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Pourquoi les éditeurs français refusent le livre de Marine Le Pen

Censure politique ou calcul économique ?

RTL vient de lancer un gros pavé dans la mare éditoriale. Selon la station, les plus grands éditeurs renonceraient à publier le manuscrit de Marine Le Pen. Un livre en quelque sorte programmatique pour 2017. Dans une France qui vote de plus en plus FN (six millions de voix en décembre 2015), ce refus semble aller contre les lois commerciales qui règnent dans ce secteur économique. Il y a pourtant des raisons cachées, qui ne sont pas forcément politiques, ou anti-FN…

 

Les hommes politiques écrivent rarement leurs livres (80% sont écrits par des « nègres »). Ceux qui le font ont les qualités littéraires requises, et elles se perdent. Les deux dernières grandes plumes furent François Mitterrand (Le Coup d’État permanent, et bien d’autres) et Charles de Gaulle (Le fil de l’épée, Mémoires d’espoir), deux phénomènes d’édition. Une autre génération. Aujourd’hui, formés à la superficialité culturelle du couple Sciences Po-ENA, les principaux dirigeants de partis n’ont plus ni le talent ni le temps d’écrire leurs ouvrages. Sauf quand ils prennent leur retraite. Là, à la manière de Philippe de Villiers, ils peuvent balancer allègrement, et cartonner à plus de 200 000 exemplaires. Avec le décalage qui sied à la prudence la plus élémentaire. On ne saura jamais très exactement ce que le vicomte avait découvert chez Pasqua, par exemple. En 2015, Fillon a vendu 75 000 Faire, Mélenchon 45 000 Hareng de Bismarck (une charge anti-Merkel), Juppé 15 000 Pour un État fort, Taubira 7 000 de son Esclavage raconté à ma fille (un sujet paradoxal pour la mère de la GPA, ce nouvel esclavage des femmes pauvres), Duflot 1 500 Le Grand virage, Filoche 1 000 Vive l’entreprise ?. La moyenne des ventes du livre politique se situant à 3 000.

Le livre politique est en fait conçu comme un produit d’appel, qui va justifier les invitations médiatiques. « C’est un pur alibi marketing. À la rigueur, peu importe ce qu’il y a dedans  », explique l’éditeur Pierre Féry (France Culture, 23 août 2013)

Les livres programmatiques sont généralement écrits par les techniciens des partis, formés à la science politique, au droit ou à l’histoire. Les nègres sont employés comme conseillers en communication, attachés de directeurs de cabinets, ou assistants parlementaires… le temps de la fabrication de l’ouvrage. Orsenna fut la plume des discours de Mitterrand – pas de ses livres –, Guaino l’inspirateur des discours de Sarkozy, un président de la République incapable d’écrire en bon français, et en bon Français. Souvent, le politique s’associe avec un proche qui le connaît bien et qui se charge du boulot. On pense au journaliste Guy Benhamou, de Libération, à la manœuvre lors du coming out de Roger Karoutchi. Chirac confiait ses oeuvres à l’historien Jean-Luc Barré, féru de Général et de Mauriac. La méthode est simple : à l’instar d’un peintre ou d’un sculpteur, les deux protagonistes se rencontrent à plusieurs reprises, les séances de confessions sont enregistrées ou manuscrites sur le vif, et la « plume » met tout ça sur papier, à la sauce du politique en question. Simple affaire technique. Pour 3-4 semaines de travail en moyenne (le nègre écrit vite), les professionnels reconnus sur la place touchent entre 8 000 et 25 000 euros, selon le poids politique de la bête, son image dans l’opinion, et donc les ventes espérées. Pour les candidats à la négritude littéraire, mieux vaut tabler sur une fourchette entre 5 000 et 8 000 euros.

« Il m’est d’ailleurs arrivé de me retrouver, sur le plateau d’Apostrophes, défendant mon dernier roman face à quelqu’un dont j’avais écrit le livre. C’était jubilatoire. » (Patrick Rambaud)

Les plus connus des nègres politiques sont Jean-Paul Brighelli, celui qui pourfend l’école socialiste, Dan Franck et Patrick Rambaud, auteur d’une série caustique sur l’Élysée. Ils sont à l’origine de dizaines d’« autobiographies » célèbres. Leur réussite personnelle les autorise désormais à n’écrire que pour eux : peut-être auront-ils aussi leur nègre un jour ! Simplement, une excellente plume-béquille ne garantit pas le succès : la plupart des livres politiques finissent au pilon. Dernièrement, le livre de Cambadélis s’est vendu à 561 exemplaires. Même les militants n’en ont pas voulu. Il pourra toujours accuser son nègre. Quant à Jean-Vincent Placé, il culminait fin 2015 à 552 Pourquoi pas moi !. La palme revient à Frédéric Lefebvre et 90 unités de son dialogue imaginaire entre de Gaulle et Mitterrand sur… le quinquennat de Sarkozy. La France de tous les possibles, de Pierre Gattaz, le patron du Medef, s’est arraché à 150 exemplaires… Des scores pathétiques qui ont refroidi des éditeurs déjà gelés : le livre politique, c’est casse-gueule.

