Egalité et Réconciliation
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Les effets de la crise sur la scolarisation des enfants

Quand l’économie mondiale est en crise, l’éducation est "en sursis". Le diagnostic, peu optimiste, est signé de l’ONG française Aide et action, présente dans 22 pays, qui, dans un rapport publié à la fin mai et intitulé "Education, les cours chutent !", évalue les dégâts des crises – économique et alimentaire – sur la scolarisation des enfants.

Ces données, recueillies à travers des enquêtes menées entre décembre 2009 et janvier 2010 dans huit pays (Inde, Madagascar, Togo, Mali, Sénégal, Bénin, Niger et Burkina Faso), auxquelles Aide et action a ajouté les faits compilés dans le rapport Education pour tous de l’Unesco, paru en janvier dernier, montrent que les risques de déscolarisation dans les familles les plus pauvres, un risque multiplié par deux pour les 20 % les plus pauvres par rapport au reste de la population.

Alors qu’il reste encore 72 millions d’enfants non scolarisés dans le monde dont la moitié vivent en Afrique subsaharienne, les progrès engrangés année après année depuis la mise en place des objectifs du Millénaire – huit objectifs que les Etats membres de l’ONU ont convenu d’atteindre d’ici à 2015, dont celui d’"offrir à tous les enfants un enseignement primaire gratuit et de qualité" – sont lourdement menacés sous le triple effet de la baisse des aides au développement, des transferts financiers et du ralentissement des échanges commerciaux.

Ces vagues de déscolarisation sont par exemple à l’œuvre au Bangladesh, où la hausse de la nourriture en 2007 et en 2008 "a forcé la moitié des ménages pauvres à retirer leurs enfants de l’école, afin de réduire les dépenses". Car l’école, dans la plupart des pays pauvres, même si elle est officiellement gratuite, suppose des frais importants, comme ceux liés aux fournitures et aux uniformes. Au Togo, "les trois quarts des parents dépensent au moins un tiers de leurs revenus pour les frais liés à l’éducation", et ce malgré l’instauration de la gratuité depuis la rentrée 2008.

Quand l’argent manque, le travail des enfants redevient vital pour les familles. Au Burkina, l’ONG note une augmentation de la "débrouillardise", en particulier pour les jeunes qui étaient scolarisés dans l’enseignement secondaire. Ils sont déscolarisés pour exercer de petits métiers comme apprenti mécanicien, soudeur ou vendeur de mouchoirs en papier, complétant ainsi un revenu familial singulièrement écorné par le chômage qui s’est envolé à la faveur de la crise.

Comme l’indiquait l’Organisation internationale du travail dans son rapport 2009, 20 millions d’emplois ont été perdu depuis le début de la crise, le nombre de chômeurs passant de 190 à 210 millions. Parallèlement, le nombre de travailleurs pauvres – ceux dont le revenu est inférieur à deux dollars – pourrait atteindre 1,4 milliard, dont 60 % de femmes.

Sans aller jusqu’au tout ou rien, nombre d’enfants, comme le montre les enquêtes menées dans les Etats du Tamil Nadu et de l’Andhra Pradesh en Inde, où "40 % des parents mentionnent le travail ponctuel de leurs enfants dans l’agriculture, 55 % d’entre eux déclarent que cet apport est essentiel pour subvenir aux besoins de la famille" tandis que "24 % expliquent ne pas avoir assez d’argent pour payer les frais de scolarité". Souvent, ces familles "choisissent" de faire travailler un enfant pour permettre aux autres de continuer leur scolarité. Ces "stratégies" mises en place par les familles jouent en défaveur des filles, qui représentent 54 % des enfants non scolarisés.

Quand la crise sévit, elle ne dérobe pas seulement l’emploi, ne réduit pas seulement les moyens de subsistance. Elle provoque aussi un effet sur les esprits : celui de réduire à néant les espoirs que fondent les parents sur les études. Pourquoi s’acharner à scolariser ses enfants quand "les retours attendus en termes de travail et de revenus s’amoindrissent" ? Les témoignages recueillis en Afrique de l’Ouest par Aide et action vont bien souvent dans le sens de celui d’un père de famille burkinabé : "Imaginez-vous un chef de famille qui se débrouille, qui a plusieurs enfants à l’école, et dont les premiers n’ont pas glané un seul Franc... Pensez-vous qu’au rythme actuel de la vie, où tout est cher, il aura les moyens pour inscrire celui qui se laisse renvoyer ? Je pense que ce monde est fait pour les riches. Gardez votre école et laissez nous notre rue pour nous débrouiller."