Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

"Le riz, l’orge et le sucre sont devenus des actions comme les autres"

Pour Didier Rousseau, Fondateur de Weave et spécialiste des matières premières agricoles, la mauvaise météo n’explique pas à elle seule la flambée des cours. Interview.

Les cours du blé continuent d’augmenter et ont atteint un pic. Au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, on craint que cette tendance à la hausse perdure, ce qui deviendrait une source de préoccupation, en particulier pour les pays à faibles revenus. C’est votre crainte aussi ?

Didier Rousseau. Effectivement. Cette envolée des cours a commencé par les mauvaises conditions climatiques : la sécheresse de l’été dernier en Russie et en Ukraine, principaux exportateurs de blé dans le monde qui a mis à mal les récoltes. Tout comme les intempéries en Australie et au Canada. Et plus récemment s’est greffée la sécheresse dans le Nord de la Chine. Or elle est le deuxième producteur mondial de blé après l’Union Européenne, selon le dernier rapport de l’OCDE : ses provinces les plus touchées par le manque de pluie (Shandong, Jiangsu, Henan, Hebei et Shanxi) représentent ensemble près de 60 % des surfaces cultivées et deux tiers de la production nationale de blé. Sur les 14 millions d’hectares de blé d’hiver, environ 5,16 millions pourraient avoir été affectés, ont indiqué des sources officielles à la FAO.

Mais les mauvaises conditions climatiques n’expliquent pas tout...

Les cours explosent également en raison de la spéculation accrue sur les matières premières. Le riz, l’orge ou le sucre sont devenus des actions comme les autres. La Bourse étant instable et les taux intérêts très bas, les investisseurs préfèrent miser sur les matières agricoles. A ces mouvements spéculatifs s’ajoutent la hausse de la population mondiale et les transformations des modes alimentaires des pays émergents. Sans oublier les bio-carburants et l’urbanisation en masse qui réduisent les surfaces cultivables.

Les mouvements dans les pays du Maghreb, peuvent-ils accélérer les mouvements haussiers ?

En effet. Aujourd’hui, l’Algérie et l’Egypte stockent en abondance pour éviter les émeutes de la faim. Leurs provisions vont jusqu’à 30 % du stock mondial. Et ce stockage en masse est possible parce que le marché n’est pas régulé.

Et les Etats-Unis dans tout ça ?

La problématique est différente. Ils produisent abondamment mais, faute d’une logistique efficace, les exportations restent limitées. D’ailleurs, la production américaine ne pourrait pas satisfaire l’envolée de la demande mondiale.