Pierre Féry , directeur délégué chez Michel-Lafon : « Si un éditeur est rationnel, il ne publie pas de livres politiques. À de rares exceptions près, ils ne marchent pas » (France Culture)

C’est en période pré-électorale, et surtout pré-présidentielles, que la tension est la plus forte chez les éditeurs et leurs nègres. Car chaque maison qui se respecte a son nègre. Des auteurs prolixes qui ne pourraient autrement pas vivre de leur talent. Là, les prix commencent à s’envoler. L’avantage du livre politique, dont le succès est loin d’être garanti, on l’a vu, c’est la vente forcée, le marché captif : la base militante. Quand Christian Estrosi fait écrire sa bio par Brighelli (qui refusera de bosser pour Charasse, taxé de « personnalité détestable »), puis par un journaliste, les amis du maire de Nice sont priés de l’acheter. Certains ne se font pas prier, d’autres sont tenus d’acquérir l’ouvrage de la vedette locale. Souvent, ces livres s’entassent sans être lus. Un auteur de Canal+ s’était vu confier la lourde tâche d’écrire la bio d’un député de droite, un baron local, qui voulait absolument « son » livre. 80 000 francs de l’époque, soit 12 000 euros d’aujourd’hui. Pour une poignée d’entretiens très pénibles, avec un type qui n’avait rien d’intéressant à dire, mais qui voulait « son » bouquin dans « sa » bibliothèque. L’argent était évidemment sorti des caisses du parti. Pas de la poche du vaniteux.

Henri Trubert, ancien de chez Fayard et co-fondateur de la maison d’édition des Liens qui libèrent : « Souvent, les hommes politiques en achètent eux-mêmes 1 000 ou 1 500 exemplaires qu’ils distribuent ensuite ». Jean-François Copé avait d’ailleurs eu recours à ce stratagème pour doper les ventes. (France Culture)

Alors, quand une Marine Le Pen fait savoir qu’elle va écrire un ouvrage, entre programme et biographie, on pourrait penser que les éditeurs vont se battre comme des chiens et faire monter les enchères pour le contrat. C’est à qui offrira le plus de droits d’auteurs, ou d’avance sur recettes. Car Marine, c’est 80 000 militants fidèles et admirateurs, un marché qui risque d’acheter comme un seul homme, sans oublier des milliers de curieux, attirés par la « bête » politique du moment. Un coup à 100 000 ventes assuré… en théorie. Car les éditeurs ne se bousculent pas, selon RTL. Sans faire d’amalgame douteux, Fayard publie Mein Kampf en français, et personne ne veut du livre de Marine Le Pen ? Il y aurait une explication : la grande édition française se concentre dans quelques arrondissements parisiens. Gallimard, Flammarion, Grasset tiennent dans un kilomètre carré. Ces maisons prestigieuses sont considérées comme étant « de gauche » ou disons, bienveillantes avec les idées de gauche.

« En aparté, l’ancienne plume d’un sénateur socialiste révèle comment il est parvenu à faire élire son patron à la vice présidence de la chambre haute : "Le Sénat est une maison où la franc-maçonnerie prospère. L’élu pour qui je travaillais n’était pas franc-maçon. Mais je plaçais dans ses discours des traits d’esprit, des tournures de phrases et des expressions qui pouvaient laisser penser qu’il l’était. Ses collègues ont fini par le croire et ils ont voté pour lui !" »

Les éditeurs de droite assumée existent, mais ont moins de poids : Jean Picollec ou Pierre-Guillaume de Roux n’ont pas la surface d’un Grasset ou d’un Flammarion. La gauche culturelle règne donc, globalement, sur l’édition française. Ceci peut éventuellement expliquer cela : malgré l’appât du gain – qui est apolitique, lui – il reste une appréhension, celle de « servir » la propagande d’un parti médiatiquement controversé. Les éditeurs se sentiraient peut-être responsables de la diffusion d’idées qui ne sont pas les leurs, ou qui ne correspondent pas à leur image. Ceci étant dit, un petit éditeur peut faire un carton avec un livre « vendeur ». Pas la peine de passer par Galligrasseuil, qui trustent tous les prix littéraires, et qui disposent des meilleurs relais médiatiques, en presse écrite ou audiovisuelle. Les attaché(e)s de presse de ces maisons connaissent parfaitement les critiques littéraires, qui font vendre un ouvrage. Hors de ce système très connivent, point de promotion efficace, le livre perdant en visibilité. Mais le bouche-à-oreille populaire a parfois démenti ce système de contrôle de la pensée écrite. Comprendre l’empire, d’Alain Soral, a dépassé les 100 000 ventes sans la moindre invitation télé. Avec un matraquage médiatique à la Zemmour pour le Suicide français, qui a bénéficié d’un débat public malgré les cris d’orfraie de la gauche « culturelle », il serait probablement à 500 000 exemplaires.

