde et citoyen suisse ?

Noam Chomsky hors de son domaine de compétence

Alain Soral ne croit donc pas que Noam Chomsky est véritablement un linguiste mais il est toutefois disposé à admettre cette possibilité. Cette concession, il l’a fait pour mieux avancer son argument suivant : si Noam Chomsky est linguiste, il n’est en conséquence pas compétent pour parler politique internationale ou philosophie politique. Soral pose la question : « en quoi la linguistique autorise-t-elle l’expertise idéologique et politique ? » Et il donne la réponse : « En rien. » Nous demandons à notre tour à M. Soral : « en quoi le fait d’être dépourvu du baccalauréat et de diplômes universitaires, en quoi le fait d’avoir fait les Beaux-Arts et commis des livres sur la mode et la drague vous autorise-t-il l’expertise idéologique, politique et sociale dont vous nous abreuvez depuis une dizaine d’années ? »

A suivre cette logique, on serait tenté de répondre « En rien ». Mais nous croyons, comme Alain de Benoist, que ce qui compte c’est avant tout de se situer du côté de la vérité (et non à droite ou à gauche), donc de l’honnêteté intellectuelle. Honnêteté intellectuelle qui devrait conduire à reconnaître que, non seulement Noam Chomsky ne nous « abreuve » pas « depuis les années 60, de sa critique gauchiste de la politique étrangère américaine et des mass-médias » puisqu’il n’est régulièrement publié en France que depuis la fin des années 90, mais qu’en outre il importe peu que l’intellectuel soit « gauchiste » (on connaît l’aversion de Soral pour cette catégorie), « anarchiste », professeur d’hébreu dans sa jeunesse, d’origine russe ou encore « le plus grand intellectuel du monde », autant d’étiquettes souvent réductrices et reprises par les médias, et Soral, et qui ne traduisent absolument pas la complexité du personnage. Ce qui compte, c’est donc bien d’analyser ses écrits et ses discours : à défaut de parler des premiers, le penseur franco-suisse parle de l’entretien avec Frédéric Taddeï. Mais que dit-il ?

Sur le rôle des médias dans le consentement des masses

Alain Soral semble reprocher à Noam Chomsky ses travaux sur la « fabrication du consentement » dont le succès éclipserait de manière scandaleuse les écrits fondateurs d’un Edward Bernays ou de George Orwell. Or, si les médias se réfèrent plus – dans une mesure toute relative – au premier qu’aux deux autres, est-ce la faute du linguiste ? Et est-il responsable de cette sacralisation (pas toujours bien intentionnée) qui fait de lui « le plus grand intellectuel du monde » ?

Rappelons tout de même que dans La Fabrication du consentement, Chomsky et Edward Herman ne cachent pas ce qu’ils doivent au penseur britannique et au publicitaire : Soral le saurait s’il n’avait pas lu que la couverture du livre ! Procès d’intention donc qui n’honore pas celui qui a tellement emprunté (doux euphémisme) à Michel Clouscard, Christopher Lasch, Philippe Muray ou Lucien Goldmann.