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Mur de Berlin : Sarkozy, profession menteur

Le président de la République dit avoir accompagné Alain Juppé dès le 9 novembre 1989 pour assister à la chute du mur de Berlin. Problème, ce dernier ne s’y serait rendu que le 16 au soir. Face à la polémique, l’Elysée répond que le chef de l’Etat y est en réalité allé à deux reprises : le 9 en catimini, puis le 16 « avec une plus grosse délégation ».

Où était Nicolas Sarkozy le 9 novembre 1989 au soir ? A Berlin, a répondu le président de la République sur sa page Facebook, où il a partagé dimanche ses souvenirs de la chute du Mur de Berlin. « Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé ... pour participer à l’événement qui se profile », écrit ainsi le président de la République. Au milieu d’une « foule enthousiaste », les deux hommes ont assisté aux « retrouvailles du peuple allemand [qui] sonnaient la fin de la guerre froide et le début d’une période de grande liberté en Europe ».

Journaliste à Libération, Alain Auffray a le premier émis des doutes sur cette version. Pour une seule raison : « Le matin du 9 novembre, personne à Paris - ni même à Berlin - ne pouvait soupçonner que le mur allait tomber ». « A aucun moment l’annonce d’une ouverture probable n’a provoqué le moindre rassemblement à l’Ouest. […] Les Berlinois de l’Ouest n’ont commencé à s’attaquer au mur que le lendemain 10 novembre. Ils ont été rejoints par des visiteurs venus du monde entier. Parmi lesquels, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé », a-t-il écrit sur son blog. Et d’émettre une suggestion : le 9 novembre, les élus RPR assistaient aux commémorations de la mort du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises.

Effectivement, le vendredi 10 novembre 1989, Le Figaro relatait la cérémonie d’hommage au général de Gaulle tenue la veille, en notant explicitement la présence d’Alain Juppé (consultez le pdf). « Pour l’occasion, tous les représentants des sensibilités qui traversent actuellement le mouvement gaulliste étaient au coude à coude », écrivait Le Figaro.

Alain Juppé s’est pourtant bel et bien rendu à Berlin. Mais une semaine plus tard, le 16 novembre. Dimanche, Lefigaro.fr a exhumé une biographie consacrée au maire de Bordeaux, parue en 2001*. « Lorsqu’il retourne à Berlin six mois plus tard, le 16 novembre, avec François Léotard et Alain Madelin, Alain Juppé découvre un autre univers. Là, il touche les quelques pans de mur encore debout, passe de l’autre côté, tandis que des Allemands de l’Est accélèrent à coups de pioche la désagrégation de quarante années de honte. Onze ans plus tard, il se souvient encore “d’un jeune soldat dont le visage rayonnait de bonheur”. » Cette date est mentionnée dans La Tentation de Venise, livre écrit par Alain Juppé, rapporte l’AFP.

Juppé : « Ma mémoire est imprécise »

Un article de l’époque confirme une nouvelle fois cette version des faits (pdf). Dans l’édition du samedi 18 novembre 1989, Le Figaro rendait compte du voyage d’Alain Juppé « à Berlin dans la nuit de jeudi [16] à vendredi [17] », où l’élu avait « annoncé la création d’une association, Solidarité avec les démocraties nouvelles ». Une dépêche Agence France-Presse datée du vendredi 17 novembre 1989 (pdf) ne disait pas autre chose, qualifiant son déplacement de « visite express ». Le secrétaire général du RPR était « accompagné de Nicolas Sarkozy et Jean-Jacques de Peretti », indiquait la dépêche.

A l’approche du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, Alain Juppé a pourtant lui-même appuyé le témoignage de Nicolas Sarkozy. Dans une vidéo mise en ligne la semaine dernière sur le site Internet de la mairie de Bordeaux, ce dernier affirme avoir été présent dès le 9 novembre 1989 à Berlin. Dans une autre vidéo mise en ligne sur TV5, l’ancien député de Paris s’est toutefois montré moins précis, évoquant une visite le « 10 ou 11 novembre », mais plus le 9.

Contacté par Lefigaro.fr, son cabinet n’a pas pu fournir davantage de précisions dans l’immédiat. La note de son blog qui évoquait elle aussi une présence à Berlin le 9 novembre 1989 a toutefois été modifiée lundi matin, pour reconnaître que la date de sa présence à Berlin n’était plus exactement figée dans ses souvenirs. « En novembre, j’étais de nouveau à Berlin, avec ma petite équipe du RPR, dont Nicolas Sarkozy. Le 9 au soir (ou quelques jours plus tard, ma mémoire est imprécise sur la date exacte), il gelait à pierre fendre », est-il écrit désormais.

La version de Nicolas Sarkozy est en revanche confirmée par François Fillon, qui a assuré qu’il avait bien croisé Nicolas Sarkozy dans la soirée du 9 novembre.

Sollicité, le patron de la communication de l’Elysée, Franck Louvrier, n’était pas joignable dans l’immédiat. L’organisateur du voyage, Philippe Martel, a cependant réaffirmé lundi qu’Alain Juppé et Nicolas Sarkozy étaient présents dès le 9 novembre au soir à Berlin. « J’ai vérifié dans mon agenda 1989, j’ai l’âme d’un archiviste, j’ai tous mes agendas », a-t-il dit. Il précise que le petit groupe s’était rendu à Berlin en avion privé, avait « cassé le mur » vers 23 h,avant de rentrer à Paris le 10 novembre. L’ancien ministre Jean-Jacques de Peretti parle, lui, d’un voyage en train...

Selon l’Elysée, tout cela serait une affaire de discrétion. Nicolas Sarkozy aurait fait deux voyages, « une fois le 9 novembre 1989, plutôt en catimini, et une deuxième fois le 16 novembre 1989, avec une plus grosse délégation », rapporte 20minutes.fr.

*Le Joker : Alain Juppé, une biographie. Par Céline Edwards-Vuillet, édition Seuil.