 

 

Au final, les éditeurs sont relativement frileux devant un manuscrit politique, sauf quand il émane d’un grand nom, qu’il s’agit de mémoires (300 000 pour Chirac en 2010, et 500 000 depuis) ou d’un pamphlet : tout le monde se souvient des 400 000 ventes du Suicide français de Zemmour, ou des 80 000 du Qu’ils s’en aillent tous, de Mélenchon. Or le manuscrit de Marine Le Pen est un essai de réflexions, pas des confessions à la Loana (écrites par le nègre Kervéan), soit un pur livre politique. C’est surtout de ce côté-là, plutôt que du côté sulfureux, que le bât blesserait : la politique politicienne intéresse moins le lecteur lambda. Cependant, les mémoires de son père non plus, n’ont pas trouvé d’éditeur. Et elles sont prêtes depuis longtemps. Le système éditorial serait-il sous influence ? La raison officielle invoquée par RTL serait la « crainte d’une mauvaise presse », primordiale dans ce genre de lancement. Sauf que, bonne ou mauvaise, du moment qu’il y a presse, c’est bon pour le livre.

 

 

Et puis, le dernier ouvrage de Marine Le Pen est passé relativement inaperçu : Pour que vive la France n’avait pas dépassé les 8 000 exemplaires en 2012, avant son score de 17,90% au premier tour des présidentielles. Pour la petite histoire, Un monde sans la City ni Wall Street ; Un grand chantier pour demain, du candidat Jacques Cheminade, n’avait pas intéressé plus de 91 acheteurs. Pourtant, il était dans le vrai, et dans le dur. Dernière chose, et pas des moindres : le niveau culturel – donc de lecture – des électeurs du FN. Un parti composé de jeunes, d’ouvriers et d’employés, catégories qui lisent moins que celles qui composent l’électorat LRPS, c’est un fait. L’Express avait défrayé la chronique en lançant, le 3 avril 2012, avec une petite idée derrière la tête tout de même, un « Moins on est instruit, plus on vote FN ».

Les deux derniers livres de Marine Le Pen sont désormais accessibles gratuitement en téléchargement ici.

Marine Le Pen « séduisait » déjà, en 2012, un quart des jeunes, et les jeunes, ce sont les électeurs de demain. Les jeunes qui votent FN sont effectivement moins instruits que ceux qui votent LRPS (50% du total) : ils sont plus préoccupés par la sécurité que par l’éducation, ou la politique pure, européenne par exemple. Beaucoup de ces 18-23 ans sont en précarité professionnelle ou angoissés devant leur avenir, qui n’est pas tout tracé. En 2012, Sylvain Crépon, chercheur de Nanterre « spécialiste de l’extrême droite », avait prédit que ces jeunes, en s’intégrant dans la société et l’entreprise, finiraient par s’éloigner d’un vote protestataire. Erreur. Aujourd’hui (34% ont voté FN aux Régionales de décembre 2015), près de 40% des 18-23 ans votent ou veulent voter pour Marine Le Pen. Il n’y a donc plus seulement des jeunes en précarité ou sous-diplômés qui se sentent proches du FN. Les éditeurs qui refusent le manuscrit de Marine Le Pen en 2016 seront peut-être surpris en avril 2017.

 

 

« Insoumission et produits subversifs en tout genres »

Il y a pourtant, dans la place, un éditeur qui n’a peur de rien, et encore moins des manuscrits dits sulfureux : Kontre Kulture.
La petite maison d’édition d’Alain Soral et Julien Limes, depuis sa fondation en 2011, a développé un catalogue contre-culturel musclé. On y édite non seulement les ouvrages interdits (en réalité qui font peur aux éditeurs frileux, alors que c’est la noblesse du métier que d’éditer les auteurs « dangereux »... pour le Système), mais aussi les ouvrages de la nouvelle pensée politique, qui a fleuri sur les champs labourés par Alain Soral avec Comprendre l’empire. Depuis, malgré les procès des associations sionistes, et le silence médiatique sur cette réussite (ceci expliquant cela), la petite maison est devenue grande, au rythme de croisière de 2 à 3 livres par mois, avec des succès qui font pâlir les éditeurs qui pensaient que la politique n’intéressait pas les Français. Pire, beaucoup de jeunes achètent sur Kontre Kulture, une catégorie sociologique considérée par le milieu comme ayant délaissé la lecture au profit de l’écran ! Kontre Kulture fait donc mentir les pronostics et les clichés en cours.
En faisant la promotion d’une expression libérée de tous les groupes de pression, en soutenant des auteurs qui trouveraient difficilement place ailleurs, cette maison d’édition, si elle n’était pointée du doigt par la gauche culturelle, qui sent son leadership vaciller, serait l’objet de nombreux articles dithyrambiques. Malgré cette mauvaise presse – ou presse mauvaise –, les Français sont de moins en moins dupes, et transgressent avec un soulagement grandissant les lignes de peur établies par la dominance.

Le FN, Marine Le Pen et les jeunes, sur E&R :

 






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